Sanctions américaines : le compte à rebours pour Téhéran?

(Par Hamid Enayat)

Accablant : 419 oui contre 3 non ! Presque du jamais vu dans la Chambre des représentants des États-Unis ! C’est donc haut la main que le projet de loi sur de nouvelles sanctions contre l’Iran, la Corée du Nord et la Russie, a été adoptée mardi, 25 juillet. Selon le projet de loi de « Lutte contre les ennemis des Etats-Unis par le biais des sanctions » qui vient d’être adopté à la chambre américaine des représentants, de nouvelles sanctions seront appliquées contre la Russie, l’Iran et la Corée du Nord. Le Sénat devrait adopter ce projet de loi avec aussi une majorité écrasante, avant que la signature de Donald Trump soit inscrite au pied de ce texte.

A Téhéran les dirigeants du régime iranien sont extrêmement inquiets.  « Avant on demandait quels sont les individus et les organes qui sont sujets aux nouvelles sanctions, aujourd’hui il faut demander quels sont les individus et les organes qui ne sont pas sujets aux nouvelles sanctions ? », a notamment réagi Fouad Izadi, un expert en énergie nucléaire, proche du pouvoir en place, dans une interview accordée le 26 juillet à l’Agence de presse Dana. « Ce qui n’aurait pas dû avoir lieu, a eu lieu » déplore l’expert iranien.

« Le Corps des Gardiens de la révolution iranienne (CGRI / Pasdaran), et non seulement la force Qods des Pasdaran, est responsable de la mise en œuvre du programme international d’activités déstabilisatrices de l’Iran, du soutien aux actes de terrorisme international et de l’élaboration des missiles balistiques », déclare le projet de loi qui place le CGRI dans la liste des « Terroristes mondiaux spécialement désignés (Specially Designated Global Terrorists – SDGT) ».

Un coup de boutoir pour la théocratie iranienne

Ce projet de loi est en effet un coup de boutoir pour non seulement le CGRI, mais pour la théocratie iranienne qui va voir statufier son économie. Selon ce projet de loi, tous les biens de tout individu et organe ou compagnie liés au CGRI seront gelés aux États-Unis. Aucun individu, organe et entreprise américain n’a le droit d’établir des liens financiers, d’affaires et autres avec des personnes, organes et entreprises directement ou indirectement associées au CGRI. Aucune personne ou entité américaine n’a le droit de violer ces sanctions par des intermédiaires ou de contourner ces procédures.

Ces interdictions frappent également les services bancaires, ce qui signifie qu’au lendemain de la signature de ce projet de loi par le locataire de la Maison Blanche, le CGRI et toutes ses affiliations ne pourront effectuer aucune opération financière auprès d’aucune Banque dans le monde, sauf si cette dernière accepte le risque des sanctions US. Peu d’établissement sérieux accepteraient alors d’encourir un tel péril.

« C’est comme si on se réveillait un bon matin et qu’on se rendait compte qu’il ne nous reste plus que l’argent de notre poche », explique sous couvert d’anonymat, un PDG d’une compagnie qui importe des produits informatiques.

L’ampleur des sanctions paralyserait tous les secteurs de l’économie iranienne, étant donné l’emprise du CGRI et de toutes ses ramifications sur celle-ci. Les ventes du pétrole iranien risqueraient de n’être plus remboursables. Pratiquement toutes les importations seraient bloquées, car aucune Banque n’accepterait d’effectuer les transferts de fonds du côté iranien. Les investissements étrangers seraient presque entièrement obturés, étant donné que les parties iraniennes ont toutes un lien avec le CGRI.

« De quatre à six mois ; c’est le temps qu’il faudra à l’économie iranienne pour s’écrouler entièrement », indique un économiste iranien.  C’est « la mère de toutes les sanctions », commente Hussein Chari’ât-Madari, rédacteur en chef du journal Keyhan qui reflète les positions du Guide suprême de la théocratie, Ali Khamenei.

Serait-ce le compte à rebours ?

Ces nouvelles sanctions tombent au moment où l’Administration Trump a déclaré qu’elle allait modifier sa politique iranienne.  Le secrétaire d’État, Rex Tillerson, et le secrétaire à la Défense, James Mattis, ont clairement manifesté, chacun leur volonté de voir un changement de régime. Cette option fragilise le régime en place, une situation qui a été accueillie favorablement par l’opposition iranienne qui œuvre pour un changement démocratique dans ce pays.

Rudy Giuliani, conseiller en sécurité informatique du président américain, a été assez explicite dans son apparition au Grand Rassemblement de l’opposition iranienne à Paris, le 1er juillet dernier. « Je peux dire avec une bonne autorité je crois, que l’Administration américaine vous soutient », a dit l’ancien Maire de New York dans son intervention, alors qu’il s’adressait à Maryam Radjavi, la présidente de l’opposition rassemblée au sein du Conseil national de la Résistance iranienne.

Le compte à rebours est-il lancé pour la République islamique ? Une chose est sûre : avec ces nouvelles sanctions, l’équilibre des forces va peut-être basculer et la question d’un changement deviendrait une option plausible.

(Analyse de Hamid Enayat, journaliste iranien basé à Paris)

NB: Cette analyse n’engage que son auteur. Elle ne reflète pas en aucun cas la ligne éditoriale du média Lecourrier-du-soir.com