Macron s’adressera aux Français ce jeudi 9 avril au soir en pleine guerre contre le Covid-19. Le président tentera de rassurer les Français mais la réalité est que le pays est économiquement à terre
Un petit virus a fait irruption en Occident plongeant brusquement des Etats déjà fragilisés dans une crise économique très sévère. C’est notamment le cas de la France où pendant une année, le gouvernement a dû faire face à une immense colère du peuple lorsqu’il a voulu mettre en place un certain nombre de mesures très impopulaires. La hausse des prix du carburant en fin 2018 avait provoqué une véritable mini-révolution, connue comme le mouvement des Gilets Jaunes et qui menaçait sérieusement de faire tomber le pouvoir.
D’ailleurs, aux heures les plus sombres de cette crise, quand le mouvement était tout d’un coup devenu hyper-violent et que les radicaux avaient transformé les rues de Paris en une espèce de guérilla urbaine, un hélicoptère avait été affrété pour exfiltrer Emmanuel Macron au cas où les Gilets Jaunes, qui menaçaient ouvertement de marcher sur l’Elysée, auraient réussi à mettre cette menace à exécution. Et ce ne fut d’ailleurs pas le seul bras de fer qui a opposé le pouvoir au peuple qui refuse tout changement du statut quo. N’est-ce pas pour cette raison qu’Emmanuel Macron appelait ses compatriotes de « gaulois réfractaires » ?
En tout cas, ses nombreux projets de réformer le pays se sont heurtés à une véritable résistance populaire. Mais, il n’a voulu renoncer à rien, malgré les coups encaissés. En effet, après avoir abdiqué face aux Gilets Jaunes en retirant la taxe carbone qui était à deux doigts d’embraser le pays, le président français, obsédé par son projet de réformer la France, ouvrira un nouveau front : la réforme des retraites. Là également, la réponse d’une grande partie du peuple reste la même.
Pour s’opposer à la réforme d’un des meilleurs systèmes de réformes du monde occidental, syndicats, enseignants, retraités, jeunes travailleurs, agriculteurs…se sont dressés au pouvoir pour le faire plier. Mais, le gouvernement tient bon et refuse catégoriquement de renoncer à son projet, ce qui aurait été une terrible défaite politique pour Emmanuel Macron à seulement deux ans d’un second mandat. Il tranchera le 29 février en activant le très redoutable article 49.3 alors que plus de 50% des Français s’opposaient à la réforme.
Le 5 décembre, une grève générale est décrétée sur l’ensemble du territoire par plusieurs syndicats et membres de l’opposition. Le pays est paralysé pendant au minimum un mois. Les transports publics (Métro, RER, TGV, Tramway) sont complètement ou partiellement bloqués. Les pertes financières sont impressionnantes. Le 5 janvier, un mois après le début du mouvement, la SNCF avait déjà perdu 620 millions d’euros contre 93 millions pour la RATP.
La situation économique était d’autant plus difficile pour le pouvoir que la crise des Gilets Jaunes avait déjà laissé un bilan très salé : les radars vandalisés avaient coûté à l’Etat 660 millions d’euros en mars 2019, le déploiement des forces de l’ordre avait coûté à l’Etat 46 millions d’euros, les assurances ont dû décaisser 217 millions d’euros pour indemniser les dégradations et le 1er mars, dans une interview accordée à Public Sénat, Bruno Le Maire, ministre des Finances, avait déploré l’impact très négatif que les manifestations Gilets Jaunes allaient avoir sur l’économie française. « C’est de l’ordre de 0,2 point de croissance trimestrielle. Donc, c’est très important », dénonçait-il.
L’arrivée du virus en France en mars 2020 a été un véritable coup de massue assené à un gouvernement très affaibli politiquement et qui devait gérer une grave crise économique dont ses prédécesseurs n’avaient pas hérité. La hausse de la taxe carbone, la réforme des retraites, la réforme du marché du travail…ont d’ailleurs été perçues par de nombreux opposants au pouvoir comme un racket organisé par le gouvernement pour faire les poches aux Français. Même si je n’adhère pas à 100% à cette thèse, une chose est cependant sûre : la crise sanitaire qui a totalement paralysé l’activité économique du pays a été le dernier coup de grâce porté à un Exécutif qui semblait avoir perdu le contrôle total du pays.
Quand Macron a annoncé que la France était en guerre contre le coronavirus Covid-19, il était certainement conscient que le pays n’était prêt pas à affronter cette guerre. Ni sur le plan militaire, ni sur plan économique. Mais, en tant que chef d’Etat, timonier d’un navire qui est en train de chavirer, il avait l’obligation d’être en première ligne, d’autant plus que l’ennemi invisible venait de faire des milliers de morts en Chine et avait déjà commencé à décimer une partie du peuple italien.
Sur le plan politique, le gouvernement a fait ce qu’il fallait à ce moment : rassurer le peuple en attendant que s’abatte sur le pays les griffes d’un virus mortel qui emporte tout sur son passage. Sur le plan militaire, le président a aussi tenu bon, déployant des soldats dans plusieurs parties du pays, notamment dans le Grand Est pour apporter son soutien aux soignants dépassés par les événements. Sur le plan sanitaire, l’échec était palpable. Le gouvernement a très vite montré ses limites, notamment sur la question des masques chirurgicaux et FFP2, créant un véritable malaise au sein des médecins qui n’ont pas hésité à lui déclarer la guerre. Je dois rappeler que le 25 mars, cinq plaintes visaient le Premier ministre et l’ex ministre de la Santé, Agnès Buzyn pour la gestion de la crise.
