Le gouvernement avait promis d’y recourir. Ce 19 octobre, il l’a fait.
En France, le redoutable article 49.3 de la Constitution a été déclenché par la première ministre Elisabeth Borne sur le budget 2023, un budget dont le vote avait été bloqué par l’opposition de gauche incarnée par la France Insoumise qui, depuis plusieurs semaines, exige une taxation sur les super-profits.
Et comme l’on pouvait s’y attendre, quelques minutes après l’annonce de cette décision très controversée, l’opposition a manifesté sa grosse colère, dénonçant un déni de démocratie et annonçant la mise en marche d’une motion de censure qui, il faut le dire, a très peu de chance de porter ses fruits.
En tout cas, ce 19 octobre, après l’annonce de cette décision qui n’a surpris personne (car ayant été annoncée il y a deux jours par la presse), l’indignation a bien été au rendez-vous au sein de la classe politique française, à gauche comme à droite. « L’article 49.3, qui permet de considérer comme adopté un texte qui n’est pas soumis au suffrage des parlementaires, pour moi, n’est pas d’essence démocratique », a dénoncé Raquel Garrido, députée de la France Insoumise.
« 60 % des députés ont été élus pour s’opposer à Monsieur Macron. On ne voit pas comment un député s’opposant à Monsieur Macron et à la politique de son gouvernement pourrait refuser de renverser ce dernier quand l’occasion lui en est donné lors du vote d’une motion de censure », lâche Gilles Platret, homme politique proche du parti de droite Les Républicains.
Il n’y a donc aucun doute que l’indignation chez les Français est palpable. Et elle aurait pu être beaucoup plus virulente si le déclenchement du 49.3 n’avait pas été étouffé par le meurtre abject de Lola, une jeune fille de 12 ans dont l’assassinat sauvage, survenu ces derniers jours, a accaparé la une de tous les médias du pays.
Le 49.3 est donc déclenché et le gouvernement assume totalement cette décision d’y avoir eu recours pour, dit-il, débloquer une situation politique qui ne pouvait plus continuer. Mais, le gros danger est qu’en recourant sans gêne à cet outil de la Constitution (que certains qualifient d’anti-démocratique), on finit par verser dans le totalitarisme.
Emmanuel Macron et son gouvernement (qui ont déjà eu recours au 49.3 pour faire passer de force la réforme des retraites) doivent comprendre que le blocage est le charme d’une Démocratie et que si les députés doivent se soumettre au désidérata du pouvoir en place, on n’est plus en Démocratie, mais dans une République bananière, ce que la France se refuse d’être.
Ceci dit, si personne ne remet en cause l’idée que le 49.3 est légitime pour faire bouger les choses, Macron et son gouvernement, en y ayant recours constamment, ont fini par donner aux Français la confirmation qu’ils n’ont plus le soutien du peuple pour remporter des bras de fer au Parlement sur des sujets cruciaux.
Mais, là n’est pas le danger. Le vrai danger aujourd’hui, c’est que le pouvoir en place confirme que le Parlement ne sert à rien, que la prouesse des partis de l’opposition (LFI et RN) lors des dernières élections législatives n’ont aucun impact sur le fonctionnement de l’Assemblée car leurs propositions, aussi pertinentes soient-elles, ne seront jamais prises en compte si elles ne conviennent pas au pouvoir dont la perte de la majorité absolue n’empêche pas d’imposer au peuple des choix politiques qu’il rejette dans son immense majorité.
Le recours au 49.3 devait être un fait rare et inédit en Démocratie. Hélas, sous Macron, il est presque banalisé à tel point que son usage n’émeut plus personne et ne provoque que quelques condamnations virtuelles sur les réseaux sociaux par une poignée d’hommes politiques totalement diabolisés par les médias.
En France, l’Assemblée ne sert plus à rien. Et le vrai débat qui se doit se poser est celui de savoir son existence (qui coûte un pognon de dingue aux citoyens) est encore légitime.