Khashoggi tué par le prince saoudien : la soumission de l’Occident à l’Arabie Saoudite finira mal

(Une analyse du journaliste Cheikh DIENG)

La soumission de l’Occident à l’Arabie Saoudite finira très mal. Je dis cela après que l’agence de renseignement américain CIA a confirmé ce vendredi 16 novembre que le journaliste, Jamal Khashoggi, sauvagement assassiné à l’intérieur du consulat saoudien en début octobre, a été tué sur ordre de Mohamed Ben Salman (MBS), prince héritier saoudien.

Cette confirmation venant de la CIA n’est en aucun cas une surprise. Car, en effet, nous savions tous que le meurtre prémédité de ce journaliste n’aurait pu avoir lieu sans que la famille royale ne soit informée au préalable. Par contre, ce qui me sidère dans cette affaire est le refus de l’Occident (notamment la France, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne) de briser leurs liens diplomatiques avec ce régime despotique et autoritaire.

Je ne voudrais même pas imaginer la réaction virulente que cet assassinat politique aurait suscité en France si un journaliste opposant à Vladimir Poutine avait été éliminé de cette façon. Mais, lorsqu’un crime aussi barbare et ignoble est commis par « nos amis » saoudiens et qataris, on fait comme de rien était.

Je rappelle que les différentes versions présentées par l’Arabie Saoudite depuis le début de cette affaire aurait suffi pour que tous les pays occidentaux mettent fin, ne serait-elle que temporairement, à tout lien diplomatique avec ce régime. Mais, au contraire, on a préféré noyer le poisson.

Je tiens à souligner qu’il y a juste quatre jours, John Bolton, conseiller de Donald Trump à la sécurité intérieure des Etats-Unis, avait catégoriquement nié toute implication du prince héritier saoudien dans cette affaire.  Mais, le plus gênant dans tout cela est le bal des faux culs qui ont tenté par tous les moyens de ne pas froisser le roi saoudien et son petit prince héritier.

Au tout début de l’affaire, voici ce que disait Trump : « je viens de parler avec le roi saoudien qui a dit ne rien savoir de ce qui s’est passé ». Et le plus hilarant est que face à la presse, le président américain confirme avoir donné l’ordre à son secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, de se rendre en Arabie Saoudite. Alors, pour y faire quoi ? Bah, nous avons compris. Pour rassurer le roi et son petit prince héritier qu’aucune sanction ne sera prise contre le royaume. Une honte !

En Grande-Bretagne, la première ministre Theresa May s’est contentée de dénoncer et de demander que la lumière soit faite sur cette affaire. « Nous devons connaître la vérité sur ce qui s’est passé », a déclaré Theresa May ce 22 octobre. Je rappelle que cette même Theresa May a accusé, il y a une huit mois et sans aucune preuve, la Russie de Poutine d’avoir empoisonné l’espion russe, Sergei Skrypal.

En France, Emmanuel Macron a joué le malin face à la presse. Alors que son gouvernement venait de convoquer l’ambassadeur du Venezuela, sur le cas Khashoggi, il a certes condamné mais à demi-mot. A l’instar de Theresa May, Macron a tout simplement condamné cet acte ignoble et a formulé son souhait que « tout soit mis en œuvre pour que nous ayons toute la vérité dans cette affaire ».

En Espagne, le Congrès a mis son véto contre toute décision d’empêcher que l’Etat espagnol continue de vendre des armes à l’Arabie Saoudite. Ce qui est triste dans le cas espagnol est que la ministre de la Défense, Margarita Robles, avait annoncé la suspension d’une livraison de 400 bombes destinées à l’Arabie Saoudite. Cependant, face aux pressions exercées par Riyad, le gouvernement espagnol finit par céder.

Jusqu’ici, la seule autorité européenne à avoir pris des sanctions contre le régime saoudien a été Angela Merkel. En effet, dès le 22 octobre, la chancelière Angela Merkel, avait annoncé la suspension de toute vente d’armes vers l’Arabie Saoudite. Un pays qui, il faut bien le reconnaître, n’a cessé de massacrer le Yémen sans qu’aucune puissance occidentale ne pipe mot.

L’affaire Khashoggi aurait dû servir de prétexte à l’Occident pour revoir ses liens troubles avec une dictature islamique. Je rappelle que l’Arabie Saoudite finance en Occident la création de mosquées dans lesquelles un Islam violent et intolérant y est enseigné. Même si l’Arabie Saoudite n’est pas le seul pays à financer ses mosquées, son apport est considérable. Entre 2011 et 2016, le royaume saoudien a versé 3,8 millions d’euros, rapporte France Info.

En 2015, le royaume avait promis la construction de 200 mosquées sur le sol allemand. Aujourd’hui, on parle de 800 mosquées financées par l’Arabie Saoudite aux Etats-Unis, dont 80% seraient radicalisées. En Espagne, le média sévillan, Digital Sevilla, faisait état en 2017 d’un montant de 12 millions d’euros émanant de l’Arabie Saoudite et qui a servi à financer une mosquée de la ville.

Qu’on arrête de nous mentir. Rien de tout ceci n’a échappé à la vigilance de nos autorités politiques qui préfèrent se taire pour ne pas perdre les juteux contrats signés avec une dictature du Moyen-Orient. En effet, je regrette que pendant plusieurs années, l’Occident ait échangé sa souveraineté contre quelques sous en provenance des pétrodollars.

« Nous sommes devenus la pute de l’Arabie Saoudite ». C’est en ces termes que définissait un ex patron de la CIA les relations diplomatiques entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite et je confirme qu’il n’a pas tort. Pendant plusieurs années, l’Occident a en effet tissé des liens très étroits avec son ennemi, le même dont l’idéologie a causé la mort de centaines de personnes au Bataclan, le même dont l’idéologie continue de provoquer la mort barbare de milliers de personnes dans le monde.

Aujourd’hui, la France se réjouit que Paris soit entièrement sous le contrôle des Qataris, mais s’offusque que la communauté maghrébine ne veuille pas s’imprégner davantage des valeurs de la République. Il faut oser le dire : l’Occident a été très contradictoire dans ses choix politiques vis-à-vis des pays du Golfe, en échangeant la sécurité de ses chers citoyens contre du pétrole.

Et aujourd’hui, nous le payons cash. La soumission de l’Occident face à l’Arabie Saoudite n’augure en rien un avenir radieux. Au contraire, elle mènera l’Occident tout droit vers sa chute (pour ne pas dire sa disparition). Si rien n’est fait pour remettre les pendules à l’heure, tout ceci finira très mal.

Edito signé : Cheikh DIENG, rédacteur en chef et fondateur du site d’information www.lecourrier-du-soir.com basé à Paris

Email : cheikhdieng05@gmail.com