Bernard Anton , un poète Canadien qui exprime son talent au travers des Haïkus

Bernard Anton est un poète et artiste multidisciplinaire très prolifique, auteur de nombreuses productions littéraires variées, mais toutes animées par la même passion. LES MONTAGNES DE CENDRES sont un recueil poétique court, découpé en plusieurs parties.

La préface écrite par Marie-Isabelle De Meyer ouvre le livre. Au sein de cet ouvrage qui retrace le traumatisme lié à la pandémie de la Covid-19, celui qu’on appelle Ben s’attaque à un exercice délicat : raconter la pandémie sans filtre. Pour y parvenir, il découpe la catastrophe en 3 temps : « l’heure des justes » évoque le répit que représente le confinement, vécu par les animaux. Les « coronades » où se mêlent cette nature qui continue de s’épanouir à côté des humains affectés par le virus. Enfin, « du désert à la lumière » laisse entrevoir une note d’espoir, dans un paysage de désespoir. L’originalité de ce recueil est la présence d’un slam en postface, dénonciateur. L’auteur ne mâche pas ses mots, dans ce « bouquet final » où le message engagé surgit clairement : mieux vaut vivre simplement et sainement que de compter sur les technologies.

Pourquoi avoir choisi le haïku, le tanka et le slam ? Dans la tradition japonaise, cette poésie orientale se veut brève : on parle de l’éphémère, d’un détail, d’une scène qui semble sans importance, mais dont les conséquences se transforment : c’est l’effet papillon. Un battement d’ailes provoque une tornade à l’autre bout du monde. À la manière des origines de l’épidémie de la Covid-19, la catastrophe s’embrase par des « petites choses », un virus invisible qui met le monde à genoux… Sauf les animaux et la nature, qui sont plus forts que l’Homme avec un grand H.

Afin de transposer au mieux ses pensées, Bernard Anton choisit le haïku, poème japonais court, qui se compose de 3 lignes : 5 syllabes, 7 syllabes puis 5 syllabes, soit 17 syllabes. Pour se donner des ailes de liberté, le poète s’autorise à transgresser les règles classiques et s’approprie la forme, au service d’une contemplation parfois dérangeante. Anton décrit ici une société qui s’effondre et se reconstruit péniblement, sous la menace d’un gouvernement peu scrupuleux. Cette poésie donne du rythme à un ensemble lourd, aéré par des pages espacées. Le lecteur en ressort secoué par l’expérience, mais aussi bercé par cette plume précise.

On reconnaît bien dans cet ouvrage une fenêtre ouverte vers LES CELEBRADES, les prémices de ce recueil plus long qui balaie des thématiques déjà abordées dans cette espèce de journal atypique. D’abord, les thèmes de prédilection de Ben sont la mort, la nature, la défense du bien-être animal, la proximité entre l’humain et la bête et l’activisme opposé un progrès étouffant.

Dans ces CELEBRADES, ouvrage paru un an après les MONTAGNES DE CENDRES, Bernard Anton s’attaque aussi à ces sujets d’actualité. Il y mêle l’ironie d’une planète qui s’épanouit simplement dans le règne animal et le cycle des saisons, surpuissant et supérieur à l’humain, cupide et fragile. En prenant le temps de lire la date de parution de CELEBRADES, fort est de constater que ce livre court paru en 2021 correspond au monde pendant la pandémie, sans pour autant la nommer, au travers des yeux de son poète. Le recueil coupé en plusieurs parties nommées « Célébrades, « Hivernades », « Amourades », « Naturades », « Quotidienades » et « Randonades ». Le haïku final de ses « Quotidienades » se dévoile tout en finesse : « des millions de morts/des millions de feux d’artifice/au jour de l’an » : voilà qui rappelle aussitôt au lecteur les conditions étranges dans lesquelles les familles ont pu célébrer les fêtes de fin d’année en 2020…

Le livre MONTAGNES DE CENDRES est une contemplation poétique, à la fois brute et spirituelle d’une société mise à mal par le virus. L’humanité dans toute sa splendeur apparaît vide et cupide, mais aussi solidaire et capable de s’adapter à toutes les situations, malgré l’urgence. Certains passages plongent le lecteur dans une forme de guerre nouvelle, le conflit sanitaire : « Apprenez-moi à coudre/masques et blouses/qui manquent au front ! » Le poète fait appel à des images caractéristiques de la poésie lyrique : il file la métaphore de la lumière et du feu brûlant.

Ce n’est pas uniquement le feu qui brûle les cercueils dans les crématoriums, c’est aussi celui de l’excès, qui a mené l’humanité à s’empêtrer dans une telle catastrophe. La cendre s’immisce même dans le titre de l’ouvrage, qui porte bien son nom : ces MONTAGNES DE CENDRES sont composées des souvenirs de ceux qui ont succombé à la maladie. La lecture est plus poussée : outre les corps sans vie, c’est aussi le contact social qui s’effondre par le protocole sanitaire : « (…) isolés dans section chaude/barrières closes/ni visite ni oiseau/pour les dérider/les sustenter. »

L’auteur a fait le choix de donner un ton parfois ironique à ses observations, afin de ne pas plonger le lecteur dans une atmosphère trop pesante : « (…) — ne boirai de Javel/conseil de sorcier », en référence aux scandales nés sur les réseaux sociaux, alors que les médias américains attestent des cas d’empoisonnement, à la suite de l’ingestion de produits antibactériens, dont le gel hydroalcoolique. Une situation déplorable, dont il préfère rire, puisque l’humour est une arme.

Ce précieux témoignage de vie dépasse les frontières du Canada où l’écrivain vit. Un tel ouvrage traversera les époques, car il restitue une trace brute des préoccupations et angoisses des personnes ayant vécu et survécu aux confinements et déconfinements. Ce monde ne sera jamais plus comme avant. Il a changé pour les humains, mais reste le même pour les animaux sauvages, pour cette nature épargnée un tant soi peu par la baisse du tourisme, la pollution et les activités intenses, dangereuses pour la planète…

Le site de l’auteur : http://www.bernardanton.com/

Le site du livre : https://celebrades.fr/

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Cheikh Tidiane DIENG est fondateur et rédacteur en chef du site www.lecourrier-du-soir.com. Diplômé en Médias Internationaux à Paris, en Langues et Marché des Médias Européens à Dijon et en Langues étrangères (anglais et espagnol) au Sénégal, ce passionné de journalisme intervient dans des domaines aussi divers que la politique internationale, l’économie, le sport, la culture entre autres. Il est aussi auteur du livre : "Covid-19 ; le monde d'après sera une dictature". Contact : cheikhdieng05@gmail.com