Mais, jusqu’où ira ce régime de Macky Sall? Compte tenu du climat politique actuel, cette question semble avoir toute sa pertinence.
Après avoir bâillonné des activistes dont le seul tort a été de dénoncer les dérives d’un Etat devenu despotique, voilà à nouveau que la machine judiciaire sénégalaise s’acharne sur un journaliste dont le seul tort est de mettre au nu les innombrables forfaitures perpétrées par Macky Sall et ses sbires afin de neutraliser tout élément représentant une menace à leur « monarchie républicaine ».
En effet, le peuple sénégalais a été cueilli à froid ce 20 décembre en apprenant l’arrestation (la deuxième en un mois et demi) du journaliste Pape Alé Niang, connu du grand public pour ses révélations explosives sur la stratégie mise en place par l’Etat sénégalais afin de neutraliser tout opposant pressenti pour devenir une éventuelle épine dans les souliers de Macky Sall.
Le journaliste avait été arrêté le 06 novembre dernier pour « avoir appelé les troupes de l’armée à la révolte, jeté le discrédit sur l’institution militaire et divulgué des documents classés secret-Défense en plus du délit de propagation de fausses informations ». L’affaire avait fait grand bruit et avait déclenché l’immense colère des activistes et d’une partie de la presse dont la mobilisation spectaculaire avait fini par faire trembler le pouvoir, lequel accordera une liberté provisoire au journaliste sénégalais.
Mais, contre toute attente, ce 20 décembre, Pape Alé Niang a, une nouvelle fois, été arrêté. Et les explications fournies par le procureur pour justifier son retour en prison sont tout simplement hallucinantes. En effet, ce dernier accuse le journaliste d’avoir violé les obligations imposées par la décision de l’autorité judiciaire (qui lui avait accordé une liberté provisoire) en diffusant des audios et vidéos dans lesquels il aborde aisément les faits poursuivis.
Pour le procureur de la République, les choses sont très claires : les dernières sorties médiatiques du journaliste sur les réseaux sociaux (Facebook, Youtube…) représentent « une menace aux piliers de l’Etat de droit reposant en grande partie sur le respect des décisions de justice ».
Donc, si l’on suit la logique de la justice sénégalaise totalement inféodée à Macky Sall, le journaliste (parce qu’il bénéficiait d’une liberté provisoire) avait l’obligation de la fermer jusqu’à ce qu’un juge tranche. Si, dans le fond, les arguments présentés par le procureur ne sont pas dénués de sens, force est de constater qu’il y a tout de même une véritable volonté de faire taire le seul et unique journaliste qui, ces dernières années, a ouvertement tenu tête à l’Etat, dénonçant toutes les dérives du régime au péril de sa vie.
Ceci dit, on est tous d’accord que l’atteinte au secret de la Défense nationale et la propagation de fausses informations constituent des délits d’une extrême gravité. Cependant, est-ce un motif suffisant pour chercher à le faire taire à tout prix? Je dois rappeler que tout récemment, au courant de ce mois de décembre, trois journaliste français (Benoît Collombat, Jacques Monin et Geoffrey Livolsi) ont été convoqués par la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) après avoir publié une enquête sur des soupçons de traffic d’influence au sein de l’armée. Pourtant, jusqu’au moment où j’écris ces lignes, aucun d’entre eux n’a été jeté en taule.
Il est grand temps que la justice sénégalaise comprenne que lorsqu’une enquête est d’intérêt public, sa divulgation reste un devoir moral auquel se souscrit tout homme épris de justice. La disparition mystérieuse de Fulbert Sambou et de Didier Badji, l’affaire Adji Sarr et l’assassinat de François Mancabou (dans des circonstances extrêmement floues) sont des crimes d’Etat qui doivent être compris comme tels par la population dans son immense majorité. Et c’est exactement ce que tente de faire Pape Alé Niang.
Ironie de l’histoire : le journaliste est jeté en prison. Pendant ce temps, les faussaires et les voleurs de la République jouissent de toute leur liberté de mouvement et ne sont jamais inquiétés par la même justice qui harcèle les opposants. D’ailleurs, il y a une semaine, la Cour des Comptes, dans son dernier rapport, a épinglé des personnalités politiques de premier rang pour détournement des fonds Covid qui leur ont été confiés. Mais là, comme par hasard, la justice botte en touche et fait comme si de rien n’était.
Quel pays de merde!