(Une analyse du journaliste iranien, Hamid Enayat)
Alors que le régime Iranien se présente avec le sourire, sous un visage honorable et avec tout le soutien des chancelleries Européennes, durant sa tournée de promotion sur le vieux continent, la réalité vécue au pays n’affiche pas les mêmes atours. Loin de la vision touristique propagandiste ânonnée par les affairistes béats et leurs scribes officiels sous contrat, le peuple iranien lutte au quotidien pour sa propre survie, dans un environnement politique plus proche de celui connu en Corée Du Nord que d’une démocratie, même la pire. Un double jeu pas vraiment assumé par la théocratie, qui n’hésite même plus à se compromettre elle-même pour tenter d’obtenir l’assentiment des peuples occidentaux.
Si l’on écoute les mollahs en visite à Vienne, Paris et Berlin, l’Iran est un pays où le bon vivre règne. Le tourisme s’installe, le pays est riche et suffisamment puissant pour s’éviter une quelconque invasion, et il se pourrait même que l’on entrouvre potentiellement la porte, éventuellement, peut-être, concernant certains droits mineurs pour les femmes. Pour un patron du CAC 40, c’est l’eldorado. Le peuple est maîtrisé et les ressources tendent les bras aux firmes qui saurant séduire les pasdarans, détenteurs de plus de 50 % de l’économie iranienne. En somme, l’Iran est un partenaire idéal, puisque l’on peut traiter directement d’oligarchie à oligarchie. La façon dont une petite poignée de gardiens de la révolution se sont appropriés aussi vite tant de richesses du pays doit même laisser songeur les meilleurs d’entre nos riches à nous.
Voilà pour le tableau, l’idylle en cours entre les strates dominantes de deux complices commerciaux, prêts à nier l’évidence du tragique humain, à voiler les regards des populations et à asseoir leur dignité sur les droits humains fondamentaux pour seulement quelques dollars de plus. Mais en grattant à peine sous la croûte, on voit apparaître une toute autre toile. Les résistants et diverses associations internationales militant pour les droits humains accompagneront des élus de la république Française le 8 février prochain dans les rues de Paris, justement pour montrer l’autre face du régime des mollahs de Téhéran.
Plus d’un an de manifestations et de soulèvements
Au pays, les employés du privé comme du public attendent leurs salaires depuis des mois. Toutes les grandes corporations du pays se sont tour à tour mises en grève ; camionneurs, commerçants des bazars, enseignants, agriculteurs, médecins et infirmiers, ouvriers, métallurgistes… Depuis janvier 2018, il ne se passe pas une journée sans qu’une manifestation ait lieu, qu’un soulèvement éclate ou qu’une protestation naisse. Certes, le pays a déjà connu quelques soubresauts par le passé. Mais jamais les mollahs n’avaient été mis au défi si radicalement depuis leur installation au pouvoir il y a 40 ans.
Non contents d’affamer le peuple (au sens littéral du terme), les pasdarans répriment les oppositions avec férocité. Les récents rapports d’Amnesty International sur le massacre de l’été 1988 devraient suffire à ouvrir les yeux des plus fidèles supporters du régime religieux. Durant ce simple été, plus de 30 000 prisonniers politiques ont tout simplement disparu, sans ne plus laisser aucun signe de vie.
Et pour cause… Quelques que furent leurs âges, leurs sexes ou leurs conditions, qu’ils aient ou non déjà purgé leurs peines respectives pour avoir manifesté leur opposition au régime, et partout dans le pays, ces prisonniers furent exécutés et enterrés dans des fosses communes. Fosses communes que le régime cherche aujourd’hui à détruire afin de camoufler un massacre qu’il a pourtant avoué par l’intermédiaire de son ministre de la justice, Mostapha Pourmohammadi, durant la campagne présidentielle de 2017.
Depuis la mise en œuvre de la fatwa de Rouhollah Khomeyni, les familles des disparus n’ont jamais reçu l’autorisation d’obtenir la moindre nouvelle. En Iran, même le deuil est interdit. Comment sont-ils morts ? Où sont-ils enterrés ? Pourquoi ? Pire, celles et ceux qui s’acharneraient trop à poser ces questions subissent encore le même sort aujourd’hui ; interpellation arbitraire, torture, privation de soins médicaux, et parfois exécution. Depuis le 1er janvier 2019, le régime Iranien en est déjà à 34 exécutions, dont 6 en public.
La double-face du régime
Si la liberté n’était pas aussi compromise et si les choses n’étaient pas aussi tragiques, la situation pourrait presque prêter à sourire. En effet, il faut savoir que les dirigeants du régime nomment les membres de la résistance, et plus particulièrement les moudjahidines du peuple ‘monafeghines’. Ce qui peut se traduire par hypocrites, ou plus justement doubles-faces, pour leur traîtrise à la parole de Dieu. Mais au contraire, depuis les jeunesses Mossadeghiennes au milieu des années 60, jusqu’à aujourd’hui, les moudjahidines du peuple n’ont jamais cessé de défendre le même idéal, la même vision égalitaire entre les hommes et les femmes, la même volonté de répartition des pouvoirs, la même envie de vivre enfin dans un pays libéré de la peur.
A l’inverse, les extrémistes autoritaires au pouvoir jouent un tout autre rôle dès lors qu’il faut séduire les capitaux occidentaux. Pile, le châtiment permanent. Face, le sourire élégant. Pile, la haine la guerre et répression. Face, les ressources et le portefeuille d’actions. A se demander qui des moudjahidines ou des mollahs sont réellement les monafeghines…