(Une analyse du journaliste iranien Hamid Enayat)
Des militants civils et politiques iraniens ont décrit la nomination du chef religieux Ebrahim RaÏssi au poste de chef de la justice iranienne, comme un signe de répression imminente et un manque de respect pour l’opinion publique.
La nomination d’un ancien juge chargé d’exécutions de masse à la tête de la justice iranienne reflète la détérioration de la situation des droits de l’homme dans le pays. Les iraniens s’inquiètent de la nomination d’un « auteur de massacre » à la tête de la justice du pays et pensent que c’est là une indication claire sur les projets du régime.
Le religieux islamiste Ebrahim RaÏssi, considéré par beaucoup comme le successeur du Guide suprême, Ali Khamenei, a été nommé juge en chef de l’Iran. RaÏssi était membre de l’une des commissions de la mort notoire qui avait envoyé environ 30 000 prisonniers politiques à la potence en Iran parce qu’ils refusaient de dénoncer leurs opinions politiques et leurs affiliations ou ne s’engageaient pas en faveur de l’idéologie théologique en place. RaÏssi a aussi été sanctionné par l’UE pour violation des droits de l’homme en tant que membre du conseil d’administration qui a condamné à mort des prisonniers politiques en 1988. Il s’agit là d’un acte grave et d’une insulte aux familles et aux proches des milliers de personnes assassinées.
En nommant un auteur de massacre, le régime confirme qu’il n’a que faire des droits de l’homme et qu’il a ainsi mis fin du mythe de la modération au sein du régime iranien.
Par ailleurs du côté de l’establishment politique, près de 200 membres du Parlement iranien, dont des personnalités réformistes, conservatrices et indépendantes, se sont félicités de la nomination de RaÏssi à la magistrature en chef. Le président iranien Hassan Rohani a même félicité M. RaÏssi pour sa nomination, a loué ses « compétences en gestion » et a souligné la confiance de Khamenei dans le nouveau chef du pouvoir judiciaire. RaÏssi était le principal rival de Rohani aux élections présidentielles de 2017.
Rohani avait évoqué le mauvais bilan de RaÏssi au cours des campagnes électorales et avait déclaré: « Le peuple ne votera pas pour ceux dont les seules compétences au cours des 38 dernières années étaient l’exécution et l’emprisonnement. » Il semble que les frères ennemis ne soient plus, ils regardent désormais dans la même direction: fin de la modération et protection de la dictature par la répression.
La nomination de RaÏssi n’est pas le fruit du hasard. Les unités de résistance avec leurs opérations contre les centres de répression et les symboles du pouvoir pour briser l’oppression, ont fait beaucoup de bruit. Dans certains mois de l’an passé, elles ont mené plus de 100 activités et opérations contre la répression. De ce point de vue, Il semble que le régime iranien n’a pas d’issue de secours face au mouvement de protestation national et aux soulèvements qui l’assiège.
Les mollahs ont décidé de durcir le régime en réprimant d’avantage. C’est donc un avertissement sérieux lancé aux forces réclamant du changement démocratique en Iran, indiquant des préparatifs en vue d’une répression contre les manifestations grandissantes. En effet, le mouvement populaire ne faiblit pas depuis fin 2017 bien au contraire, a renforcé la perspective d’un changement démocratique.
Des milliers d’iraniens et surtout la jeunesse et les femmes continuent de manifester régulièrement à Téhéran et dans plusieurs villes de province contre la vie chère, l’inflation et le chômage tout en scandant des slogans politiques contre le pouvoir comme “Mort au dictateur” ou encore “Libérez les prisonniers politiques”. Certains manifestants demandent au pouvoir d’abandonner son soutien à la dictature syrienne ou à d’autres mouvements alliés dans la région pour s’occuper du sort de la population.
Ce mouvement populaire contre la détérioration de la situation politique, économique et sociale en Iran constituent un défi sérieux pour le régime théocratique. Désormais, la réponse du pouvoir à ces mouvements de colère est entre les mains des franges non élues du régime.
Edito signé Hamid Enayat