Pedro Sanchez a raté son coup. A deux semaines d’une élection cruciale pour l’Espagne, le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, a obtenu au forceps l’exhumation du dictateur Franco, 44 ans après sa mort. Le dictateur a été déterré ce jeudi 24 octobre de son mausolée situé au Valle de Los Caidos pour être transféré au cimetière de Mungorrubio où il reposera désormais.
L’opération, annoncée le 24 septembre dernier suite à l’approbation du Tribunal Suprême, avait suscité l’immense joie du premier ministre espagnol qui, depuis les Nations-Unies, s’était félicité que son pays ait « clôturé un cycle démocratique ». « C’est une grande victoire de la démocratie espagnole », avait-il déclaré le 24 septembre dans un discours prononcé à l’ONU.
Un mois plus tard, jour pour jour, l’opération a eu lieu, sans aucun incident. En effet, ce jeudi, la tombe du dictateur a pu être transportée en hélicoptère vers sa dernière demeure située au cimetière de Mongurrubio. Néanmoins, si du côté du gouvernement espagnol, on se félicite d’une décision d’une importance primordiale dans une Espagne en pleine crise territoriale et idéologique, pour d’autres, l’objectif de cette opération a été purement politique.
Ce jeudi, les trois partis de l’opposition de droite ont sévèrement condamné une décision politique qui, selon eux, a été utilisée par le gouvernement de gauche à des fins électoralistes. « L’Espagne détient le taux de chômage le plus élevé de l’Europe, fait face à un défi séparatiste qui embrase les villes de la Catalogne, elle est le deuxième pays à détenir le taux de natalité le plus bas de l’UE et les caisses de retraites les plus vides. La priorité ne devrait pas être les ossements d’un dictateur mort il y a 44 ans », a réagi Albert Rivera, leader du parti libéral Ciudadanos.
Pour sa part, Pablo Casado, chef de file du Parti Populaire, a rappelé une fameuse phrase de l’Historien Santos Julia, décédé ce 23 octobre 2019 qui disait : « le passé est derrière nous et que même si nous avons l’obligation de le connaître, nous ne pouvons pas nous enchevêtrer dans ses filets parce qu’aujourd’hui n’est pas hier ». Pour le chef du Parti Populaire, l’enjeu des prochaines élections est l’avenir de l’Espagne et non pas son passé.
Cependant, les attaques les plus dures contre le premier ministre espagnol proviennent de l’extrême-droite, VOX, un parti qualifié par certains de Franquiste. « Sanchez va au-delà de la télé-poubelle avec son show électoral et nécrophage. Le charognard de la Moncloa a entamé une campagne de haine. Le gouvernement devrait se faire la même photo que se firent ses bien-aimées milices. Les morts, on les respecte, qu’ils s’appellent Franco ou La Pasionaria », a-t-il commenté sur twitter ajoutant dans son message une photo de la Guerre d’Espagne.
La stratégie du gouvernement socialiste en pleine crise en Catalogne a été sans aucun doute de calmer les tensions des deux côtés, d’une part chez les droitistes qui ont judiciarisé le conflit catalan exigeant l’emprisonnement des leaders séparatistes et de l’autre, les indépendantistes catalans qui, ces dernières années, n’ont cessé de s’attaquer aux institutions espagnoles qu’ils qualifient parfois injustement de franquistes.
Il est intéressant de faire remarquer que la droite espagnole n’a pas été la seule à voir dans l’opération de ce jeudi une manœuvre électoraliste. Les séparatistes aussi. En effet, ce jeudi, les mouvements séparatistes radicaux ANC, Omnium Cultural, CUP se sont tout attaqués à la manœuvre politicienne d’un chef de gouvernement qui est certes placé favori pour les élections du 10 novembre prochain mais qui risque de se retrouver avec moins de députés (117) par rapport aux élections du 28 avril 2019 où il en avait obtenu 123.
La situation est alors de plus en plus compliquée le gouvernement socialiste qui a été très fragilisé par le verdict livré le 14 octobre dernier par le Tribunal Suprême espagnol condamnant les dirigeants indépendantistes à des peines de prison allant de 9 à 13 ans. La réaction du gouvernement face aux violences qui ont secoué la Catalogne dans les heures qui ont suivi et son voyage tardif à Barcelone ont été autant de failles exploitées par l’opposition de droite qui, dans les sondages, s’en sort plutôt bien.
Je souligne que le Parti Populaire qui avait connu une débâcle lors des élections d’avril dernier est en train de retomber sur ses pattes et pourrait même obtenir 100 députés et, pour sa part, le parti d’extrême-droite VOX pourrait devenir la troisième force politique du pays, supplantant pour la première fois Ciudadanos, dont le discours radical et ses pactes avec VOX pour gouverner l’Andalousie et la mairie de Madrid ont fini par écœurer ses militants centristes, dont Manuel Valls qui a claqué la porte récemment.
L’objectif de Pedro Sanchez était certes de réconcilier un pays meurtri et hanté par une guerre idéologique qui ne l’a toujours pas abandonné et de calmer un séparatisme dont les agissements, ces dernières années, ont représenté une véritable menace pour l’Etat espagnol. Pedro Sanchez n’a obtenu ni réconciliation nationale, ni l’apaisement de la tension en Catalogne. Il va désormais falloir qu’il se focalise sur les élections à venir. D’ici là, la moindre erreur politique pourrait lui coûter très cher.