(Par Kareem Salem)
Sous François Hollande, l’Élysée avait entretenu des relations étroites avec l’Égypte notamment après l’ascension au pouvoir du maréchal Sissi. En effet, l’ancien président de la République avait estimé que le positionnement géographique de l’Égypte (situé au cœur d’une région fragmentée par les tensions politiques et sécuritaires) que Le Caire serait un allié clé dans la lutte contre le terrorisme, l’extrémisme et l’islam politique.
Les tensions politiques et sécuritaires en Libye et dans la zone irako-syrienne avaient donné l’intention à l’ancien président de la République de renforcer la coopération économique dans les ventes d’armes à un allié proche de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis ; premier et deuxième partenaire commercial de la France dans le Golfe et contre les frères musulmans.
Le renforcement des relations bilatérales avec l’Égypte avait permis aux entreprises d’armements françaises de faire des bénéfices conséquents notamment pour Dassault Aviation et Naval Group. En effet, en 2015, Dassault Aviation avait vendu 24 avions militaires Rafale pour un prix de 5,2 milliards d’euros, alors que Naval Group avait vendu deux navires de guerre Mistral pour 950 millions d’euros (Focraud 2018 ; Le Journal du Dimanche 2016).
De plus, les bonnes relations entre l’ancien président Hollande et Sissi ont permis à des conglomérats français de remporter de très gros contrats. En 2016, Vinci et Bouygues avaient décroché un contrat de 1 milliard d’euros pour le métro du Caire (Jeune Afrique 2016)
Avec l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée en 2017, il convient d’examiner si les relations entre la France et l’Égypte restent prospères.
L’Élysée continue de considérer le président Sissi comme un allié important dans la stabilité du monde arabe.
Sous le président Macron, la France poursuit la ligne politique de l’ancien président Hollande en voyant le président Sissi comme un allié essentiel dans la lutte contre l’islam politique des Frères musulmans et dans la lutte contre le djihadisme menée par l’organisation État Islamique (EI) dans le Sinaï et en Libye. En effet, depuis la destitution du président égyptien Morsi en juillet 2013, le Sinaï constitue une préoccupation majeure pour les autorités égyptiennes en raison des opérations qu’y mène l’organisation Wilayat Sinaï (Province du Sinaï, anciennement Ansar Beit al-Maqdis), affiliée depuis 2014 à l’organisation EI (Saïd, El-Din et Hamama 2017).
Dans le même temps en Libye, l’Égypte d’al-Sissi soutient Khalifa Haftar dans sa lutte contre le terrorisme et dans son intention de prendre le pouvoir au détriment de Fayez el-Sarraj chef du gouvernement libyen d’union nationale, reconnu par la communauté internationale. Le Caire apporte des armes et du matériel aux forces de Haftar (Medawar 2018). Ceci est en raccord avec la politique que mène secrètement l’Élysée en Libye qui apporte à Khalifa Haftar un soutien logistique et matériel dans sa lutte contre les islamistes (Liabot 2019). En effet, des forces de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE), apportent un soutien de renseignement aux opérations anti-djihadistes menées par Haftar (Guibert, Bobin et Semo 2019).
Dans le contexte des tensions actuelles, le président Macron souhaite continuer à apporter au président Sissi un soutien militaire dans sa lutte contre le terrorisme en Égypte et dans la région. En effet, durant sa visite au Caire en janvier dernier, le président Macron a défendu les contrats d’armements entre la France et l’Égypte (Cabirol 2019). L’Élysée continue de considérer qu’il est hors de question d’offenser la susceptibilité d’Al-Sissi, que le président égyptien utilise les armes françaises pour commettre des violations graves de droits humains, étant que ces ventes rapportent des milliards d’euros pour le complexe militaro-industriel français (Attaf 2019 ; Houry et Jeannerod 2019).
De même, le renforcement des relations avec l’Égypte s’inscrit également dans la volonté de l’Élysée de renforcer la participation de la France dans le développement économique du pays. En effet, l’Élysée avait confirmé après la visite du président Macron en Égypte en janvier dernier, la signature d’une trentaine de protocoles d’accords et de contrats commerciaux pour l’aide au développement, l’entrepreneuriat féminin ou encore la poursuite de la construction du métro cairote (Le Bras 2019).
RATP Dev, filiale du groupe RATP, avait par exemple signé un accord de plus de 600 millions d’euros pour l’exploitation et la maintenance de la ligne 3 du métro du Caire (Lachkar 2019). L’Agence française pour le Développement (AFD) va accompagner la transition énergétique en Égypte en modernisant la gouvernance du secteur de l’électricité et du gaz (Lachkar 2019). À travers ces mesures, il est clair que l’Élysée s’efforce de renforcer la présence des industries et d’investissements français en dehors du pré carré français de l’Afrique francophone.
L’influence chinoise en Égypte.
La Chine, sous la présidence de Xi Jinping veut renforcer les sphères d’influence de Pékin dans les pays en développement en renforçant l’investissement chinois dans ces pays. Pékin veut également renforcer l’influence de la Chine dans les pays en développement par le biais d’initiatives multilatérales chinoises, y compris l’initiative des routes de la Soie.
En intégrant l’initiative des routes de la Soie en 2014, les projets d’investissement chinois en Égypte se sont accentués considérablement. Les investissements chinois en Égypte se réalisent surtout dans les domaines de la construction d’infrastructures (Valter 2017). Les entreprises chinoises sont très présentes dans la construction de la nouvelle capitale égyptienne dans laquelle elles travaillent également sur la construction d’un réseau ferré qui reliera Le Caire et la nouvelle capitale (Le Belzic 2019).
De même, Pékin souhaite construire une zone économique spéciale autour du canal de Suez afin de faciliter l’exportation de ses marchandises via le canal de Suez et les importations de pétrole et de gaz naturel (Le Belzic 2019). Le défi est donc de taille pour le président Macron. Avec le renforcement continu de l’investissement chinois (la Chine deuxième puissance économique mondiale) en Égypte, il ne sera donc pas facile pour l’Élysée de consolider et de renforcer les investissements français dans le pays.