Le Mali est dos au mur. Ce pays d’Afrique de l’Ouest, qui a glissé dans le chaos depuis 2012, date à laquelle l’ancien président du pays, Amadou Toumani Touré, avait fui le pays pour s’exiler vers le Sénégal, est en train de vivre les heures les plus sombres de son Histoire à la suite des récentes manifestations violentes qui ont secoué le pays mi-juillet.
Je n’entrerai pas dans les détails de ce conflit qui est devenu clairement international. Et je m’explique. En effet, la guerre au Mali a commencé en 2013, date à laquelle François Hollande, ancien président de la France, avait déployé des soldats dans ce pays pour juguler l’avancée des islamistes vers Bamako, la capitale.
Il n’y a aucun doute que sans cette intervention militaire française, le Mali tout entier allait aujourd’hui tomber dans les mains de l’islamisme radical qui a déjà fait des ravages dans le Nord du pays peu avant le déploiement de soldats français qui ont été reçus avec tous les honneurs par une population locale qui était à bout.
L’acclamation à laquelle les soldats français ont eu droit et les scènes de liesse populaire notées dans le pays à l’arrivée de ces derniers n’ont laissé personne indifférent. J’ignore comment l’arrivée des soldats français a été interprétée par les Maliens. Cependant, il est clair que le pays dans son ensemble a été humilié lorsqu’il a accepté de faire appel à l’ancienne puissance coloniale pour résoudre un problème qui se déroule dans son territoire.
Depuis, la situation ne s’est guère améliorée. Le Nord reste presque totalement séparé du Sud. Quelques poches de résistance islamiste pourrissent la vie aux populations locales prises pour cibles et l’influence de la guerre en Libye rend cette partie du Mali complètement ingérable et incontrôlable par l’Etat central malien.
Certains ont vu dans le déploiement de soldats français au Mali une volonté claire de Paris de contrôler une zone riche en ressources naturelles. Cet argument est extrêmement pertinent. Néanmoins, sans preuves probantes et convaincantes, difficile de s’y pencher davantage.
En tout cas, ce qui est sûr et certain, c’est que nous assistons aux heures les plus sombres de cette crise malienne. Et tout peut basculer si les deux camps adverses continuent de s’entêter dans des positions radicales qui, tôt ou tard, finiront par asséner le dernier coup de poignard à l’un des premiers pays au monde à avoir mis en place la Charte de Mandé (l’une des premières Constitutions au monde) dès le 12ème siècle.
La crise actuelle que traverse le Mali nous plonge dans une réalité incontestable : le Mali n’est pas un pays de merde, mais ses dirigeants le sont sans aucun doute. Et je m’explique. Depuis 2013, la corruption a gagné du terrain, le népotisme fait sa loi et le laxisme des dirigeants face à la situation dans le Nord du pays est sans précédent.
La situation est d’autant plus complexe que le pays est aujourd’hui entre les mains d’un président technocrate qui a quitté le Mali pour poursuivre ses études en France à l’âge de 13 ans. Ce serait exagéré de dire qu’IBK (Ibrahim Boubakar Koulibaly) ne connaît pas les réalités d’un pays où il a été nommé premier ministre dès 1993.
Toutefois, la réalité est que sa gestion du pouvoir basée sur le tâtonnement, la dilapidation des deniers publics et l’enfumage, donne l’image d’une marionnette choisie par l’Occident pour perpétuer une politique coloniale dont l’objectif final est de mettre la main sur les ressources naturelles du pays.
Ce constat amer est à l’origine de la naissance du M5-RFP (Mouvement du 5 juin-Rassemblement des Forces Patriotiques) dont l’autorité morale n’est autre que l’Imam Mahmoud Dicko. Lorsqu’une crise d’une telle ampleur intervient dans un contexte où de plus de plus de jeunes africains, notamment Maliens, réclament la fin définitive du néo-colonialisme incarné selon eux par la France, il est évident que trouver une solution à ce problème devient un véritable parcours de combattant.
Mais, l’erreur monumentale que ce mouvement est en train de commettre est d’avoir permis l’arrivée d’une délégation de la CEDEAO sur son sol. Avec cette ingérence étrangère, nous assistons sans nul doute à la « Libysation » du Mali, si vous me permettez l’expression.
Je dois souligner que le propre d’un Etat, de surcroît qui se veut souverain, est d’éviter à tout prix les ingérences étrangères dans ses affaires internes. C’est hélas ce qui vient de se passer ces derniers jours au Mali avec l’entrée en jeu de dirigeants africains totalement sous la botte des Etats occidentaux. Ils n’ont aucune solution à apporter au Mali. D’ailleurs, les six recommandations qu’ils ont mises sur la table le confirment.
En effet, ils réclament entre autres « la démission immédiate des 31 députés dont l’élection est contestée », « une recomposition de la Cour suprême », la « mise en place d’un gouvernement d’union nationale »…entre autres. Ils finissent par proférer des menaces à l’endroit du M5-RFP. « La mise en place par la CEDEAO d’un régime de sanctions contre ceux qui poseront des actes contraires au processus de normalisation de cette crise, étant entendu que l’ensemble des décisions et mesures ci-dessus devront être mises en œuvre au plus tard le 31 juillet 2020 », concluent-ils.
Ces représentants de la CEDEAO, sous prétexte d’éteindre le feu allumé par leur homologue IBK, sont en train de jeter de l’huile sur le feu, en outrepassant clairement leur prérogative de médiateurs pour s’ériger en gendarme dans une crise, qui certes les concerne, mais qui se déroule dans un territoire qui n’est pas le leur.
La violente contestation populaire au Mali confirme que le président actuel a totalement échoué dans sa mission de redresser ce pays car étant totalement dépassé par les événements actuels. Mais, les patriotes maliens qui pensent détenir un remède miracle contre le mal ont aussi échoué lorsqu’ils ont accepté que des agents étrangers (probablement mandatés par l’Occident) viennent dicter leur loi à un peuple qui aspire à sa souveraineté.
L’erreur commise à la fois par IBK et l’opposition a donc été de laisser la gestion de la crise à des puissances étrangères régionales ou internationales. Car, ce à quoi cela mène est un enlisement de la situation où les mêmes puissances, afin d’asseoir leur hégémonie, seront obligés de diviser le peuple pour mieux régner.
C’est ce qui en train de se passer en Libye où plus de 5 puissances étrangères sont présentes sur le terrain et imposent une feuille de route à des autorités politiques investies par leur propre peuple. Certaines d’entre elles sont allées jusqu’à soutenir un seigneur de guerre qui reçoit des millions de dollars pour faire tomber le gouvernement reconnu par l’ONU avec l’unique objectif qui est celui de transférer les mannes du pétrole aux puissances qui l’ont installé au pouvoir.
Le Mali et les Maliens doivent être à la hauteur de la crise. La résolution du problème est simple : renvoyer chez eux tous ces soi-disant médiateurs et se mettre autour d’une table de négociation. La solution finale ne peut provenir que du peuple malien mais en aucun cas des forces étrangères régionales qui, de surcroît, ne sont pas une référence en matière de politique intérieure.
Plus les agents étrangers se pullulent au Mali, plus les risques d’un enlisement se multiplient. Et ce scénario ne fera que plonger le pays, déjà très affaibli par 8 années de guerre contre djihadisme, dans un chaos permanent dont il ne sortira jamais. En d’autres termes, le Mali deviendra, à son tour, la Libye de l’Afrique de l’Ouest.