Le plan d’élargissement de l’Otan du président Trump aura-t-il le soutien des Européens ?

Une analyse de Kareem Salem.

Washington veut étendre l’Otan aux pays arabes du Moyen-Orient. Le mercredi 8 janvier, le président Trump a déclaré au secrétaire général de l’Otan qu’il souhaitait élargir l’Alliance transatlantique aux pays de la région. Cette intention s’inscrit dans un contexte de tensions accrues entre les États-Unis et l’Iran suite à l’assassinat du général iranien Ghassem Soleimani lors d’une frappe américaine à Bagdad le 3 janvier. Selon le président Trump, l’élargissement de l’Otan aux pays du Moyen-Orient lui permettra, à long terme, d’envisager le retrait des troupes américaines de la région. Il est concevable que le président Trump veuille élargir l’Alliance pour inclure les pays de la région qui partagent sa politique hostile envers l’Iran, comme l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU).

L’article 5 de l’Otan pourrait être un obstacle au soutien européen.

Dans une région en conflit permanent, il est concevable que les pays européens de l’Otan s’opposent aux récentes propositions d’élargissement du président Trump. En effet, l’article 5 de l’Otan constitue le noyau dur de la défense collective de l’Alliance. Il stipule que si un pays membre de l’Otan est victime d’une attaque armée, chaque pays membre de l’Alliance devra prendre toutes les mesures nécessaires, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer sa sécurité.

Les pays européens de l’Otan, en particulier la France et l’Allemagne, redoutent d’être particulièrement impliqués dans des guerres civiles sans issue et de perdre leur politique d’équilibre dans la région. En effet, l’adhésion de l’Arabie saoudite obligerait les pays européens de l’Alliance à s’impliquer dans la protection de la souveraineté de la monarchie saoudienne en cas d’attaque. Il convient de noter que la monarchie saoudienne a subi plusieurs attaques contre sa souveraineté par les rebelles houthis, une milice yéménite proche du régime iranien depuis son intervention dans la guerre civile yéménite en 2015. Le 29 janvier, les rebelles houthis ont affirmé avoir lancé des missiles sur les installations pétrolières d’Aramco et des drones sur les bases militaires saoudiennes. L’implication de la France et l’Allemagne dans cette guerre dévastatrice dont l’objectif premier serait de contrer l’influence iranienne au Yémen, pourrait démanteler définitivement l’accord de Vienne sur le programme nucléaire iranien (Joint Comprehensive Plan of Action) que la France et l’Allemagne cherchent à sauver après le retrait des États-Unis de l’accord en 2018 et après que le Premier ministre britannique ait récemment déclaré son soutien à l’idée d’un nouvel accord.

Pourtant, les relations entre l’Iran et les pays européens du JCPOA se sont encore affaiblies depuis que la République islamique a annoncé le 5 janvier la cinquième et dernière phase de son plan de réduction de ses engagements nucléaires en riposte aux lourdes sanctions que lui ont fait subir les États-Unis. Cette décision a incité les cosignataires européens du JCPOA à engager la procédure de règlement des différends prévue dans le texte afin de contraindre Téhéran à revenir au respect de ses engagements. Au vu des récentes tensions dans les relations entre l’Iran et les pays européens du JCPOA, ainsi que la récente montée des tensions entre l’Iran et les États-Unis, la France et l’Allemagne ne voudront pas compromettre davantage la diplomatie européenne sur la question nucléaire iranienne et ne soutiendront donc pas un élargissement de l’Otan aux pays de la péninsule Arabique.

Les Européens divisés sur la nécessité de l’Otan

Face à l’unilatéralisme américain, la France souhaite donner une impulsion au projet européen de défense. Lors de la conférence de Munich sur la sécurité, le président Macron a annoncé son intention de voir la dissuasion nucléaire française contribuer à la sécurité de l’Europe. Le président Macron a également exprimé sa volonté de construire une architecture de sécurité et de confiance entre l’Union européenne et la Russie.

Pourtant, les pays européens n’ont pas montré un réel enthousiasme pour les propositions du président Macron. L’Allemagne soupçonne Paris de vouloir promouvoir la défense européenne afin de servir ses propres intérêts. Elle n’a pas l’intention de mettre en péril ses relations de défense et de sécurité avec les États-Unis et ne soutiendra pas la politique de rapprochement du président Macron avec le Kremlin. La politique russe du président Macron est également un sujet de grande préoccupation pour les pays Baltes et les pays de l’ancien pacte de Varsovie. Ces pays considèrent toujours le président Poutine comme l’ancien officier du KGB et la Fédération de Russie comme l’État successeur de l’Union soviétique, qui les a annexés. Pour ces pays, l’Otan reste une alliance de sécurité utile et nécessaire pour contrer les intentions expansionnistes de la Russie.

Le président Macron ne peut pas se permettre de fracturer ses relations avec ses alliés européens de l’Otan. Avec une Allemagne pacifiste, la seule solution concrète pour Paris serait de construire ses futures relations de défense et de sécurité avec la Grande-Bretagne. En effet, les conséquences de Brexit ont fait que la France a perdu son jumeau stratégique et militaire, le pays avec lequel elle partage un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies et avec lequel elle partage des capacités militaires et nucléaires comparables. Il est donc dans l’intérêt de Paris d’établir avec Londres un nouvel accord bilatéral de défense et de sécurité qui répond aux enjeux stratégiques qui se jouent en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie.