(Une analyse du chercheur Sidy Moukhtar Touré)
The oil Curse ou encore la malédiction du pétrole traduisant les difficultés économiques, sociaux et l’instabilité politique des pays producteurs de pétrole est presque devenue une adage mais qui ne s’applique principalement qu’aux pays africains. Les derniers développements sur le pétrole du Sénégal viennent la consolider. Par un reportage vidéo, la radio publique anglaise, BBC, a secoué tout le pays. Le scandale révélé est historique, ahurissant, inacceptable et insaisissable pour l’entendement. Sont directement mis en cause le frère du Président, l’actuel ministre de l’intérieur et le Chef de l’État lui-même.
Cette réflexion est orientée vers la responsabilité de ce dernier et les conséquences qui doivent en être tirées. Pour ce faire, examinons avec attention le profil de son Excellence M. Macky Sall pour mieux comprendre les faits affin situer ses responsabilités dans l’affaire du pétrole qui hante le sommeil du régime en place.
Macky Sall est un ingénieur, géologue et géophysicien de formation. Il est diplômé de l’Institut des Sciences de la Terre de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et de l’Institut Français du Pétrole.
Le profil du Président de la République
À la fin de ses études universitaires, le Président Sall poursuit une carrière dans le domaine des mines et hydrocarbures. Il a été tour à tour le patron de la Banque de données de la Société Nationale des Pétrole du Sénégal pendant plusieurs années, puis Chef de service, avant de diriger la même société plus tard. Sous Abdoulaye Wade, il a été propulsé Ministre de l’Énergie, des mines et de l’hydraulique, puis ministre de l’Intérieur, avant d’atterrir à la Primature, qui a été le couronnement de sa carrière politico-professionnelle. En Février 2012, il est élu quatrième Président du Sénégal.
L’analyse du parcours du Président de la République démontre à suffisance ses connaissances, compétences et sa longue expérience dans le domaine des hydrocarbures. On pourrait simplement dire qu’il est un homme du pétrole. Il est le profil qu’il fallait au pays au départ de Wade coïncidant avec la découverte des hydrocarbures. On peut, sans se tromper, assumer que l’homme connaît tout du pétrole pour s’y être trempé pendant de longues années d’abord à la Faculté ensuite dans sa vie professionnelle et politique.
Analysons son profil sous quatre angles : connaissance, compétence technique, gestion et politique.
Le premier angle présente un dossier solide si on considère la formation d’ingénieur. Il est connu de tous que l’entrée aux instituts de formation de pointe comme l’IST est faite par voie de concours. L’objectif de ces types d’écoles milite pour des curriculums qui se concentrent plus sur le savoir pratique appuyé par le travail sur le terrain. Donc en sortant de cette école avec son diplôme d’ingénieur en géologie et géophysique, Macky réunit toutes les conditions pour être présenté comme expert dans le vaste domaine des mines. D’où sa présence dans la société PETROSEN en tant que CHEF de la Banque de données.
Ce premier poste confirme la solidité du profil en tant qu’expert apte à occuper l’emploi. Cette banque de données est la clef de la société nationale du pétrole. Celui qui la maîtrise devient polyvalent dans l’entreprise et peut y prétendre à toutes les responsabilités convoitées. La banque de donnée permet de cerner avec certitude la topographie et la cartographie des richesses du pays sur terre et en mer, comme elle permet de pouvoir les quantifier et d’en mesurer leur qualité. Enfin le passage à la tête de la direction conduit à avoir une main mise sur les documents les plus secrets en matière de ressources naturelles puisque PETROSEN est le pont entre le Ministère des mines et de l’énergie et le Président de la République. Ce même poste est le lieu non pas d’apprentissage de la gestion mais son peaufinement. Celui qui l’occupe doit y sortir avec des compétences solides dans la gestion des ressources matérielles comme humaines. En effet, en tant que directeur général, il est le décideur principal de la société, c’est lui qui a le dernier mot sur la négociation et la signature des contrats et les partenariats au niveau national comme international.
Si ce passage était un échec, Macky n’aurait jamais atterri à la tête du ministère de tutelle de cette même société qui le confirme en même temps parmi les plus éminents membres de son parti politique d’alors. Donc sur le plan managérial aussi, c’est le même constat, nous avons devant nous un dossier solide.
Pareillement pour l’expérience politique du Président qui cumule de longues années de militantisme et de responsable. Là on peut dire même qu’il a brûlé les étapes puisqu’en seulement dix ans, il a gravi tous les échelons du gouvernement. La Présidence de l’Assemblée nationale marqua la fin de son compagnonnage avec Abdoulaye Wade, occasion qu’il avait saisi pour créer sa formation politique qui l’a amenée quatre années plus tard à la présidence.
De la responsabilité du Président.
La responsabilité c’est ce qu’il incombe à un individu de faire sous peine de sanction. Avant de prendre fonction, le Chef de l’État Macky Sall avait juré devant «Dieu et la nation de remplir fidèlement la charge de Président de la République» Cette charge inclut la préservation des intérêts supérieurs de la nation, la sécurité des biens individuels et commun des citoyens et ce en toute matière et circonstance. Alors la responsabilité du Chef de l’État est engagée, des degrés variés, selon exécute lui-même ou fait exécuter une décision. Dans le cas présent, c’est lui le décideur et l’exécutant par la signature de décrets octroyant des licences de pétrole à une société méconnue et sans expérience aucune dans le domaine en faisant fi des lois gouvernant les contrats. Donc ces décisions engagent sa responsabilité directe et entière puisqu’il s’agit de décrets ayant pour objet l’octroi de licence et de contrats pétroliers à une société qui ne remplit aucune condition pour avoir ce privilège.
