Jacques Attali, économiste et écrivain, a été l’invité de Jean-Pierre Elkabbach ce mardi. Sur le plateau de CNews, plusieurs sujets ont été abordés, notamment la question des « Gilets Jaunes » qui secouent la France depuis bientôt un mois. Sur CNews, il qualifie le mouvement de « respectable ».
« C’est un mouvement respectable et qui mérite d’être respecté, d’être écouté en mettant ceux qui sont d’une violence purement formelle et qui ne justifient pas leur violence par le désespoir de leur propre situation. Donc, le mouvement est respectable », a-t-il réagi sur CNews.
Dans l’interview, Attali dit avoir pronostiqué l’arrivée de la colère en France. « Je pronostiquais l’arrivée de la colère. Ce n’était pas très difficile à l’échelle française et mondiale et je disais que le propre du politique, c’est d’éviter que la colère devienne de la rage. Aujourd’hui, pour le faire, me semble-t-il, il faut d’abord écouter, beaucoup écouter, se rendre compte qu’il y a des revendications parfaitement légitimes (…) ».
« Je m’en prends à la gauche »
Face à Elkabbach, Jacques Attali désigne les responsables. Le premier responsable, selon lui, est la gauche. « Je dis la gauche parce que la gauche ne peut pas oublier que si elle avait été unie en un moment de l’élection présidentielle, aujourd’hui elle serait au pouvoir et donc elle ne peut pas reprocher à ceux qui sont au pouvoir légitimement de gouverner puisque c’est sa faute s’ils sont au pouvoir », a-t-il déploré.
Et d’ajouter : « en même temps, je m’en prends à la gauche parce qu’aujourd’hui, la gauche, dont je fais partie, dans laquelle je me reconnais, doit avoir une analyse de la situation mondiale, européenne, française et des propositions, pas seulement des propositions liées à la circonstance d’aujourd’hui, des propositions qui la mettent en situation aux prochaines élections européennes, municipales (…). »
« Tout le propre d’une démocratie, c’est de canaliser les aspirations »
A la remarque du journaliste qui estime qu’il faille passer par des révolutions en France pour obtenir des réformes, Attali est en désaccord. « Non, je ne pense pas. Tout le propre de la démocratie, c’est de canaliser les aspirations, faire que le débat ait lieu, que du sens s’exprime et qu’ensuite le pouvoir politique le mette en œuvre », explique-t-il.
Sur les Gilets Jaunes, Jacques Attali est totalement en désaccord avec l’idée d’un référendum. « Quand on fait un référendum, les électeurs ne répondent jamais à la question, ils répondent à celui qui a posé la question. Ils répondent ‘oui’ s’ils aiment celui qui a posé la question et ‘non’ s’ils n’aiment pas celui qui a posé la question », dit-il.
« Je suis pour un moratoire, même plus »
A la question de savoir si le gouvernement doit annuler les hausses de carburant, il rétorque : « je pense qu’il faut prendre un certain nombre de mesures qui protègent les plus défavorisés, qui se sentent depuis longtemps en situation d’être injustement traités. Et à juste titre, le salaire de base est trop bas, les rémunérations les plus basses sont trop basses ».
Il poursuit : « oui, je suis pour un moratoire et même plus qu’un moratoire. Je suis pour un abandon de ces taxes jusqu’à ce qu’elles s’expriment dans un contexte plus vaste qui est une remise à plat de l’ensemble de la structure budgétaire française. Notre budget est fait par des fonctionnaires tout à fait remarquables, mais depuis trop longtemps ceci est devenu une boite noire. On ne sait plus très bien comment viennent les recettes et où vont les dépenses ».
« Je pense qu’il faut augmenter significativement le SMIC »
Sur l’ISF (Impôt Sur la Fortune), la position de l’économiste français est claire et nette. « J’étais contre l’abandon de l’ISF. La commission que j’ai présidée il y a dix ans dont on dit à tort qu’elle était libérale, était une commission bipartisane. Dans cette commission, nous ne proposions pas l’abandon de l’ISF et pour ma part, j’ai toujours été contre », précise-t-il.
L’économise veut une augmentation significative du SMIC. « Je pense qu’il faut augmenter significativement le SMIC et les bas salaires. Il faut aller jusqu’à 4% ou 5%. Ça doit être significatif ou même plus. (…) Des réformes ne peuvent passer que si elles sont socialement justes », analyse-t-il.