Une enquête exclusive menée par Ara, média basé à Barcelone, sur les dessous de la campagne de Manuel Valls à Barcelone
On en sait un peu plus sur le départ de Manuel Valls vers l’Espagne. Contrairement à ce qu’il dit dans la presse, l’ex premier ministre de François Hollande ne s’est pas rendu en Espagne avec l’unique but de sauver ce pays face à un séparatisme catalan qui gagne du terrain. Le départ de Valls en Espagne a aussi été une affaire de pognon.
En effet, d’après le média espagnol Ara qui a révélé l’information, tout a commencé au courant du mois de mars à seulement deux mois des élections municipales. Manuel Valls est déjà à Barcelone où il espère devenir maire de l’une des plus importantes villes d’Europe. Sauf qu’il n’a pas encore assez de sous pour battre campagne.
En ce moment précis, un certain Luis Conde se rapproche de l’ex premier ministre français et lui demande en quoi il pouvait lui être utile. Manuel Valls répond sans gêne : « votes et argent ». Dans cette enquête, le média ARA dit s’être entretenu avec plus de 20 personnes qui ont, de près ou de loin, participer à la campagne de Valls.
Les fonds arrivent finalement. Mais, d’où venaient-ils ? En effet, Valls, qui a commencé à se rendre fréquemment à Barcelone fin décembre 2017, a su tisser des liens très étroits avec la bourgeoisie catalane, des richissimes hommes d’affaires tels que Mariano Puig, Amancio Lopez ou encore Isak Andic.
Le profil de Valls qui fut un ex premier ministre en France avait particulièrement plu à ses hommes d’affaires qui voyaient en lui un rempart contre l’indépendantisme catalan. Ainsi, dans de nombreux diners où Valls a été invité, la menace indépendantiste était sur toutes les lèvres. Il fallait à tout prix empêcher les séparatistes catalans de s’emparer de Barcelone.
Toutefois, la grosse question était la suivante : comment faire parvenir de l’argent à Valls sans qu’apparaissent les noms des personnes qui l’ont financé ? La question est d’autant plus pertinente qu’en Espagne il est strictement interdit qu’une entreprise finance un parti politique, mais il est permis que des particuliers le fassent si le don ne dépasse pas les 50 000 euros.
Dans une interview accordée à Ara, Valls confirmait avoir reçu des dons, mais avait précisé que ces dons étaient très loin des 50 000 euros fixés par la loi. Dans une rencontre avec les hommes d’affaires catalans prêts à financer sa campagne, Valls pose ses conditions. Il fixe le montant nécessaire pour la précampagne et la campagne. Il lui faut un bureau et un personnel pour mener à bien son projet.
Mais, ce n’est pas tout. Il pose une autre condition qui surprend tout le monde : il exige une rémunération de 20 000 euros par mois. Une demande qui n’a pas manqué de gêner les bourgeois catalans. « C’est vrai que cela nous a surpris qu’il demande une telle somme. Venant de lui, ce n’est pas très élégant », confie un cadre ayant participé à la rencontre.
Néanmoins, la demande de Valls a été acceptée. Le média Ara explique que la rétribution de 20 000 euros par mois est entrée en vigueur dès l’annonce de Valls de mettre mis fin à sa carrière de député en France le 2 octobre 2018. Valls justifie la demande de 20 000 euros par le fait qu’il avait abandonné son poste de député en France où il gagnait 7 239 euros par mois. Sauf que le montant fait encore grincer des dents car il était de loin supérieur à la rémunération d’un président français en exercice qui touche 14 910 euros brut.
L’autre question soulevée était : qui va apporter les fonds pour rémunérer Valls et financer sa campagne ? à ce niveau, le média distingue trois types d’individus : ceux qui financent, ceux qui cherchent les fonds et ceux qui font les deux (financer et chercher les fonds). Parmi ces personnes, apparaît le nom de Félix Revuelta, un richissime homme d’affaire qui n’a jamais caché avoir apporté du soutien financier à Valls.
Félix se vante d’avoir présenté Valls à l’indice boursier de Madrid, à Felipe Gonzalez, ex premier ministre espagnol socialiste et aussi à José Maria Aznar, ex premier ministre espagnol de droite. Pour trouver les fonds, la ville de Madrid est ciblée. Pour les hommes d’affaires, c’est le meilleur endroit pour réunir les fonds nécessaires sans qu’apparaissent des noms. « A Barcelone, on sort l’argent de la poche, à Madrid, on le sort des comptes », ironise-t-on.
Pour financer Valls, d’importantes personnalités telles que Josep Ramon Bosch, ex président de la Société Civile Catalane, Javier Vega de Seoane, président d’une entreprise d’assurance ou encore Claudio Boada, conseiller principal du fonds d’investissement Blackstone en Espagne et grand acheteur d’actifs immobiliers ont déboursé des montants colossaux.
A Barcelone, les deux personnalités chargées de trouver des fonds pour la campagne de Valls ont été : Carlos Rivadulla, président de l’association des chefs d’entreprise de Catalogne et membre de l’équipe de Valls et Jaime Malet, président de la Chambre de commerce des Etats-Unis en Espagne.
Ara nous apprend aussi que Jaime Malet a été celui qui a facilité le recrutement de Manuel Valls en tant que professeur à la prestigieuse école de commerce ESADE basée à Barcelone. Une autre personnalité du nom de Luis Hernandez de Cabanyes avoue aussi avoir financé la campagne de Manuel Valls.
Dans la presse, il y a également un autre nom qui a été cité : celui de Susana Gallardo, future épouse de Valls qui aurait aidé l’ex premier ministre français financièrement, mais qui lui aurait aussi permis d’intégrer la haute bourgeoisie catalane qui voyait en la victoire des séparatistes aux élections municipales une véritable menace à leurs intérêts.
Malgré les énormes sommes déboursées, l’équipe de campagne de Manuel Valls se plaint pourtant de n’avoir pas reçu assez. « Nous n’avons nagé dans l’abondance comme cela a été dit. On ne nous a rien offert », se plaint une source proche de Manuel Valls. Malgré les énormes sommes reçues, Valls n’a pas gagné les élections. Toutefois, son apport a été déterminant pour permettre à Ada Colau de rester maire de Barcelone au détriment d’Ernest Maragall, vainqueur des élections municipales et membre du parti séparatiste ERC.
Selon Ara, Manuel Valls a dépensé 178 000 euros durant la campagne, mais jusqu’ici on ignore les montants dépensés durant la précampagne. Selon le média espagnol, tout financement de plus de 25 000 euros doit être immédiatement déclaré auprès du Tribunal des Comptes sous un délai d’au maximum deux mois.
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