Interview sur TV5 : Ousmane Sonko a brillamment réussi son entrée sur la scène internationale

(Une analyse du journaliste Cheikh DIENG)

Ousmane Sonko s’est désormais imposé sans complexe sur la scène politique internationale. L’opposant politique sénégalais, en tournée en Europe et aux Etats-Unis, ne cesse de surprendre agréablement ses nombreux sympathisants mobilisés derrière sa formation politique « Pastef ».

Jusqu’ici connu que par la presse sénégalaise, Sonko attire désormais la curiosité des médias internationaux. En effet, ce 25 novembre, c’est sur TV5 monde, une chaîne française qui a pignon sur rue en Afrique francophone, que le candidat, devenu un véritable phénomène médiatique en raison de la pertinence et de la cohérence de ses idées, a pu dérouler sa politique.

Lors de son passage sur TV5, j’ai pu, en ma qualité de journaliste très intéressé par l’actualité internationale, noter des détails d’une importance primordiale. En effet, ceux qui ont suivi l’entretien ont certainement remarqué que le candidat de Pastef s’est poliment départi de quelques préjugés, comme quoi il faut être riche pour devenir présidentiable en Afrique.

« Vous l’avez bien dit, nous ne sommes pas riches, mais théoriquement aucun homme politique au Sénégal ne devait être très, très riche puisque nous savons d’où provient la richesse souvent des hommes politiques en Afrique. C’est de la richesse qui provient des détournements de deniers publics et des caisses du trésor public », a-t-il rétorqué à la question de la journaliste qui s’étonnait qu’un modeste candidat ait réussi avec brio sa précampagne.

Sur une chaîne étrangère, basée en France, un pays qui entretient des relations très floues et parfois très injustes avec plusieurs Etats africains, le candidat Ousmane Sonko a tapé très fort, en dénonçant brillamment la mainmise des occidentaux sur les ressources naturelles africaines. Un sujet presque tabou que bon nombres de dirigeants africains refusent d’aborder.

« Pour le cas particulier du Sénégal, nous avons une économie tertiarisée, mais dominée largement par des intérêts étrangers, ce qui fait qu’au Sénégal depuis quelques années, on nous parle de taux de croissance qui dépasse 06%, mais la pauvreté n’a pas, pour autant, reculé. Il n’y a pas de création d’emplois, parce qu’effectivement cette croissance est extravertie et sort du pays », a-t-il souligné.

Sur le plateau de TV5, Ousmane Sonko a levé toute ambigüité sur son projet. Pour lui, le passage à l’industrialisation du pays est une condition sine qua non. Pour ce faire, Sonko a clairement expliqué qu’il ne s’agira pas de réinventer la roue. Le Sénégal devra en effet appliquer le même modèle que celui des puissances occidentales pendant la révolution industrielle.

Sur TV5, le candidat a mis un point d’honneur sur les relations entre Etat du Sénégal et multinationales. Pour Sonko, tout l’enjeu du débat est sur la question de la souveraineté. « Nous sommes dépendants parce que quand vous avez des capacités de mobiliser des ressources souveraines par votre fiscalité, par une bonne gestion de vos ressources minières, halieutiques et que vous compromettez ces ressources souveraines, vous signez de mauvais contrats qui profitent beaucoup plus à des intérêts étrangers, à des multinationales qu’au Sénégal, vous êtes obligés après de vous rabattre sur la dette et vous êtes dans un cycle vicieux », alerte-t-il.

Le candidat ne mâche pas ses mots sur cette question de la souveraineté très chère aux peuples africains. « Il faut casser ce cycle et pour casser cycle, il faut gagner le combat pour la souveraineté, souveraineté dans notre capacité à gérer nous-mêmes et dans le meilleur des intérêts du Sénégal ces ressources naturelles », martèle Sonko.

Ousmane Sonko a fait preuve de témérité en osant se prononcer ouvertement et depuis Paris sur le FCFA. « Nous ne pouvons pas être dans un espace où nous ne pouvons pas développer de politique monétaire pour la simple raison qu’on nous considère comme étant irresponsables et immatures pour gérer une monnaie et qu’il faut pouvoir faire garantir cette monnaie ailleurs en déposant 50% de nos réserves pour avoir la garantie d’être arrimés à une monnaie extrêmement forte, c’est-à-dira l’euro », a-t-il dénoncé.

Je rappelle que Sonko avait récemment accordé une interview à la BBC. Mais, celle accordée à la chaîne TV5 est doublement symbolique. Premièrement, parce qu’il s’agit d’une chaîne francophone qui compte plusieurs milliers, voire des millions de téléspectateurs en Afrique francophone et deuxièmement, l’interview était menée depuis Paris, capitale de la France, un pays dont les relations avec ses ex colonies est de plus en plus décriée.

Lors de son passage sur TV5, je retiens la rigueur dans l’argumentation du candidat Ousmane Sonko devenu l’idole des milliers jeunes, mais aussi la pertinence des réponses sur des questions centrales (FCFA, souveraineté, multinationales, emplois et industrialisation de l’économie sénégalaise). Je dirai ceci : par son passage sur TV5 et sur BBC, Ousmane Sonko s’internationalise et devient une sérieuse menace pour le pouvoir.

Edito signé : Cheikh DIENG, rédacteur du site d’information www.lecourrier-du-soir.com, basé à Paris.

Email : cheikhdieng05@gmail.com