La lune de miel est définitivement terminée. Les relations entre Emmanuel Macron et Donald Trump ne sont plus au beau fixe depuis un bon moment. Nous le savions tous. Mais, cette fois-ci, c’est terminé. Et c’est sur le terrain économique, très cher à Trump et à Macron, que la guerre entre deux ex amis a été déclenchée.
En effet, tout a commencé ce 11 juillet lorsque le Sénat français avait définitivement adopté la fameuse taxe GAFA, faisant de la France l’un des premiers pays à imposer le chiffre d’affaires des géants numériques à hauteur de 3%. Cette taxe, qui devrait rapporter à la France 440 millions d’euros en 2019 et 650 millions d’euros en 2020, s’applique donc aux superpuissants géants technologiques américains dits GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple).
Dès l’adoption définitive de cette loi le 11 juillet, les Etats-Unis avaient immédiatement réagi, annonçant qu’ils allaient, de leur part, utiliser le fameux 301 Investigation (cet outil utilisé par Trump pour imposer des taxes douanières à la Chine) afin de vérifier si cette taxe GAFA allait porter préjudice aux géants américains de la technologie.
Déjà, le seul fait que les Etats-Unis activent le 301 Investigation, pour la première fois dans l’Histoire des relations entre les deux pays, était le signe précurseur d’une guerre fratricide à laquelle nous serions témoins. Cette guerre entre les deux présidents a hélas officiellement commencé ce vendredi après un twitte insultant de Trump contre Macron.
« La France vient de mettre en place une taxe pour nos grands géants de la technologie. S’il doit y avoir un pays qui les taxe, cela devrait être leur pays d’origine, les Etats-Unis. Nous annoncerons une action réciproque substantielle face à cette stupidité de Macron. J’ai toujours dit que le vin américain est meilleur que le vin français », a twitté Donald Trump.
Pour le moment, Macron s’est bien gardé de réagir préférant ne pas verser de l’huile sur le feu. Le président français veut surtout prendre de la hauteur face à un président américain qui applique un protectionnisme d’une rare violence depuis son arrivée à la tête des Etats-Unis. Cependant, son ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, n’entend pas se contenter d’encaisser les coups.
En effet, réagissant au twitte de Trump, Bruno Le Maire a déclaré vendredi : « la taxation universelle des activités digitales est un défi qui nous concerne tous. Nous souhaitons parvenir à un accord sur ce sujet dans le cadre du G7 et de l’OCDE. En attendant, la France mettra en œuvre ses décisions nationales ».
Nous venons d’assister à une véritable rupture des relations entre deux présidents qui s’étaient pourtant engagés à changer le monde. Du côté de Macron, la déception doit être profonde. En effet, n’oublions pas que Trump fut l’invité d’honneur de la France lors de la première fête nationale sous Macron, le 14 juillet 2017.
A cette date, le message du président français était très clair : tendre la main aux Etats-Unis pour raffermir des liens de plus de deux siècles et apporter des solutions concrètes aux problèmes auxquels le monde est confronté : la guerre en Syrie, en Irak, le terrorisme, la crise économique, la menace russe, l’environnement…
Mais, Macron s’est très vite rendu compte qu’il s’était trompé d’allié, que le locataire de la Maison Blanche n’avait aucune intention de marcher main dans la main avec une France que l’Amérique de Bush avait traitée en 2003 de « vieille Europe ». Pour Trump, il n’y a que les intérêts des Etats-Unis qui comptent, peu importe ce qu’en pensent ses détracteurs. D’ailleurs son slogan « America First » explique tout.
En 2017 et 2018, Trump assène deux coups durs à Macron. Le premier fut le retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris le 1er Juin 2017. Expliquant le retrait de son pays d’un accord historique, Trump dénonçait un accord pas avantageux pour son pays mais par contre très bénéfique pour d’autres.
Le 8 mai 2018, il annonce le retrait des Etats-Unis de l’accord nucléaire obtenu au forceps en 2015 entre les Etats-Unis, l’Iran et 5 autres puissances internationales. Parlant de l’accord nucléaire, Trump estime qu’il ne fait que donner à l’Iran l’opportunité de relancer son programme d’enrichissement de l’uranium avec l’unique objectif d’en arriver à une bombe nucléaire.
En 2018, Trump n’avait pas non plus apprécié l’idée de Macron sur la création d’une armée européenne pour se protéger des Etats-Unis, de la Chine et de la Russie. « Le président Macron vient de suggérer que l’Europe crée sa propre armée afin de se protéger des Etats-Unis, la Chine et la Russie. Très insultant, mais peut-être que l’Europe devrait d’abord payer sa juste part à l’OTAN que les Etats-Unis financent largement », s’indignait Trump en novembre 2018 lors de sa participation en France à la commémoration du centenaire de la fin de la première guerre mondiale.
Le dernier détail à souligner est le désaccord profond entre les deux chefs d’Etat sur les termes utilisés pour dérouler leurs visions du monde. En effet, quand Macron dit que le nationalisme était une trahison du patriotisme, aux Etats-Unis, cette définition ne peut être acceptée par Trump et son administration. « Vous savez ce que je suis ? Je suis un nationaliste », lançait d’ailleurs Trump lors d’un meeting.
A partir de là, les relations entre les deux présidents sont au point mort. Ce qu’il faut surtout comprendre dans la fin de cette lune de miel entre le président français et américain est l’opposition de deux visions du monde. Une (macronienne) inclusive, plus large qui consiste à impliquer tous les acteurs pour faire face aux défis qui sont devant nous et une autre (trumpiste) qui consiste à toujours mettre l’Amérique en avant au détriment des autres nations.
En conséquence, il n’y avait aucune chance que ces deux visions puissent cohabiter longtemps en dépit des énormes tentatives de Macron. Et le fait qu’elles (les deux visions) soient entrées en collision est tout à fait dans l’ordre des choses. Désormais, à quoi faut-il s’attendre ? A une éventuelle normalisation des relations entre les deux pays ou à une radicalisation des positions des deux côtés ? La seconde hypothèse me semble plus probable.
En tout cas, pour celles et ceux qui souhaitaient assister à un véritable rapprochement entre les Etats-Unis et la France, il faudra malheureusement attendre encore quelques années, lorsque Donald Trump cessera d’être président de la première puissance économique du monde.