(Edito)
Emmanuel Macron a enfin trouvé une immense opportunité pour détourner l’attention des Français sur les vrais problèmes qui les préoccupent en dévoilant, ce 2 octobre, son projet de lutte contre ce qu’il appelle « le séparatisme islamiste ». L’expression est assez forte, les mots font peur, mais il faut juste comprendre qu’on est dans une véritable stratégie de communication dont le but final est de noyer le poisson afin de ne surtout pas avoir à rendre des comptes sur la crise économique que traverse la France.
Quand ce discours intervient une semaine après l’attentat ignoble perpétré par un terroriste islamiste contre Charlie Hebdo et moins de 24 heures après les propos provocateurs d’un polémiste d’extrême-droite qui a fait de la question musulmane son fonds de commerce, il y a évidemment des chances qu’il attire l’attention toute particulière d’une importante frange de la population.
Le président de la République a donc dévoilé son projet de loi depuis Les Mureaux ce vendredi au matin. Dans la presse, on a appris qu’un des objectifs de ce texte « est de lutter contre contre ceux qui dévoilent la religion pour remettre en cause les valeurs de la République ».
L’initiative en soi est à saluer car à l’heure actuelle, il est hors de question d’admettre qu’une partie de la population française, pour des raisons religieuses, culturelles ou ethniques, veuille se détacher de la communauté nationale pour imposer son mode de vie et dicter ses lois.
Eviter à tout prix qu’un tel scénario se produise est en effet un devoir pour tout Etat responsable. Nier le péril de l’Islam radical revient à mettre en danger ses concitoyens car, comme le prétendent certains, ce n’est hélas pas un fantasme. L’islamisme radical existe bel et bien et a déjà mis à sac des pays entier, que ce soit en Syrie, en Afghanistan, en Irak, au Mali ou encore en Libye. Et depuis 2001, il vise l’Occident dont il dénonce le mode de vie qu’il qualifie d’ailleurs de « débauche ».
Emmanuel Macron a bien fait de s’attaquer à l’hydre islamiste. Sauf que le timing choisi pour le faire n’est point le bon et tout laisse à croire que cette politique, mise en place à moins deux ans d’une présidentielle cruciale, entre dans une logique électoraliste dont le but est d’arracher des voix à l’extrême-droite.
Dans cet édito, il ne s’agira pas d’entrer dans les détails de ce projet de loi contre le séparatisme car les spécialistes le feront le moment venu. Toutefois, Il s’agira ici de se poser une seule question : compte tenu de la crise économique actuelle qui pourrait renvoyer des millions de Français au chômage, la priorité n’est-elle pas ailleurs?
En effet, au moment où ces lignes sont rédigées, la précarité et la pauvreté gagnent du terrain en France où pendant les deux mois du confinement, 1 270 000 personnes ont sollicité l’aide du Secours Populaire alors que sur toute l’année 2019, ils n’étaient que 3,3 millions à le faire. Et parmi eux, 45% étaient jusqu’ici inconnus de l’association.
Le chiffre est impressionnant et inquiète sérieusement le Secours Populaire. « Un chiffre absolument énorme. Nous n’avons jamais vécu une situation pareille depuis la Seconde Guerre Mondiale, et il y a urgence », a d’ailleurs annoncé Henriette Steinberg, secrétaire générale de l’association.
Et la situation pourrait s’aggraver dans les mois qui viennent car depuis le début de la crise sanitaire, plus de 700 000 emplois ont été détruits en France, le taux de chômage pourrait atteindre les 9,5% et les licenciements s’accélèrent. 1 888 emplois seront supprimés par le groupe de restauration Collective Elior, 1 088 emplois seront supprimés chez Auchan, le constructeur de bateau, Beneteau, pourrait supprimer jusqu’à 1 390 emplois, le groupe Royer, fabriquant de chaussures, prévoit également de supprimer 200 des 500 emplois en France…Et la liste n’est pas exhaustive.
