Le Sénégal de Macky Sall, qu’on le veuille ou pas, est devenu un Etat gaspilleur qui refuse catégoriquement de se focaliser sur les priorités. Je dis ceci car le président sénégalais, Macky Sall, a lui-même fait le bilan des dépenses effectuées au niveau du palais présidentiel depuis son accession au pouvoir en 2012.
Et le bilan est très salé dans un pays, il faut le dire, pauvre. En effet, ce lundi, lors de la cérémonie de lancement officiel du Programme d’appui à la modernisation de l’administration, Macky Sall, président du Sénégal, a révélé que de 2012 à maintenant (2019), « plus de 307 milliards de FCFA ont été dépensés pour l’achat de véhicules ».
Si à ce chiffre, on ajoute l’entretien et la consommation de carburant, la facture devient extrêmement lourde pour le contribuable sénégalais. Et j’ajoute que la facture de téléphone de l’Etat dépasse les 17 milliards de FCFA par an. Dans un pays pauvre, ceci est extrêmement grave.
Face à ces dépenses faramineuses effectuées au plus haut sommet de l’Etat, Macky Sall a décidé de procéder à ce que son gouvernement appelle « la rationalisation des ressources de l’Etat ». Cette opération (que je salue) a déjà donné lieu à la fermeture de représentations diplomatiques. En Juin dernier, le consulat de Bordeaux avait été fermé et 16 agences sur 32 ont déjà été dissoutes ou transformées en directions. Le gouvernement entend également résilier toutes ses lignes téléphoniques mobiles, nous apprend-on.
Nul ne peut s’opposer à une telle mesure d’une importance primordiale prise le président Sall dans un pays où l’administration est non seulement une gabegie absolue, mais où la dilapidation et le détournement des deniers publics sont devenus une banalité chez l’élite politique.
Toutefois, ce que je reproche à l’Etat sénégalais est d’avoir attendu à ce que la facture ait frôlé la barre des 300 milliards de CFA pour réagir. Macky Sall agit-il de bonne foi et cherche-t-il à amadouer le peuple sénégalais en colère en vue d’un troisième mandat ? Telle est la grande question qu’on peut se poser.
Quoi qu’il en soit, le fait que le président lui-même reconnaisse que le palais a dépensé autant d’argent uniquement pour l’achat de voitures est un aveu d’échec. On n’aurait jamais dû laisser la facture arriver un tel niveau. Cet aveu d’échec de la part du gouvernement est d’autant plus grave que le pays fait face à de nombreux défis.
En effet, dans une de mes analyses datant du 18 juin, j’avais souligné les véritables problèmes auxquels les Sénégalais faisaient face quotidiennement et qui n’ont jamais été résolus par le gouvernement en place. Sur le plan sanitaire, le constat est alarmant : le pays manque sérieusement de matériels sanitaires. Les hôpitaux sont délabrés, le matériel hospitalier obsolète, le personnel désorganisé et souvent très mal formé, comme l’a si bien expliqué le professeur Cheikh Tidiane Touré, président de l’Association des Chirurgiens d’Afrique Francophone dans un article publié le 22 février 2017 sur Le Quotidien.
Sur le plan économique, le Sénégal a été placé parmi les 25 pays les plus pauvres de la planète en 2015 par un rapport du FMI (Fonds Monétaire International), alors que le gouvernement en place nous bassine avec son fameux PSE (Plan Sénégal Emergent). Emergence pour qui ? Pour le bas peuple qui n’arrive plus à joindre les deux bouts ? Ou pour le Président et son entourage qui se partagent le gâteau ? Il faudrait bien qu’on nous explique.
Pourtant, le pays est loin d’être pauvre. Nous avons découvert le pétrole et le gaz. Reste à les exploiter. Mais là aussi, nous avons noté des couacs. En effet, cette richesse, qui devait servir à investir davantage dans les infrastructures (routes, péages, aéroports, transports maritimes et ferroviaires), des centres de santé équipés et à investir dans l’éducation afin de former une jeunesse qualifiée, est en train d’être bradée. L’affaire Petro-Tim est la preuve que nous avons encore du pain sur la planche.
Sur le plan sportif, même s’il faut un peu nuancer (car notre équipe de football est l’une des meilleures sur le continent), il convient de souligner que des dysfonctionnements notés dans ce domaine nous rendent moins performants. En Basket, nous avons été les meilleurs il y a quelques années. Aujourd’hui, une corruption systémique empêche nos braves lions de remporter des sacres à l’échelle continentale ou mondiale. D’ailleurs, il y a quelques jours, Baba Tandian, ex président de la Fédération sénégalaise de Basket accusait son successeur, Babacar N’diaye, de corruption.
Le plus grave dans tout cela est la mort lente du génie sénégalais en raison d’une corruption qui sévit dans le pays. En effet, la presse faisait écho d’une anomalie dans l’épreuve de mathématique (de notre prestigieux Concours Général) qui risque d’être annulée car des parents affirment que ladite épreuve était téléchargeable sur internet et que des élèves l’avaient déjà traitée. Un scandale !
Je n’ai rien contre le fait que le président de la République puisse avoir à sa disposition des véhicules pour son déplacement et d’une sécurité pour assurer sa protection. Cependant, quand on en arrive à dépenser plus de 300 milliards uniquement pour l’achat de véhicules, cela devient inquiétant dans un pays pauvre.
Combien d’hôpitaux équipés pouvait-on construire avec 300 milliards de FCFA ? Combien d’écoles ? Combien de jeunes pouvait-on former pour les empêcher de risquer leurs vies en méditerranée à la recherche d’un avenir meilleur en Europe ? Cette somme faramineuse n’aurait-elle pas servi à régler les problèmes liés à l’assainissement dans des quartiers difficiles du pays en période hivernale ? Cette somme n’aurait-elle pas servi à équiper nos braves policiers et gendarmes qui interviennent dans des quartiers difficiles du Sénégal et dans des conditions extrêmement difficiles ? Autant de priorités sacrifiées pour les beaux yeux d’un « être suprême », appelé Macky Sall.
Notre seul problème depuis l’indépendance (au-delà du pillage de nos ressources naturelles par l’Occident) est notre manque de vision et notre matérialisme démesuré. Nos dirigeants africains sont prêts à dépenser des milliards pour des voitures de luxe réservées à une petite minorité de la population mais n’ont pas assez d’argent pour équiper des hôpitaux délabrés, nourrir une population affamée dans certaines parties du pays et garantir une éducation de qualité à leurs enfants.
Que personne ne vienne pleurnicher ou rejeter la faute sur le dos des Occidentaux. La victimisation ne marche pas à tous les coups. Nos dirigeants sont les seuls responsables de cette situation. Ils sont devenus un véritable frein à notre développement.