Macron à Dakar : nous n’accepterons pas que la France nous humilie une énième fois

Macron débarquera à Dakar dans onze jours. En novembre dernier, le président français, le plus jeune de la Vème république, avait entamé une visite officielle qui l’avait mené dans trois pays africains : le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire et le Ghana. Pour une fois, un président français en exercice visite le continent sans déposer ses valises à Dakar.

Il faudra attendre deux mois pour qu’Emmanuel Macron se rende au pays de la Teranga. Le successeur de François Hollande est en effet attendu dans la capitale sénégalaise les 1er et le 2 février 2018. Macron devra prendre part à une conférence sur le financement du Partenariat Mondial pour l’éducation.

Il ne sera pas la seule personnalité, car dans la presse sénégalaise, on annonce la présence de Rihanna, célèbre chanteuse américaine qui a d’ailleurs confirmé sa venue à Dakar dans un twitte posté ce 17 janvier sur son compte officiel. Sont également attendus dans la capitale sénégalaise Jim Yong Kim, président de la Banque Mondiale, Antonio Guteress, secrétaire-générale de l’Organisation des Nations-Unies (ONU) ainsi que les présidents gabonais, burkinabè, ivoirien et rwandais.

Je tiens à rédiger ces quelques lignes, en tant qu’Africain d’abord et Sénégalais, pour inviter le peuple sénégalais, y compris les jeunes, à prêter une attention particulière au discours qui sera tenu par le président français. Cet édito n’est en aucun cas une attaque faite à Macron. Je refuse tout simplement que se reproduise l’incident de 2007, date à laquelle Nicolas Sarkozy, à l’époque président de la France, avait osé déclarer que « l’homme noire n’était pas rentré dans l’histoire ».

Permettez-moi de rappeler les termes acerbes arrogamment utilisés par Sarkozy pour s’adresser aux Africains venus écouter son discours. « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas rentré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel commencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès », disait-t-il en 2007.

Et d’ajouter : « (…) le problème de l’Afrique, c’est de cesser de toujours répéter, de toujours ressasser, de se libérer du mythe de l’éternel retour, c’est de prendre conscience que l’âge d’or qu’elle ne cesse de regretter ne reviendra pas pour la raison qu’il n’a jamais existé. Le problème de l’Afrique, c’est qu’elle vit trop dans la nostalgie du paradis perdu de l’enfance ».

L’ex président français est allé jusqu’à dédouaner les colonisateurs français, ceux-là qui ont grandement contribué au pillage des ressources de l’Afrique. « La colonisation n’est pas responsable de toutes les difficultés actuelles de l’Afrique. Elle n’est pas responsable des guerres sanglantes que se font les Africains entre eux. Elle n’est pas responsable des génocides. Elle n’est pas responsable des dictateurs. Elle n’est pas responsable du fanatisme. Elle n’est pas responsable de la corruption, de la prévarication. Elle n’est pas responsable des gaspillages et de la pollution », soulignait-il.

J’aurais pu revenir sur d’autres passages du discours aussi gênants les uns que les autres, mais je ne pense pas que cela soit nécessaire. Néanmoins, j’espère sincèrement que nous n’aurons pas droit à un discours pareil qui, même si je reconnais qu’il n’est pas totalement faux, n’a fait que culpabiliser davantage un continent qui a connu les pires atrocités de l’Histoire de l’Humanité (esclavage, colonisation, néocolonialisme…).

Emmanuel Macron, dont j’ai salué la politique étrangère spectaculaire depuis son accession au pouvoir, ne m’a l’aire d’un Sarkozy bis. Dans son discours prononcé le 28 novembre 2017 au Burkina Faso, il disait ceci : « je ne vais pas venir ici vous dire que nous allons faire un grand discours pour ouvrir une nouvelle page de la relation entre la France et l’Afrique, ou je ne suis pas venu ici vous dire quelle est la politique africaine de la France comme d’aucun le prétendent, parce qu’il n’y a plus de politique africaine de la France ».

Pour l’instant, nous en sommes là en attendant de voir ce qu’il nous dira à Dakar en début février. Une chose est sûre : l’Afrique ne peut plus se contenter de recevoir des leçons de ceux qui ont en grande partie contribué à sa faillite. Désormais, le continent exige un traitement égalitaire. Si Macron pense que nous sommes encore une colonie de la France, alors qu’il reste chez lui.

Edito signé : Cheikh DIENG, journaliste et fondateur du site d’information www.lecourrier-du-soir.com

Email : cheikhdieng05@gmail.com