En tant que mélomane et grand fan de la musique africaine mais aussi américaine, je ne peux m’empêcher de penser à cette très pertinente phrase de Tupac, rappeur américain, qui, en dénonçant la précarisation de la société américaine, s’attaquait vigoureusement au gouvernement américain en ces termes : « ils ont beaucoup d’argent pour faire la guerre, mais ils ne peuvent pas nourrir les pauvres ».
Je tiens à rappeler cette phrase à la suite des événements qui se produisent ces dernières semaines au Sénégal, un pays où le citoyen lambda peine à joindre les deux bouts mais où il est très facile, dans des circonstances exceptionnelles, de réunir des sommes faramineuses pour venir en aide à des personnalités qui ont maille à partir avec la justice.
En effet, depuis plusieurs jours, l’Affaire Taïb Socé fait la une des médias du pays. Pour celles et ceux qui ne le connaissent pas, Taïb Socé est un prédicateur musulman doté d’une parfaite maîtrise de la langue arabe et d’une connaissance très approfondie de la théologie islamique. Impliqué dans une grave affaire de transaction commerciale, il a été arrêté en juillet dernier et écroué.
Je n’entrerai dans l’aspect juridique d’un dossier complexe. Il revient à la justice sénégalaise d’effectuer ce travail et d’établir, le moment venu, la culpabilité ou l’innocence du prêcheur. Toutefois, j’ai été très surpris de la mobilisation spectaculaire qui a eu lieu ces dernières semaines pour obtenir la libération d’un homme charismatique dont l’état de santé, nous dit-on, est très fragile.
Je rappelle qu’en août dernier, les 10 millions de FCFA déposés comme caution par Taïb Socé avaient été rejetés par un juge. En effet, la partie civile réclamait un versement minimum de 100 millions de FCFA à verser à l’Imam Mouhamadou Bassirou Fall à qui Taïb doit 160 millions de FCFA.
Il n’a fallu pourtant que quelques semaines pour que les 100 millions de CFA soient réunis et dans la presse, on annonce déjà la libération du prédicateur dans les heures, voire les jours qui viennent. En tant que sénégalais et grand fan de Taïb, je ne peux que me réjouir à l’idée d’apprendre qu’il sortira bientôt de prison. Néanmoins, je ne peux m’empêcher de me poser des questions.
Le quotidien des sénégalais n’a jamais été aussi difficile ces dix dernières années. En raison de cette situation, Abdoulaye Wade avait perdu le pouvoir 2012, chassé par un peuple qui en avait ras-le-bol d’une série de promesses non tenues. A son arrivée à la tête du Sénégal, son successeur, Macky Sall, n’a pas fait grand-chose. Il n’a cessé d’accumuler des promesses et de nous vendre de faux espoirs. Mais, son septennat, qu’on le veuille ou pas, est un fiasco.
En effet, La corruption et le népotisme, longtemps considérés comme les deux plus grands fléaux sociaux de notre pays, loin de disparaître, ont gagné du terrain et ont fragilisé toutes les institutions du pays sous le régime Sall. L’implication de son frère, Aliou Sall, dans une transaction pétrolière en est la preuve.
Le Sénégal manque d’infrastructures. Les routes sont délabrées, les hôpitaux sont mal équipés. Le système éducatif a perdu de sa vitalité car les enseignants, très mal payés, ont renoncé à se sacrifier pour la patrie. Pourtant, face à cette situation dramatique, l’on est capable de collecter, en un laps de temps record, 100 millions de FCFA pour obtenir la sortie de prison d’un prêcheur. Le somme de 100 millions de FCFA dans un pays pauvre peut résoudre un certain nombre de problèmes liés à la santé, à l’éducation ou à la formation professionnelle. Alors, pourquoi ne le faisons-nous pas ?
Compte tenu du contexte actuel, il est de notre devoir de collecter chaque mois 100 millions de FCFA afin d’aider un village où les habitants n’ont plus accès à l’eau potable, afin d’équiper des hôpitaux où il n’y a plus de médicaments ou de construire des écoles pour préparer l’avenir de nos enfants. Les 100 millions de CFA collectés pour Taïb Socé m’ont appris une chose : l’argent ne manque pas au Sénégal. Ce qui manque, c’est la volonté et la détermination de changer les choses.
Après avoir sauvé Taïb Socé, il est désormais grand-temps qu’on se mobilise pour sauver un pays devenu champion d’Afrique du gaspillage et de la dilapidation des deniers publics. Tout est question de volonté. L’affaire Taïb Socé nous a montré que nous avons la solution en main.