Anarchie au Sénégal : seule une révolution peut mettre fin au tout-puissant lobby maraboutique !

Le Sénégal s’achemine tout droit vers le désastre. La fracture sociale notée au sein de la société ces dernières années menace carrément de mettre en danger la survie de ce grand pays africain qui est le mien et qui le restera à jamais.

Je me suis exprimé il y a quatre mois sur le cas d’Assane Diouf, un compatriote sénégalais rapatrié des Etats-Unis suite à des propos d’une rare violence, totalement dénoués de sens et de substance. J’avais clairement exprimé mon désaccord par rapport au sieur Diouf, fustigeant sa façon de s’opposer au gouvernement en place et son comportement malsain qui consiste à invectiver les autorités et les institutions politiques de toute une nation.

Je tiens à préciser ici que ma position n’a pas bougé d’un iota. Je reste (en tout cas jusqu’à preuve du contraire) le plus grand fervent détracteur d’Assane Diouf, un opposant à défaut totalement manipulé et qui, récemment, s’est emparé des réseaux sociaux pour étaler au grand jour ses déboires et ses échecs après plus de quinze années passées au pays de l’Oncle Sam.

Tous ceux qui suivent l’actualité sénégalaise ont appris récemment l’interpellation d’Assane Diouf par la DIC. Son interpellation est due à ses commentaires au vitriol destinés à un dignitaire religieux mouride. Il a fallu l’intervention de la police pour éviter sa mort après qu’il a été attaqué par une horde de disciples disant obtempérer aux ordres de leur maître.

Je ne m’attarderai pas à entrer dans les détails. La vidéo de ses déclarations est disponible sur la toile. Il suffit d’un simple clic sur YouTube pour tout visualiser. Cependant, en suivant cette affaire de près, j’en suis arrivé à la conclusion que notre pays bascule, jour après jour, vers le désastre. Si rien n’est fait pour mettre de l’ordre, je pense (j’espère me tromper !) que nous basculerons vers une guerre civile ou religieuse sur fond de division intercommunautaire.

En effet, lorsqu’on visualise les vidéos d’Assane Diouf sur ses propos destinés à ce dignitaire religieux, on constate très vite qu’il y a un gros canular. Dans la plupart des vidéos, les titres sont racoleurs, sensationnels et ne correspondent absolument pas aux propos d’Assane Diouf. Ce dernier n’a fait que remettre en cause une certaine pratique qui date de plusieurs années dans notre pays et qui cause un malaise social profond : l’enrichissement démesuré des marabouts sénégalais qui n’ont aucun compte à rendre sur l’origine de leurs biens.

A travers cette vidéo, Assane Diouf n’a en effet fait que dire tout haut ce que beaucoup de Sénégalais pensent tout bas. Il faut reconnaître que depuis plus de 30 ans, les chefs religieux sénégalais (de toute confession) ont cessé de jouer leur rôle de vecteur de la paix et de cohésion sociale. Au Sénégal, les marabouts ont récemment entrepris en masse le chemin qui mènent vers la fortune et le luxe, délaissant totalement (ou presque) tout ce qui est lié à la spiritualité.

Au Sénégal, le lobby maraboutique règne en maître. Le terme (lobby) ne doit gêner personne. Les marabouts ont pris en masse la place des politiques, soutenant carrément des hommes d’Etat véreux, monnayant leur statut religieux à quelques biens d’ici-bas. Certains appellent désormais ouvertement à leurs disciples à voter pour tel ou tel candidat, à leur corps défendant. D’autres promettent la réélection à des dirigeants au bilan très médiocre.

A l’approche de chaque élection présidentielle, les Sénégalais constatent avec beaucoup de gêne ces magouilles entre marabouts « de première classe » et autorités politiques occupant des postes au plus haut sommet de l’Etat. Certains marabouts, qui n’ont pas froid aux yeux, participent ouvertement à des meetings et vont jusqu’à ordonner à leurs disciples de saboter avec la plus grande violence les meetings de tout candidat qui refuse de se soumettre à eux.

Au-delà de leur implication dans le milieu politique, certains dirigent carrément des milices armées dans le pays. Rappelez-vous qu’en 2012, un haut dignitaire religieux avait donné l’ordre à ces disciples de s’armer de gourdins. Une attitude irresponsable mettant en danger la vie des citoyens lambda. Au même moment, un haut dignitaire très célèbre commande une milice qui n’a jamais été reconnue par aucun gouvernement du pays sous le regard impuissant de l’Etat. Au nom de quoi ?

La situation que traverse le Sénégal est arrivée à son paroxysme, il faut oser le dire. L’Etat, à travers son laxisme, a failli à sa mission de protéger la vie de chaque citoyen, en remettant les familles maraboutiques à leur place. Le niveau de laxisme est tel que toute personne qui ose se poser des questions sur cette situation calamiteuse met sérieusement sa vie en danger.

