Une autre occasion gâchée. Accusé de n’avoir pas souhaité un joyeux Noël aux Français, Emmanuel Macron avait une ultime occasion, ce 31 décembre, de se réconcilier avec le peuple lors de son discours de Nouvel An qui intervient dans un contexte politique extrêmement sévère marqué par une grève générale qui paralyse le pays.
La réforme des retraites. Tel est le sujet sur lequel la quasi-totalité des Français l’attendaient ce mardi soir. Le sujet n’a pas été esquivé. Mais, le président a raté une précieuse occasion d’apaiser les tensions sur une réforme qui suscite moult réactions et qui divise profondément la France.
« La réforme des retraites à laquelle je me suis engagé devant vous et qui est portée par le gouvernement sera menée à son terme parce qu’il s’agit d’un projet de justice et de progrès social. Un projet de justice et de progrès social parce qu’il assure l’universalité, (…) parce qu’il se traduit par plus d’équité », a-t-il déclaré dans son discours.
Il est tout de même intéressant de revenir sur la phrase ayant précédé celle qui vient d’être citée dans laquelle Emmanuel Macron dit ceci : « nous n’avons pas le droit de céder à cette fatalité. C’est l’inverse qui doit se produire. (…) Je mesure combien les décisions prises peuvent parfois heurter, susciter des craintes et des oppositions. Faut-il pour autant renoncer à changer notre pays et notre quotidien ? Non. Car ce serait abandonner ce que le système a déjà abandonné, ce serait trahir nos enfants, nos enfants après eux qui, alors, auraient à payer le prix de nos renoncements ».
Si humaniste soit-il, le discours de Macron ne colle pas à la réalité actuelle. Car si le projet de réforme des retraites qui lui est si cher a pour but de garantir l’égalité entre Français, la réalité du moment nous dit que plus de 50% des Français s’y opposent. Et chez les jeunes, le rejet est presque massif.
Dans son discours, Macron exige du gouvernement Philippe « qu’il trouve la voix d’un compromis rapide ». Mais, dans ce cas, pourquoi affirmer quelques minutes plutôt que la réforme « sera menée à son terme ? ». En effet, on peut interpréter la phrase « mener la réforme à son terme » de deux façons différentes : soit l’Exécutif oblige les Français à accepter une réforme à laquelle ils s’opposent fermement et ce serait la porte ouverte à l’affrontement que Macron dit vouloir éviter dans son discours ou « mener la réforme à son terme » équivaut à s’asseoir autour d’une table et négocier le maintien ou non d’une réforme mort-née. Et dans ce deuxième cas de figure, Macron ne devrait pas renoncer à l’enterrer si le peuple s’y oppose.
Macron dira : « j’entends sur ce sujet si important qui tient au cœur même de l’identité française les peurs, les angoisses qui se font jour. J’entends aussi beaucoup de mensonges et de manipulations. L’apaisement toujours doit primer sur l’affrontement. Apaiser ne veut pas dire renoncer mais nous respecter dans nos désaccords ».
Nous sommes tous d’avis que l’affrontement doit être évité à tout prix. Mais, après avoir écouté le discours de Macron, il est difficile de considérer que le président de la République, dans un contexte social aussi tendu, tente véritablement d’éviter cet affrontement. Car dans ce discours, il apparaît clairement que l’Exécutif a un agenda et veut le mettre en place par A ou par B.
« Je ne céderai rien au pessimisme ou à l’immobilisme », « nous n’avons pas le droit de céder à cette fatalité ». Telles sont les phrases qui ont le plus suscité inquiétude chez les Français car ce que Macron n’a toujours pas compris est que l’exercice du pouvoir n’est pas un rapport de force. C’est aussi écouter le peuple qui vous a élu. Et dans ce cas, céder à une réforme qui ne va pas au peuple n’est pas une défaite politique mais plutôt une sage décision qui permettrait d’éviter, coûte que coûte, l’affrontement qui serait un désastre.
Emmanuel Macron a beau être un président intelligent, courageux et déterminé à mener ses réformes à leur terme. Mais, il n’a pas encore appris à se réconcilier avec le peuple en cédant sur des décisions jugées impopulaires. L’autorité est nécessaire, voire obligatoire pour diriger. Cependant, trop d’autorité n’a jamais apporté, nulle part, des solutions à des crises politiques qui divisent davantage tout un peuple.
Ce discours de Nouvel An aurait dû servir à calmer les tensions. Macron aurait dû le saisir pour tendre la main à un peuple qui ne se retrouve pas encore dans ses réformes. Il aurait dû servir à redonner une lueur d’espoir à une France qui semble ne plus en avoir. Macron, en imposant et en refusant de céder, a tout foutu en l’air. Il a réussi, malgré lui, à attiser une tension sociale dont les conséquences risquent d’être calamiteuses. La réconciliation a été sacrifiée.