Sur le plan économique, le soir du 16 mars, soir du discours très attendu du chef de l’Etat, la crise économique était déjà là. Cependant, il ne fallait pas citer son nom. Il fallait surtout camoufler les conséquences dévastatrices d’une crise sanitaire qui venait à peine de commencer. Ainsi, le soir du 16 mars alors que la guerre venait à peine d’éclater, le président annonce la mise en place d’un dispositif exceptionnel destiné aux entreprises. Face à des millions de Français, Macron annonce que son gouvernement allait débloquer « 300 milliards d’euros pour tous les prêts bancaires contractés auprès des banques ». Le lancement du prêt de 300 milliards destinés aux entreprises a officiellement commencé le 25 mars.
Dans les jours qui ont suivi, Bruno Le Maire a dévoilé les contours de ce dispositif : toute entreprise dont l’activité est impactée par le Covid-19 peut continuer à prêter auprès de sa banque habituelle ou une autre. Ce prêt sera garanti par l’Etat via BPI France à hauteur de 70 à 90%, selon la taille de l’entreprise. Parmi les entreprises concernées, celles comptant moins de 5.000 salariés et dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1,5 milliard d’euros.
Le 17 mars, en pleine guerre, le ministre des Finances annonce, à son tour, une série de mesures, dont une enveloppe de 45 milliards pour soutenir les entreprises et les salariés, « notamment via le report du paiement de toutes les charges fiscales et sociales dues par les entreprises », précise le journal Le Point. Le gouvernement vise ainsi à créer un fonds de solidarité à hauteur d’1 milliard « minimum » destinés aux micro-entrepreneurs disposant de moins d’1 million de « chiffres d’affaires » et qui ont perdu entre mars 2019 et mars 2020, 70% de leurs chiffres d’affaires. Et ce n’est pas tout. Le 25 mars, soit dix jours après le début de a guerre au moment où la crainte d’une récession se faisait sentir, Macron décide de venir en aide aux Start-up, débloquant ainsi 4 milliards pour encourager l’innovation avec l’espoir qu’elle puisse relancer une économie moribonde.
Moribonde oui, car le lendemain, le ministre des Finances avait clairement fait savoir que la dette de la France dépassera la barre des 100% du PIB en 2020 et prévoyait une croissance négative de -1%. Le 22 mars, Gérald Darmanin, ministre chargé du budget, salue les mesures prises par le gouvernement, mais prévient que les sommes colossales dégainées par l’Etat pour lutter contre la pandémie allait se traduire par un déficit de 3,9% du PIB, au-delà de la règle européenne des 3% en vigueur au sein des pays de l’Union Européenne.
Le trafic venait de s’effondrer en mars avec plus de 90% du trafic aérien impacté en raison de la fermeture des frontières pour lutter contre le virus. Le 26 mars, au dixième jour du confinement, un rapport de l’Insee (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques) venait de révéler que l’activité économique était en chute de 35% et ce même institut nous apprenait dans un rapport paru en juin 2019 que la dette publique de la France sous Macron était à plus de 2 358,9 milliards d’euros et qu’elle avait atteint 99,6% du PIB.
Le choc économique est loin d’avoir dit son dernier mois. En effet, le 26 mars, dix jours après le discours de Macron, Bruno Le Maire annonce que le dispositif mis en place pour le chômage partiel avait coûté à l’Etat 4 milliards d’euros. Face à la presse, le ministre prévient que la somme pourrait s’alourdir. « Ce sera bien davantage. Nous avons fait un choix stratégique pour préserver les compétences. Nous nous y tenons et ça coûtera ce que ça coûtera », explique-t-il.
Le même jour, Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes Publics, annonce dans une interview accordée au journal Le Parisien le nombre de personnes touchées par le chômage partiel. « Aujourd’hui, 1,6 million de salariés sont au chômage partiel et seules les demandes de 28 entreprises ont été refusées », révèle le ministre. Le 5 avril, la France comptait 5 millions de salariés en chômage partiel.
Et les mauvaises nouvelles se multiplient. Le 2 avril, l’Observatoire Français des Conjectures Economiques (OFCE) évalue à 60 milliards l’ardoise mensuelle du confinement, ce qui grèverait le PIB français de 2,6 points cette année. La crise de l’économie française n’épargne désormais aucun secteur. Le secteur de l’automobile a enregistré en mars une chute de 72%, pire que la Grande-Bretagne qui a connu une chute certes, mais de l’ordre de seulement 44,4%. Le secteur du tourisme prévoit 10 milliards d’euros de perte.
Le navire est sérieusement en train de couler et si Emmanuel Macron l’ignore, son ministre des Finances a déjà tiré la sonnette d’alarme. En effet, ce 6 avril, lors d’une audition de la commission des Affaires économiques du Sénat, Bruno Le Maire a craché le morceau. Il prévoit la plus forte récession depuis 1945. Ce mercredi 8 avril, la France vient d’entrer en récession. Le PIB a en effet plongé de 6%.