Il est temps que les marabouts (de toute famille religieuse) se rendent compte qu’ils ont failli à leur mission d’unir et d’établir des ponts pour éviter toute fracture sociale de notre société. Au Sénégal, il y a très peu de marabouts qui s’occupent des vrais problèmes quotidiens du pays : la corruption, la santé, l’économique en berne, le chômage, la délinquance, l’échec scolaire et les affaires de mœurs.

Beaucoup d’entre eux (99%) endoctrinent des jeunes, les éloignent de leurs familles, les manipulent, les ruinent, en leur promettant le paradis. Cette situation n’est pas très loin de l’esclavage et j’ai la certitude qu’aucun des fondateurs de ces confréries n’aurait cautionné une telle dérive. Les marabouts encouragent la corruption et représentent une sérieuse menace et un frein au développement de notre pays.

A qui la faute ? Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Il est très facile de tout mettre sur le dos de l’Etat. En ce qui me concerne, je pointe du doigt le rôle des médias dans ce qui se passe au Sénégal. Pendant plusieurs décennies, les journalistes sénégalais de tout média ont laissé faire. Aucun d’entre eux n’a osé mener un travail de fond pour rendre service à leur nation, en clouant au pilori ces marabouts venimeux, véreux, paresseux qui ont été à l’origine des plus grands problèmes politiques auxquels le Sénégal a été confronté ces dernières années.

Je me félicite de la prolifération de médias au Sénégalais (ce qui témoigne d’une véritable avancée de notre démocratie et nos libertés d’expression). Néanmoins, ces nombreux médias (en ligne pour la plupart) se sont spécialisés dans un domaine bien déterminé : la propagande médiatique, le mensonge et la désinformation.

La télévision sénégalaise se contente de servir à la population des programmes totalement en déphasage avec la réalité sociale du pays. La presse en ligne, largement lue par les Sénégalais, est un « médias à clics » qui est dans une logique d’audience, et non de qualité, ni de rigueur, ni d’éthique, encore moins de déontologie. Si les médias avaient sensibilisé les Sénégalais sur l’imposture de ces marabouts 2.0, nous n’en serions pas arrivés là aujourd’hui.

Je pointe du doigt également la lâcheté des intellectuels sénégalais. Beaucoup s’empressent de citer Molière, Montesquieu, Kant, Heiddeger, Sartre ou autres dans leurs discours pour manifester leur grande connaissance littéraire ou géopolitique. Mais, il y a très peu de littérature sur l’attitude du lobby maraboutique au Sénégal.

Au contraire, de grands intellectuels se vantent d’appartenir à des familles religieuses connues de tous et n’hésitent pas, quand l’occasion se présente, de flinguer des confréries qu’ils considèrent comme des rivales. L’homme intellectuel sénégalais (pas tous évidemment et heureusement !) a vendu son âme au diable. Il n’existe que grâce à la politique, la démagogie et le mensonge.

Mon analyse de la situation semble dépeindre une tragédie. Heureusement que je sens venir un vent de changement. Ces dernières heures, j’ai personnellement noté que de nombreuses vidéos pullulent sur la toile et sont publiées par des jeunes qui commencent à se réveiller et à se rendre compte de cette arnaque qui n’a que trop duré.

Le cas d’Assane Diouf montre carrément que le lobby maraboutique sénégalais sent venir un vent de changement, mais n’est pas prêt à tourner le dos à ses privilèges. Pour ce faire, tous les moyens sont bons : intimidation, violence, assassinat, pillage…Cette tentative de vouloir à tout prix museler tout citoyen qui se pose des questions est la preuve que le lobby maraboutique est aux abois.

Je regrette que l’Etat de droit ait été bafoué ces dernières années et la justice piétinée par des personnes qui éprouvent plus de respect pour leurs marabouts que pour les institutions étatiques. Et C’est marrant de voir que tous ceux qui veulent tuer Assane aujourd’hui ont été les premiers à l’applaudir lorsqu’il déversait sa haine sur Macky Sall. Assane est devenu une menace pour eux seulement parce qu’il s’est attaqué à leurs marabouts.

Je ne serai pas surpris de voir une révolution d’une grande envergure éclater au Sénégal ces prochaines années car il faut reconnaître que la jeunesse en a ras-le-bol. Elle veut un changement à la fois politique et social qui ne viendra que lorsque les marabouts retourneront à leurs mosquées pour se consacrer à la spiritualité et pour laisser les citoyens gérer leurs problèmes quotidiens.

Certains diront que je suis à la solde d’un lobby maçonnique qui œuvre pour la disparition de toutes les confréries religieuses au Sénégal. Cela ne me surprend guère car c’est l’accusation qui est collée au dos de toute personne mettant en cause la légitimité du superpuissant lobby maraboutique sénégalais qui, ces dernières années, a fait chanter l’Etat, a enfreint toutes les lois et a voulu imposer un Etat dans l’Etat.

La situation à laquelle nous assistons est d’une gravité extrême. Elle est devenue insoutenable et inacceptable et il incombe à l’Etat de faire régner l’ordre dans un pays qui n’est plus normal.

Edito signé: Cheikh DIENG, rédacteur en chef et fondateur du site www.lecourrier-du-soir.com

Email : cheikhdieng05@gmail.com