Vaccin Coronavirus en Afrique : au-delà des émotions (par Idrissa Diallo)

(Une analyse du chercheur Idrissa Diallo)

Les propos choquants des deux chercheurs Camille Locht et Jean Paul Mira sont d’une extrême gravité. Ils sont insultants et condamnables sans retenue. Ils remettent le couteau sur une blessure du passé encore ouverte et qui jamais, hélas, ne cicatrisera.

Il est cependant important que cette polémique ne détourne pas l’Afrique de l’essentiel : venir à bout (par nos propres moyens !) du Covid-19.

Il est tout aussi important de ne pas faire de cette polémique un carburant pour les complotistes sous le haut parrainage tacite du mouvement anti-vaccin.

Dans cet extrait vidéo qui ne dure pas 45sec mais plutôt 5min, il a été question avant tout d’une hypothèse prometteuse autour du vaccin BCG (TB) contre la tuberculose qui aurait un effet protecteur contre le COVID-19.

C’est sur ce sujet que nous devrions nous attarder !

Bien que ce nouveau coronavirus (Sars-Cov2) gagne du terrain en Afrique, le continent semble relativement épargné eu égard au nombre de cas et de morts dans le reste du monde. Globalement les enfants aussi semblent peu affectés. Les hypothèses sur le climat, les prédispositions génétiques, la sainteté (le gros lol !) et les miracles étant terrassés une à une, d’autres plus sérieuses ont émergé.

Le taux de vaccination au BCG est particulièrement élevé en Afrique (plus 80% de la population africaine de moins de 50 ans a reçu le vaccin BCG !). Des corrélations (sans liens de causalité !) entre ce taux de vaccination au BCG et taux de morbidité face au COVID-19 ont été ainsi mis en relief par des chercheurs (INSERM, New York Institute of Technology notamment). Il en est donc ressorti des projets d’essais cliniques de grande ampleur (Pays-Bas, Australie, Espagne, France, etc.) chez les personnes à haut risque d’exposition (personnels soignants ici).

Ce serait faux de penser qu’il s’agit (là) d’un nouveau vaccin que l’on envisage de tester chez les Africains exclusivement ! Non seulement nous l’avons déjà eu ce vaccin mais c’est en tout plus de 3 milliards d’individus qui l’ont reçu dans le monde. Le vaccin au BCG est bien connu et documenté, son coût tout comme les risques qui lui sont associés sont très faibles.

S’il s’avère utile et protecteur après des études rigoureuses (et non intuitives), le vaccin au BCG serait un gain de temps et d’argent immense pour tous.

C’est par un vaccin (développé et produit à 12000km de notre continent) que la maladie à virus Ebola a été stoppé et non par des incantations. Et désormais ce virus, tel quel, ne peut plus causer aucun grand dégât pour l’espèce humaine en cas de nouvelle flambée épidémique. Les risques associés aux vaccins (1/1million de chance en risque allergique donc plus de chance d’être frappé par la foudre !) sont beaucoup moins importants que les risques réels des maladies !

Toute la communauté scientifique du monde est mobilisée pour la recherche de diagnostics, de thérapies et de vaccins et c’est dans ce train qu’il faut accrocher notre Wagon !

A ce jour, selon les données du LANCET (COVID-19 Clinical Research Coalition, 02 Avril 2020) il y’a plus de 536 essais cliniques prometteurs dans le monde dont plus de 188 qui sont déjà en recrutement. Paradoxalement à ce que laissent penser les complotistes, ces essais cliniques sont essentiellement repartis et centrés sur les pays les plus touchés par le Covid-19 (Chine, Corée du Sud mais aussi dans des pays à revenu élevé d’Europe et d’Amérique du Nord). Contrairement aux dires et à la croyance des complotistes, très peu d’essais sont prévus en Afrique, tout comme l’Amérique centrale et du Sud. Et ce n’est pas une bonne chose !

Il est important de noter qu’au stade d’idée (on ne parle pas là encore de manipulation au laboratoire), la plupart des projets de recherche sont déjà évalués et expertisés par des comités d’éthique. À supposer que des laboratoires liés à BigPharma soient tentés de contourner ces barrières, ils n’échapperont pas à la « veille scientifique » mondiale. Et si tant est qu’elles y parviennent, la faille viendrait essentiellement des élites responsables de nos politiques de santé publique ! Alors ne faites pas le procès des vaccins ! Faites le procès de vos ÉLUS d’abord !

En tant que peuples, nous sommes libres de discuter, décider des vaccins qui nous semblent prioritaires, utiles, obligatoires etc. sans aucune pression extérieure. Cependant, l’erreur est de penser que c’est une religion ou secte où on a le droit de dire j’y crois ou je n’y crois pas. NON ! Ce sont des faits de sciences qui ne supportent pas les intuitions, les sentiments, les émotions.

À la place des pleurs et des colères, De façon pragmatique, il serait plus important de demander à nos élus :

1_ plus d’exigence et de transparence dans le parcours d’approbation (éthique, sécurité, efficacité) des vaccins

2_ plus de démocratie et d’autonomie (face aux lobbies) dans le collège de ceux qui décident de la politique vaccinale, en impliquant la société civile

3_ plus d’investissement dans la recherche médicale pour que d’ici 2050 nous soyons en mesure de prononcer la phrase suivante : « vaccins made in Africa ! »

Au-delà des émotions, demandez des comptes aux élus ! Enfin, distinguez les élites occidentales de leurs peuples, qui en générale ont les mêmes problèmes que nous !

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Idriss Maham

Citoyen du Monde

Québec, 04-04-2020