Bloquer toute contestation populaire contre le pouvoir et s’assurer que ses réformes, aussi impopulaires soient-elles, soient menées en douceur, c’est exactement l »explication qui se cache derrière la décision du président français d’interdire les manifestations de plus de 5 000 personnes jusqu’au 30 octobre.
L’annonce de cette décision a été faite ce mardi par Jean Castex, Premier ministre, lors d’un déplacement au CHU de Montpellier. Mais, derrière l’homme fort de Matignon, il y a le Président de la République qui craint une rentrée infernale qui pourrait l’affaiblir considérablement au moment où il mise tout sur sa réélection pour 2022.
La décision est donc prise. Plus de manifs de plus de 5 000 personnes sur toute l’étendue du territoire français jusqu’au 30 octobre, comme l’a annoncé le Premier ministre. Et tout citoyen qui enfreint cette règle devra faire l’objet d’une amende et éventuellement être poursuivi par la justice.
La décision prise par le gouvernement a immédiatement suscité une véritable polémique sur les réseaux sociaux où beaucoup l’ont interprétée comme une mesure liberticide. Je dois rappeler que ce n’est pas nouveau. Car en mars dernier, dans le cadre de l’Etat d’urgent sanitaire, les libertés individuelles avaient été totalement réduites avec l’interdiction de toute manifestation sur le territoire.
La mesure prise par Emmanuel Macron et annoncée par Jean Castex ce mardi à Montpellier ne devrait surprendre personne. En effet, le 12 juin dernier, France Info avait révélé que le gouvernement avait bien l’intention de lever l’état d’urgence sanitaire (qui interdisait ces manifestations) mais avait tout de même la volonté de maintenir l’interdiction des manifestations jusqu’au mois de novembre. La révélation semble avoir été confirmée car le gouvernement vient d’annoncer sa décision de maintenir la colère des Français à la maison jusqu’à au moins 60 jours.
Parmi les nombreuses raisons avancées par Castex, il y a le risque d’une seconde vague. En effet, le pays fait face à un rebond de cas et les risques sont bel et bien présents. D’ailleurs, ces dernières heures, la France a enregistré 1 397 cas en 24 heures et 14 nouveaux décès.
Mais, ce qu’il faut surtout souligner est que le risque d’une seconde vague est une bénédiction pour Emmanuel Macron. Tout comme il l’a été pour le parti Démocrate aux Etats-Unis lorsque des maires démocrates en avaient profité pour exiger le confinement total de grandes villes américaines avec l’objectif de provoquer un effondrement de l’économie américaine afin de nuire à Trump. Pourtant, ces mêmes maires ont très fortement encouragé les manifestations des activistes du mouvement Black Lives Matter qui, à la suite du meurtre de George Floyd, ont arpenté les rues des grandes villes nord-américaines sans masques pour beaucoup d’entre eux ni geste barrière.
En France, le scénario est certes assez différent. Mais, dans la volonté du gouvernement d’interdire le rassemblement de toute manifestation dépassant 5 000 personnes, il y a évidemment une tentative de verrouiller le pays tout entier et éviter qu’il ne s’embrase à la rentrée.
Il faut comprendre une chose : Macron a les yeux rivés sur 2022, d’autant plus qu’il n’a plus d’opposants redoutables en face de lui. Le Rassemblement National qui pourrait l’affronter au second tour de la présidentielle de 2022 est fortement affaibli et vit une crise endogène depuis plusieurs mois, la France Insoumise a été très affaiblie par son mauvais score enregistré lors des élections européennes, le parti Les Républicains est devenu l’annexe de la Macronie et le PS est à l’agonie.
Face à une telle situation, seule une contestation populaire pourrait représenter une véritable menace pour le pouvoir qui enchaîne les maladresses depuis deux ans et qui s’est mis une grande partie de la population à dos. Pour en avoir une idée, il suffit de se baser sur les adhésions à LREM qui passe de 418 000 à 20 000 en 3 ans, ce qui représente une perte de 95% de militants pour le parti présidentiel.
La situation est catastrophique. Et la gestion de la pandémie par le pouvoir a été un véritable flop. Macron en est parfaitement conscient. Mais, sans opposant solide face à lui, il a les coudées franches pour continuer à mener en douceur ses réformes impopulaires, dont la réforme des retraites qui, malgré le fort rejet, va être reconduite très prochainement.
Macron veut contrôler le pays tout entier, éviter à tout prix qu’une révolte venue de la rue lui gâche le rêve de briguer un second mandat (qu’il peut bien décrocher compte tenu de l’état actuel de la classe politique française). En prenant la mesure de restreindre les manifs de plus de 5 000 personnes jusqu’au 30 octobre, il assène non seulement un coup dur à un droit fondamental garanti par la Constitution, mais au peuple français dans son ensemble.
Il en est conscient. Mais, si une telle décision peut lui sauver son mandat, pourquoi pas? Le projet est clair : d’ici 2022, aucune contestation populaire ne sera autorisée.