Intervention militaire en Syrie : Macron vient de commettre sa première erreur diplomatique

81399471 - paris, france - jun 26, 2017: french president emmanuel macron during a joint press conference with ukrainian president petro poroshenko at the elysee palace in paris

Pour une fois, je désavoue la politique étrangère d’Emmanuel Macron. Je tiens à préciser ici que j’ai toujours salué la politique étrangère du président français qui, depuis son arrivée à la tête de la France, a abordé sans complexe et avec beaucoup de courage les dossiers les plus chauds de la politique internationale.

Le 16 septembre 2017, j’ai écrit un édito intitulé : « Saad Hariri à Paris : le coup de Maître de Macron qui s’impose en chef sur la scène politique internationale ». Dans mon édito, j’ai souligné avoir été agréablement surpris du courage du plus jeune président de la Vème république de prendre l’initiative de recevoir à Paris le premier ministre libanais, Saad Hariri qui, le 4 novembre 2017, avait présenté sa démission depuis Riyad accusant l’Iran de vouloir l’assassiner.

Il faut dire que la démission de Hariri avait provoqué une véritable guerre diplomatique entre deux puissances du Moyen-Orient : l’Arabie Saoudite et l’Iran. Riyad accusait l’Iran de chercher à déstabiliser la région en instrumentalisant le Hezbollah, tandis que Téhéran reprochait à l’Arabie Saoudite d’avoir fait pression sur Hariri pour que ce dernier rende le tablier.

Je ne reviendrai pas sur les détails de cette affaire qui, pendant une semaine, avait fait la une des médias du monde. J’avais exprimé mon admiration envers Emmanuel Macron qui, à mon avis, avait eu le courage de s’immiscer dans une crise interne au moment où aucune puissance étrangère (ni la Grande-Bretagne, ni les Etats-Unis) ne voulait s’ingérer dans une crise qui risquait devenir un véritable conflit régional.

Ma position reste toujours la même. Je reconnais qu’Emmanuel Macron est un fin stratège qui, malgré la grave crise interne qu’il traverse en ces moments, a défini une politique étrangère très efficace, en profitant de son charisme à l’international pour replacer la France au cœur de l’Europe et du monde.

Mais, pour la première fois, ce 12 avril 2018, j’affiche mon désaccord sur la politique étrangère du successeur de François Hollande. Et c’est sur la Syrie. En effet, lors d’un entretien sur TF1 diffusé ce 12 avril, Emmanuel Macron a abordé la question syrienne à la suite de l’attaque chimique qui a fait des centaines de morts et qui suscité un tollé international ces derniers jours.

Le président français a fait savoir lors cet entretien très attendu par les Français qu’il détient des preuves que le gouvernement de Bachar Al-Assad est derrière cette attaque chimique. A la question de savoir s’il détenait des preuves, sa réponse a été la suivante : « oui. La Syrie, nous y sommes présents pour lutter contre le terrorisme international. Nous y sommes dans une coalition. (…) C’est depuis la Syrie que les attentats en particulier du Bataclan ont été organisés. »

Et d’ajouter : « (…) je l’ai rappelé à plusieurs reprises, les différentes guerres qui sont en train de se jouer en Syrie en particulier, celles du régime syrien de Bachar al-Assad avec ses alliés contre ces rebelles, elles ne peuvent pas tout permettre. Nous avons la preuve que la semaine dernière, des armes chimiques ont été utilisées, au moins du chlore et qu’elles ont été utilisées par le régime de Bachar al-Assad. »

Emmanuel Macron vient de valider, à travers ses déclarations hasardeuses, la thèse des néoconservateurs américains qui, ces dernières années, n’ont pas lésiné sur les moyens pour faire tomber Bachar al-Assad, quitte à suivre l’ignoble modus operandi de 2003 lorsque l’administration Bush disait détenir des preuves que l’Irak de  Saddam Hussein avait des armes de destruction massives.  Près de 20 ans plus tard, il n’y a aucun doute que cette accusation fut un gros mensonge, un simple prétexte pour appliquer la fameuse politique de « regime change » très cher à Washington.

En accusant le gouvernement de la Syrie d’avoir utilisé des armes chimiques contre sa propre population,  Emmanuel Macron risque gros. Il risque en effet de mettre en danger ses relations diplomatiques avec des pays qu’il devrait considérer comme des alliés, en l’occurrence la Russie et l’Iran.

Je tiens à rappeler que peu après son élection, Macron avait envisagé de se rendre en Iran, une première depuis 1971. Je rappelle également que Macron devra se rendre en Russie en mai, tel que l’a annoncé en mars dernier Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères. Des alliés stratégiques que le président français ne devrait surtout pas froisser.

En se ralliant aux néocons de Washington et en prônant une intervention militaire hasardeuse en Syrie, Macron ne mesure peut-être pas la gravité d’une telle décision dans un contexte politique très particulier. J’ai salué sa brillante politique étrangère depuis son arrivée au pouvoir.

Néanmoins, je constate qu’il vient de faire un premier faux-pas dans un dossier extrêmement sensible. Pour ne pas ternir son image, Emmanuel Macron doit comprendre ceci : son avenir politique ne se joue pas en Syrie.

Edito signé : Cheikh DIENG, rédacteur en chef et fondateur du site d’information www.lecourrier-du-soir.com

Email : cheikhdieng05@gmail.com