(Un édito de Cheikh DIENG, journaliste à Paris)
L’hypocrisie humaine n’a pas décidément pas de limite et les grosses fortunes n’ont vraiment pas honte. Depuis l’incendie qui a ravagé une partie de la cathédrale de Notre-Dame, nous avons assisté à un véritable défilé des faux culs. L’expression « faux culs » est certes assez déplacée, mais elle ne fait que traduire la réalité de ce que nous vivons présentement.
Le 16 avril, les Français-e-s se sont réveillés sous l’inquiétude et le choc. Inquiets du destin de Notre-Dame, une cathédrale de plus de 800 ans d’Histoire qui représente l’âme de toute une Nation, mais, choqués après s’être rendus compte que les milliardaires qui se vantent d’être Français et qui se sont faits une grosse fortune sur le dos du peuple n’en ont rien à foutre de la misère de celui-ci. Il a fallu cet incendie pour qu’ils acceptent finalement de mettre la main à la poche et de manière ostentatoire.
La famille Pinault a promis 100 millions d’euros. La famille Arnault, la première fortune de France, a annoncé un don de 200 millions d’euros. La famille Bétencourt-Meyes et le groupe l’Oréal ont promis 200 millions d’euros et la toute-puissance multinationale française, Total, qui participe largement au pillage du pétrole africain a annoncé 100 millions d’euros.
Ces dons faramineux ne sont pas passés inaperçus. Ils ont en effet attiré l’attention du monde entier. En seulement une journée, plus de 800 millions d’euros ont été collectés et il est fort probable que l’on atteigne le 1 milliard de dollars d’ici la fin de la journée de ce jeudi 18 avril.
Je tiens à souligner que la reconstruction de Notre-Dame mérite qu’on y dépense tout l’argent du monde. C’est un symbole historique et culturel, un bâtiment vieux de plus de huit-cent ans dont la disparition serait un coup dur pour la France, la chrétienté, l’Occident mais pour le reste du monde, c’est-à-dire ces millions d’étrangers qui aiment la France et sa culture.
Toutefois, ce que je n’arrive pas comprendre est l’indifférence totale dont les grosses fortunes de France ont fait preuve depuis plusieurs mois. Ils ne me diront pas qu’ils n’étaient pas au courant de la crise des Gilets Jaunes, cette gravissime crise sociale que certains comparent à Mai 69 ou aux origines de la révolution française de 1789.
Pendant plus de six mois, le peuple français, dans sa grande majorité, est en guerre avec ses dirigeants. L’injustice sociale n’a jamais été aussi palpable en France. Les impôts augmentent, une bonne partie du peuple se bat pour joindre les deux bouts, des écoles sont fermées, des hôpitaux délabrés dans certaines parties du pays.
Des millions de Français-e-s sont au chômage et des millions se retrouvent à la rue car, selon l’Etat, il n’y a pas assez d’argent pour leur trouver un logement. Cette crise est d’autant plus grave qu’une partie de la France, appelée la « France périphérique » ou la « France oubliée », a le sentiment qu’elle n’existe plus. Dans un pays où les grosses fortunes sont capables de lever presque 1 milliard d’euros en une journée pour reconstruire une cathédrale et laissent mourir de faims des milliers de citoyens, quelque chose ne va plus.
L’immense fortune collectée en un laps de temps très court pour sauver une partie d’une cathédrale alors que des millions de personnes vivent dans la pauvreté pose un sérieux problème moral. Finalement, les riches se soucient plus des monuments historiques, cultuels ou culturels que du peuple sur le dos de qui ils se sont faits une fortune de dingue.
Pour les détenteurs de ces fortunes de dingue qui ne vivent que du malheur des peuples (en Afrique, en Amérique Latine, au Moyen-Orient et désormais en Occident), notre existence, nous le bas peuple, n’a de sens que pour servir leurs intérêts. Dépourvus de tout humanisme, ils ne vivent qu’entre eux et nourrissent un sérieux mépris à l’égard de tous ceux qui ne font pas partie de leur catégorie sociale.
Pourtant, il suffisait juste que ces faux culs, qui ont eu leur quart d’heure de gloire ce 17 avril, fassent quelques efforts pour que plus personne ne meure de froid en plein hiver, en pleine rue. Ils se disent profondément touchés par l’incendie qui a ravagé une partie de la cathédrale Notre-Dame, mais ils se réjouissent que des centaines de Français-e-s reçoivent des coups de Flash-Ball ou de matraques pour avoir seulement demandé à vivre dignement.
Jusqu’ici, nous n’avons entendu aucun d’entre eux faire un don pour venir en aide aux Gilets Jaunes qui ont perdu un œil ou un bras ? En réalité, ils s’en fichent royalement. N’oublions pas qu’en décembre dernier, Vinci exigeait des automobilistes qu’ils paient la facture pendant les opérations « péage gratuit » des Gilets Jaunes. Quel mépris !
Nous devons tirer des leçons de cette tragédie. L’incendie de Notre-Dame est la confirmation que les peuples ne vaincront qu’unis, unis contre une oligarchie financière qui méprise et humilie les peuples du monde entier, qui est prête à verser des larmes de crocodile quand une cathédrale est touchée, tout en se réjouissant cependant que l’Etat (son larbin) déploie des gigantesques moyens pour massacrer un peuple qui ne demande rien d’autre que de vivre.
L’ennemi, ce sont les riches.