Avant de venir au conflit d’intérêt dont beaucoup parlent, regardons de près les deux sociétés de Frank Timis. Il s’agit de Petro-Tim Limited et Pétro-Asia Limited. La première, la filiale, «a été créée à Dakar le 19 Janvier 2012» alors que le contrat dont elle est bénéficiaire a été signé deux jours avant, c’est-à-dire le 17 du même moi par Karim Wade. Ce contrat a été octroyé à une société qui n’existait pas encore, donc c’est un contrat sans fondement légal puisque basé sur du faux. Quant à la maison mère, Petro-Asia, elle est simplement plus jeune que sa filiale d’au moins de deux à trois mois. Cette dernière création (le 06 mars 2012) avait pour mobile de prouver que la filiale réunit les conditions requises pour bénéficier du décret d’approbation. Mais au moment de la signature du décret d’approbation, Petro Asia est âgé seulement de 3 mois. Ignorance ou préméditation ? Ce document qui porte la signature de Karim Wade devait alerter Monsieur Macky Sall juste en prêtant attention aux dates. On peut même dire qu’il a été bien informé de la situation, raison pour laquelle l’IGE a été mandaté pour mener une enquête sur le dossier. Aussi, je ne crois pas que la tâche d’un Chef d’État puisse se borner à signer des documents. La maladresse en question ne peut point échapper à la vigilance, de même que la présence du frère du Président au cœur de l’affaire.
Aliou Sall dirige une société qui cherche à acquérir une licence pour la recherche et l’exploitation de pétrole. Suffisant pour que le Président écarte d’office cette société puisque l’éthique écarte une telle pratique, et il ne peut l’ignorer ou feindre ne pas y voir d’inconvénients. Et son frère journaliste devient par la magie de la politique expert-consultant en pétrole, représentant de la filiale qui a eu le marché. Le Président ferme les yeux et signe le décret d’approbation sachant que lorsque Karim Wade avait paraphé le contrat, la société n’existait même pas.
Alors, il faut trouver au bébé Pétro Tim une maman même si elle sera plus âgée que lui. Pétro Asia Limited, appartenant à une seule personne, naquit à Hong Kong pour garantir les prérequis du contrat de départ.
Ces faits réunis confirment que le Président de la République a agi en toute connaissance de cause et contre les intérêts supérieurs de la nation pour lesquels il avait juré de les garantir. C’est de la haute trahison ! Il n’est pas le seul accusé dans ce scandale qui peut en cacher même d’autres d’envergure équivalente ou plus immense.
L’ancien ministre des mines, Aly Ngouille Ndiaye est aussi au même titre que Macky coupable de haute trahison s’il est avéré qu’il est l’auteur du faux rapport de présentation. Et la chaîne de responsabilité pourrait s’élargir à M. Abdoul Mbaye et Mouhamed B. Abdoulah Dionne, deux anciens premiers ministres pour avoir contresigné les décrets s’ils l’ont fait en connaissance de cause. Et plus loin, il pourrait y avoir des coupables au niveau de PETROSEN et au sein de la haute administration.
De la haute trahison
La haute trahison est évoquée lorsqu’une personne, investie de pouvoir et de la confiance populaire, agit à l’encontre des intérêts du peuple, en toute connaissance de cause, pour préserver des gains pécuniaires, promotionnels ou des avantages d’autres natures pour lui-même, sa famille ou ses amis et collaborateurs. Elle est sanctionnée par la destitution lorsqu’il s’agit d’un Président de la République et par la traduction de ce dernier devant une haute cour de justice. Le ou les décrets signés par Monsieur Macky Sall pour le compte de Petro Tim Limited et en toute connaissance de cause, constituent un acte de haute trahison. Le Président ne peut être ni berné ni se tromper vu son respectable parcours dans le domaine concerné.
Aujourd’hui le parlement Sénégalais a les éléments qu’il faut pour enclencher une telle procédure de destitution du Président et si nous dans une vraie démocratie ce serait chose déjà faite.
À défaut de voir le parlement aller dans ce sens, le peuple peut décider de prendre son destin en main et demander le départ du Chef de l’État. Cela passe nécessairement par une pression forte du peuple et permanente de la rue. C’est ce qu’on commence à voir avec la plateforme Aar Linu bokk. Les actions de rue sont légitimes vu la gravité des faits et le traitement politicien par lequel le régime tente de l’étouffer. Ajouter à cela, une majorité parlementaire sans utilité publique et une justice désavouée par le peuple qu’elle est censée servir.
Aujourd’hui il urge aux peuples africains en général et aux Sénégalais en particulier d’être plus regardant sur la manière dont leur pays sont gérés. La malédiction du pétrole dont on parle n’est une réalité qu’en Afrique et nulle part ailleurs. Je crois plus à une malédiction des dirigeants qui n’hésitent point de se pilier ou de trahir pour des gains personnels. Ces dirigeants sont le mal du continent qui le ronge de manière profonde et continue. L’Afrique ne doit et ne peut être à la fois la terre la plus riche et la plus pauvre du monde.
Au peuple Sénégalais de doit montrer l’exemple en exigeant le départ de l’actuel chef de l’État et en annulant tous les contrats miniers, anciens comme nouveaux, pour que tout le monde puisse en bénéficier et que justice soit équitablement rendue avant qu’Américains et ou Anglais ne le fassent à notre place.
Au-delà de ce scandale, le pays doit résoudre le problème de la justice partisane et politique, j’y reviendrai plus tard.
Sidy Moukhtar TOURÉ, USA.