France : l’association Anticor qui avait épinglé la déclaration de patrimoine de Macron dans le collimateur de l’Etat

L’Etat veut-il trancher la tête à Anticor, association de lutte contre la corruption? Trop tôt de confirmer cette thèse. Cependant, une chose est sûre : l’association, qui a récemment donné du fil à retordre au gouvernement dans plusieurs affaires dont Eric Dupont-Moretti est impliqué, semble être dans la ligne de mire du pouvoir.

C’est du moins ce que laisse entendre la révélation faite ce 1 février par Capital.fr. En effet, d’après cette source, le gouvernement a repoussé sa décision de renouveler à Anticor l’agrément qui permet à l’association de se constituer partie civile dans les affaires de corruption. Toujours selon la même source, la décision sur l’agrément (d’une durée de trois ans) était attendue ce 2 février. Finalement, elle a été repoussée jusqu’au 10 février.

Une décision qui inquiète l’association qui craint que son activisme contre le pouvoir freine le renouvellement de son agrément. « Le ministère de la Justice a considérablement tardé à accuser réception de notre demande, et se livre désormais à des vérifications particulièrement sourcilleuses”, affirme la présidente de l’association, Elise Van Beneden.

Dans sa révélation, Capital.fr ajoute que le gouvernement s’intéresserait de près aux gros donateurs d’Anticor, c’est-à-dire à ceux qui donnent plus de 10 000 euros à l’association. « Au titre du critère de transparence financière, l’une des conditions d’obtention de l’agrément, Matignon a donc demandé à la présidente d’Anticor des précisions », note Capital.fr.

Une initiative vigoureusement dénoncée par l’association. “Le gouvernement veut connaître l’identité de nos donateurs. C’est impossible, puisque nous leur garantissons l’anonymat”, assure Elise Van Beneden à Capital. Une assertion pourtant formellement démentie par un proche de Jean Castex.

« Incohérence dans la déclaration de patrimoine de Macron »

Il convient de rappeler qu’Anticor fait partie des premières associations anti-corruption qui avaient trouvé incohérente la déclaration de patrimoine de Macron en 2017. En effet, l’association avait saisi lundi 13 mars 2017 la HATVP (Haute Autorité pour la Transparence dans la Vie Publique) concernant le patrimoine d’Emmanuel Macron, candidat du mouvement En Marche ! pour la présidentielle 2017. L’annonce a été faite par l’association sur son site internet.

Dans son communiqué datant du 13 mars, Anticor écrit : « la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique dispose que ‘chacun des membres du gouvernement, dans les deux mois qui suivent sa nomination, adresse personnellement au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique prévue par l’article 19 de la présente loi une déclaration exhaustive, exacte et sincère de sa situation patrimoniale concernant la totalité de ses biens propres ainsi que, le cas échéant, ceux de la communauté ou les biens indivis’ ».

 

Dans son communiqué, Anticor pointait du doigt un manque de transparence de la part de l’ex ministre de l’Economie. « Anticor a saisi le 13 mars 2017 la HATVP sur les déclarations d’intérêts et de patrimoine d’Emmanuel Macron, signées le 24 octobre 2014. Il en résulte que de 2009 à 2014, ce dernier a perçu 3,3 millions d’euros de revenus avant impôts dont 2,8 millions d’euros, de mai 2009 à mai 2012, date de sa nomination en qualité de secrétaire général adjoint à la présidence de la République », écrit l’association.

« Dupont-Moretti dans le collimateur d’Anticor »

Et d’ajouter : « or, le déclarant fait état d’un patrimoine de 1,2 million d’euros et d’un endettement de 1 million d’euros, soit un patrimoine net de seulement 200 000 euros. Ce manque de cohérence entre les revenus et le patrimoine déclarés a notamment été relevée par les Décodeurs du Monde le 17 février 2017 et par Médiapart le 5 mars 2017. Anticor protège ses interrogations. »

Rappelons qu’Eric Dupont-Moretti, actuel ministre de la Justice, est lui aussi dans le collimateur d’Anticor qui l’accuse de “prise illégale d’intérêts” et qui, ce 9 octobre, a demandé à la Cour de Justice d’ouvrir une enquête sur les agissements du Garde des Sceaux.