Pesticides tueurs d’abeilles : le ministre de l’Agriculture relance le débat et provoque un tollé

 

Grabuge à Matignon. Le gouvernement ne reviendra finalement pas sur l’interdiction des néonicotinoïdes. Lundi matin, le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert s’est exprimé en faveur d’un retour aux pesticides tueurs d’abeilles. Un souhait pour le moins polémique qui sera démenti quelques heures plus tard par le ministre de la transition écologique et solidaire Nicolas Hulot ainsi que Matignon.

Tout juste arrivé, le nouveau ministre de l’Agriculture Stéphane Travert fait déjà parler de lui. En cause : La France ferait preuve d’excès de précautions en matière d’écologie par rapport aux exigences de Bruxelles. Problème : L’Europe vient de voter la semaine dernière la diminution des pesticides portant préjudices à l’habitat des insectes pollinisateurs.

RMC s’est procuré un document de travail interministériel attestant que le gouvernement aurait ces derniers jours discrètement étudié la possibilité de revenir sur deux décisions importantes en matière d’environnement : l’épandage aérien – soit la pulvérisation de pesticides par les airs – ainsi que l’interdiction des pesticides néonicotinoïdes (ou tueurs d’abeilles). Une décision importante puisque que l’ANSES (l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation et de l’environnement et du travail) tire depuis longtemps la sonnette d’alarme sur la dangerosité de ces produits qui contribuent à faire perdre l’orientation des abeilles, les empêchant de rejoindre leurs ruches tout en contaminant l’environnement. Sous pression des apiculteurs et de nombreuses ONG, la loi sur la reconquête de la biodiversité a été votée en 2016 et vise à interdire totalement l’usage de ces pesticides dès septembre 2018.

L’Europe durcit le ton face aux pesticides tueurs d’abeilles

Ces avancées environnementales françaises ont par ailleurs eu un franc succès à Bruxelles et la Commission Européenne a proposé en début d’année un projet de loi visant à protéger les insectes pollinisateurs. Le groupe socialiste – EELV déclarait lundi 26 juin « La commission parlementaire en charge de l’environnement au Parlement européen vient de voter, jeudi 22 juin, à une écrasante majorité, y compris avec des voix de la droite européenne, pour l’extension et le renforcement du champ d’interdiction de ces néonicotinoïdes tueurs d’abeilles : le thiamethoxame (produit par Syngenta), la Clothianidine et l’Imidaclopride (tous deux produits par Bayer). »

Alors que Nicolas Hulot cherchait à éteindre la polémique en déclarant que conformément à son engagement, le gouvernement s’engageait à ne pas rediscuter la loi sur la reconquête de la biodiversité. Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture déclarait au même moment à l’antenne de BFM TV/RMC que « la législation française n’est pas conforme avec le droit européen», et sous prétexte de la situation économique précaire de beaucoup agriculteurs, réclamait un assouplissement de la loi. Un souhait qui contrairement à ce qu’il affirme est pour le moins à contre-courant avec les nouvelles décisions votées au Parlement Européen.

En réponse, les réactions ne se sont pas fait attendre : « C’est une honte absolue, c’est du même niveau que Donald Trump qui recule sur le climat », a déclaré Henri Clément, porte-parole de l’Union nationale de l’apiculture française. « C’est une bêtise, il faut cesser d’utiliser ces pesticides, il n’y a pas de « on va voir », non il faut arrêter avant qu’il ne soit trop tard » annonce Jean-Luc Mélenchon. Une polémique qui vient écorner la politique écologique du nouveau président quelques semaines après son appel à Donald Trump « Make our planet great again ».

Près d’un tiers de notre alimentation est tributaire de la pollinisation par les abeilles

Alors que les insectes pollinisateurs – en particulier les abeilles sauvages – sont en voie d’extinction, il semble important de rappeler que près d’un tiers de notre alimentation est tributaire de la pollinisation par les abeilles tout comme plus de 80% de l’environnement végétal. Les pesticides affectent directement l’habitat des pollinisateurs dont la disparition croissante a débuté dans les années 1960. A l’inverse, Cuba, qui a cessé d’utiliser les pesticides dès les années 1990 et a vu sa population d’abeilles augmenter. Le pays est désormais réputé pour la qualité de son miel bio et son marché est en expansion. En France, l’île d’Ouessant dans le Finistère ne pratique pas la culture intensive et protège ses fleurs sauvages des pesticides, pour le plus grand bonheur des abeilles qui, à l’inverse du reste de la France, voit sa population rester stable.