Réouverture des écoles le 11 mai : l’Etat trahit les maires et les laisse assumer les poursuites judiciaires

Face à la crainte des maires concernant d’éventuelles poursuites judiciaires après la réouverture des écoles le 11 mai, le gouvernement, qui a pourtant prévu de déconfiner le 11 mai contre vents et marées, refuse catégoriquement de les protéger pénalement, appelant à ce que chacun assume ses responsabilités  

Entre l’Etat et les maires, il existe une véritable crise de confiance à seulement une semaine du confinement prévu le 11 mai, date à laquelle plusieurs enseignants et élèves devront retourner dans les écoles. Si le gouvernement s’obstine à vouloir, à tout prix, garantir le bon déroulement d’une opération extrêmement périlleuse, ce n’est pas le cas des maires qui restent très dubitatifs, mais surtout très inquiets de faire l’objet de plaintes si jamais une seconde vague venait à se produire.

Ainsi, depuis une semaine, plusieurs élus ont haussé le ton faisant clairement savoir à l’Etat qu’ils ne veulent pas porter la responsabilité d’une décision lourde de conséquences. Ainsi, dans une tribune publiée ce 3 mai par des maires d’Ile-de-France adressée  à Macron, on pouvait lire : « au lendemain de votre intervention, nous nous sommes mis au travail pour organiser la réouverture des écoles à compter du 11 mai. (…) Mais, nous apprenons dix jours avant la date de réouverture des écoles, qu’il appartiendrait aux maires de décider de la réouverture des écoles ».

« Les maires ne veulent pas être des kamikazes »

Et de s’interroger : « nous ne comprenons pas pourquoi l’Etat se désengage de ses responsabilités en la matière, alors même que l’éducation d’une part, et la santé de l’autre, sont des compétences régaliennes. Comment pourrons-nous prendre ce type de décisions dans un contexte de crise sanitaire extrêmement grave alors que nous n’en avons ni la compétence, ni les moyens, ni la responsabilité ? ».

Face à l’épineuse question d’une éventuelle poursuite judiciaire dont les maires feraient l’objet, François Baroin, président de l’Association des Maires de France (AMF) a ainsi demandé à ce que les élus ne soient pas « des kamikazes » en matière de responsabilité pénale, comme l’a révélé 20 minutes.

Au sein de la majorité, la question du sort des maires ne passe pas inaperçue, une situation qui a d’ailleurs poussé des députés et sénateurs LREM à attirer l’attention du gouvernement là-dessus. « Au cours des échanges nombreux avec les maires de nos circonscriptions, nous avons pu mesurer leurs légitimes appréhensions devant les responsabilités qui sont les leurs, notamment sur le plan juridique », constatent-ils dans une tribune du 3 mai avant de demander qu’ils soient protégés par l’Etat.

« Atténuer la responsabilité, je suis nettement plus réservé »

Cependant, du côté de l’Etat, on refuse catégoriquement de protéger les maires sur qui repose désormais la lourde responsabilité d’ouvrir des écoles à partir du 11 mai. En effet, faisant allusion à cette situation ce lundi, Edouard Philippe a été clair : « enfin, j’entends les réticences de certains maires qui craignent que leur responsabilité soit engagée. Je sais que la responsabilité face au Covid-19 n’est pas un petit sujet. J’aimerais m’y attarder un peu. Le régime des responsabilités pénales des décideurs est issue de la Loi dite ‘Fauchon’. Si ce régime n’a pas été modifié depuis 20 ans, c’est qu’il est juste. (…) Les inquiétudes sont là, il nous faut y répondre. (…) Cette question mérite d’être traitée avec prudence car nos concitoyens veulent que les maires agissent sans blocage, mais ils ne veulent pas non plus que les décideurs publics ou privés s’exonèrent de leur responsabilité. Je le redis : ce n’est rien un hasard si les mots de la Loi Fauchon n’ont pas bougé depuis 20 ans. Les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage et qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposerait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer. Il me semble, mais il appartiendra au parlement d’en décider, que c’est cet équilibre que nous devons préserver : préciser la loi, rappeler la jurisprudence qui oblige le juge à tenir compte des moyens disponibles et de l’état des connaissances au moment où on agit ou pas agi, oui. Atténuer la responsabilité, je suis nettement plus réservé ».