Emmanuel Macron a totalement raison de déclarer la guerre à l’Islam radical qu’il préfère appeler « séparatisme islamisme ». Mais, la priorité en ce moment est ailleurs. Ce que les Français attendent de lui est qu’il arrive à relancer une économie moribonde en fabriquant des emplois.
Aussi, devrait-on faire remarquer que quand Emmanuel Macron et son gouvernement disent vouloir mettre fin à la ghettoïsation (conséquence du séparatisme islamiste), ils doivent se poser la question de savoir qui a créé cette ghettoïsation en cours en France depuis plusieurs décennies.
En effet, très de peu de Français nieront que la politique du logement en France est discriminatoire et l’a été davantage ces dernières années où on a volontairement entassé des Français d’origine dans des quartiers (souvent appelés ‘quartiers difficiles’) où ils vivent entre eux totalement marginalisés du reste de la société.
Les moyens attribués aux établissements de ces quartiers sont très limités empêchant ainsi les braves enseignants de la République d’exercer leur métier avec dévouement et engouement. Beaucoup de jeunes issus de l’immigration, faute d’une éducation de qualité, font face à la discrimination à l’embauche qui les empêche d’accéder à des postes de responsabilité et très souvent, leur couleur de peau, leur prénom, leur nom et leur religion les éliminent socialement.
Les seuls rescapés seront celles et ceux qui sauront taper dans un ballon rond pour devenir de futurs Zinedine Zidane, qui sauront battre le record de paniers à 3 points pour devenir de futurs Tony Parker, qui auront le sens de l’humour pour devenir de futurs Oumar Sy ou Jamel Debouzze. Si aucune de ces qualités n’est réunie, ils sont condamnés à devenir trafiquants de drogue, voleurs ou agresseurs. Et c’est hélas le destin réservé à beaucoup d’entre eux.
Cette politique du logement au relent d’apartheid est devenu un véritable cauchemar pour nos braves policiers qui doivent mettre leur vie en danger quotidiennement pour intervenir dans ces quartiers difficiles où ils font face à des jeunes extrêmement violents, parfois lourdement armés et à qui on n’a jamais inculqué les valeurs de la République.
Les violents affrontements qui se sont déroulés en juin dernier à Dijon entre jeunes arabes et membres de la communauté tchétchène témoignent du laxisme et de la disparition totale de l’Etat dans ces zones de non-droit qu’il faudra reconquérir très rapidement pour éviter qu’elles ne basculent entre les mains de l’islamisme radical. Voilà les vrais problèmes qui préoccupent les Français en ce moment et auxquels l’Etat doit apporter des réponses.
Ceci dit, il serait très difficile de dédouaner les différents gouvernements qui ont précédé Macron au pouvoir ces dernières années dans la montée en puissance du « séparatisme islamiste » qui, subitement, semble leur faire si peur. Car depuis au moins vingt ans, ils ont tous fermé les yeux, laissant ainsi se développer sur le territoire français une France périphérique (totalement marginalisée) au sein d’une France républicaine dont les enfants sont dotés de tous les moyens pour réussir.
Le combat contre l’Islam radical, aussi urgent soit-il, n’est pour l’heure qu’une stratégie purement électoraliste pour séduire la droite dure à moins de deux ans de la présidentielle et étouffer la colère des Français. Et, Macron serait vraiment naïf de croire que sa stratégie lui permettra de grappiller quelques points en jouant sur la fibre extrémiste-droitiste.
Les retombées politiques qu’il en tirera seront insignifiantes car la réalité actuelle est que les Français, en tout cas dans leur immense majorité, sont plus terrorisés par la perte de leur emploi et la faillite annoncée des centaines d’entreprises dans les mois qui viennent qu’un soi-disant combat contre le séparatisme.
Face aux conséquences dévastatrices de la crise économique actuelle, toute stratégie de diversion est tout simplement vouée à l’échec.