Un intellectuel africain, de nationalité sénégalaise, a transmis à la rédaction du site d’information www.lecourrier-du-soir.com une lettre incendiaire adressée à Emmanuel Macron, actuel président de la France et à l’Organisation des Nations-Unies dans laquelle il dénonce vigoureusement la politique française en Afrique qui, selon lui, est comparable à l’esclavage.
Très bonne lecture
« Objet : Protestation et dénonciation de la réforme unilatérale du CFA
Monsieur Le Président,
La semaine passée, le Sénat français discutait sur le traité libellé « Coopération monétaire » avec les pays ayant comme monnaie le FCFA (Franc des colonies françaises) visant à renouveler le pacte colonial qui les lie à votre pays.
Monsieur Le Président,
L’ancien régime du CFA que vous entendez réformer n’était ni plus ni moins que l’œuvre et la propriété de la France qui s’était donnée le droit de l’imprimer, de la distribuer, d’avoir une main mise sur les devises qui en résultent pendant plus de 70 ans et de maintenir un siège dans le Conseil d’administration assorti d’un droit véto qui peut tout bloquer.
La réforme que votre pays souhaite mettre en œuvre devra enchaîner nos pays pour encore au moins ½ siècle. Nous avons bien compris les enjeux d’asservissement économique et politique de ce nouveau Pacte colonial en gestation.
Monsieur Le Président,
Nous Africains de 40 ans et moins, qui avons fréquenté l’école française, sommes au fait de la douloureuse période coloniale et de ses méfaits sur nos pays et nos peuples. Nous pensions qu’avec les indépendances prononcées il y a de cela maintenant 60 ans que nous étions autonomes et qu’après tout ce temps que nous avions passé à panser les blessures subies pendant nous pouvions partir d’un nouveau pied.
Monsieur Le Président,
Au fur-et-à mesure que nous avançons en âge, nous constatons, malgré nous, une continuité de la politique coloniale française en Afrique mais sous couvert du label de la coopération et des relations diplomatiques. Le Franc des Colonies Françaises d’Afrique, monnaie de la plupart des pays membres de l’Uemoa et certains pays de l’Afrique centrale n’est rien d’autre que la colonne vertébrale d’une domination économique permanente pire que l’esclavage. C’est cette monnaie dont rien que le nom dérange l’esprit humain que vous êtes en train de rebaptiser ECO, dénominatif qui d’ailleurs revient de droit à la CEDEAO. Ainsi la République française décide-t-elle de violer délibérément les lois sur la propriété intellectuelle qui existe dans tous les pays du monde? Cela doit, Monsieur Le Président, vous indisposer profondément puisque l’éthique le rejette vigoureusement.
Monsieur Le Président de la République,
Nous interpellons votre conscience et la conscience du peuple français que nous sommes trop vexés d’être témoins de l’ambition de la France de recoloniser cette partie de l’Afrique dans laquelle nous appartenons.
Monsieur Le Président de la République,
En plus de cet esclavage monétaire que votre pays veut encore nous imposer, nous déplorons également le déploiement de vos entreprises publiques comme privées qui, au moment où je vous écris, contrôlent entièrement nos économies. Nos ports, aéroports, sociétés de télécommunications, de BTP, et même hydraulique sont toutes entre les mains de multinationales françaises qui font la majorité de leur profit dans nos pays. Je pense à Orange, Bolloré, Véolia, Eiffage, Société Générale et même l’Agence Française de Développement qui est supposée combattre la pauvreté.
Monsieur Le Président,
Nous portons à votre connaissance que votre pays peut poursuivre cette ambition d’un autre âge mais vous trouverez sur le chemin des fils d’Afrique dignes pour qui la liberté représente une valeur de portée suprême. Nous sommes conscients du défi que votre pays lance à tous les amoureux de l’Afrique et nous sommes prêts à défendre notre liberté.
Comme tous les peuples, ceux de nos pays aspirent aussi à la liberté, et à l’épanouissement économique politique et culturel, indissociable de l’autonomie mise en parenthèse par les régimes qui se sont succédé en France depuis fort longtemps.
Monsieur Le Président,
Nous pensions que les indignations exprimées par les Aimé Césaire, et Frantz Fanon, le massacre de vaillants Tirailleurs Sénégalais à Thiaroye après avoir défendu votre pays contre l’occupation allemande, le sacrifice subi par Patrice Lumumba, Thomas Sankara, Mouammar Khadafi et tous les jeunes victimes de l’océan et du désert auraient suffi pour notre liberté. Hélas! Que dalle. Notre génération s’est rendue compte que nonobstant tous ces coups reçus, ces humiliations à des degrés divers, il reste vrai que ce qui nous était présenté comme une indépendance n’en est pas une.
Monsieur Le Président,
Nous ne voulons plus que la monnaie de nos pays ait une quelconque association avec la France. Nous ne voulons plus de cette FANÇAFRIQUE ou du FRANC à FRIC.
Monsieur Le Président,
Remarquez bien la fracture entre les élites africaines manipulées, intimidées et parfois corrompues à tout va et leur peuple qui souffre de cette pauvreté apparente de l’Afrique chantée sur tous les toits du monde. L’Afrique n’est pas pauvre mais pillée continuellement. Nous voulons que cela cesse.
La lutte pour l’autonomie monétaire n’est qu’un combat, mais nous visons notre liberté absolue! Nous disons bien liberté absolue car nous ne comptons plus nous contenter d’une pseudo autonomie.
En vous souhaitant une bonne réception de cette missive, nous vous recommandons une lecture attentive et approfondie et nous vous informons qu’une ampliation sera faite au Secrétaire Générale des Nations Unies et au Haut-commissariat des droits de l’Homme de cette même institution. »
Sidy Touré
Le 19 décembre 2020
West Hyattsville, Maryland 20782. États-Unis