Au Sénégal, la date du 3 mars 2021 sera marquée d’une pierre blanche dans l’Histoire du pays à l’instar d’autres dates qui l’ont précédée telles que le 19 mars 2000 marquant la chute d’un régime socialiste qui a régné durant 40 ans sur le pays ou le 23 juin 2011, date à laquelle les Sénégalais sont descendus dans les rues pour affronter, à leurs risques et périls, un régime dont le but final était de tripatouiller la Constitution pour assurer sa continuité avec seulement 25% des suffrages au Premier tour.
Les événements de ce 3 mars ne sont certes pas comparables à ceux du 23 juin 2011. Cependant, ils ont un point commun : le peuple a encore une fois tapé du poing sur la table pour dire basta. En effet, ce 3 mars, il n’a échappé à personne qu’une grande partie du pays s’est levée comme un seul homme contre un seul homme : Macky Sall.
Ce dernier, élu président du pays en 2012, cherche depuis son accession à la magistrature suprême à imposer, par des méthodes tyranniques, une gestion autoritaire du pouvoir qui passerait par l’élimination politique de toutes celles et de tous ceux qui osent s’opposer à son diktat.
C’est dommage pour lui! Car ce 3 mars, le peuple a encore montré qu’il est là pour veiller au grain et surtout éviter que le seul opposant sur qui compte le Sénégal ne connaisse le même sort que Karim Wade ou Khalifa Sall. Deux prétendants au pouvoir que Macky Sall a sacrifiés de la plus vile des manières pour asseoir son hégémonie.
Hier, ce fut donc le tour d’Ousmane Sonko, brillant opposant politique qui, ces dernières années, a conquis les cœurs et les esprits en prenant des risques énormes pour défendre bec et ongles les intérêts du pays, que ce soit sur le plan politique, économique ou social. Son aura qui a dépassé les frontières semble gêner le locataire du palais présidentiel sénégalais qui voit en cet ex inspecteur des impôts un redoutable adversaire.
S’étant rendu compte du danger qu’il représente pour le pouvoir totalement entre les mains de Macky Sall, le système veut désormais profiter d’un complot, ourdi au plus haut sommet de l’Etat par des personnages tapis dans l’ombre, pour lui porter le dernier coup de poignard. Sauf que cette fois-ci, le projet du tout-puissant Macky s’évère être un fiasco sans appel.
Ousmane Sonko a donc été arrêté ce 3 mars pour « trouble à l’ordre public » et « participation à une manifestation non autorisée » quelques jours après la levée de son immunité parlementaire, l’ultime chapitre d’un scénario écrit à l’avance pour se débarrasser d’un opposant qui donne du fil à retordre à un régime totalement hors-la-loi.
Je dois faire remarquer que son arrestation par les éléments du GIGN (Groupement d’Intervention de la Gendarmerie Nationale) intervient dans un climat de terreur semé par l’Etat pour museler tous les opposants et jeter en prison toute personnalité politique qui ose ostensiblement apporter son soutien à Sonko que le pouvoir veut transformer en « paria ».
Sonko est donc arrêté. Cependant, si Macky Sall pense avoir finalement réussi à le neutraliser, c’est qu’il n’a absolument rien compris. Car, ce 3 mars, peu après sa détention, les rues de la capitale sénégalaise ont été prises d’assaut par des milliers d’opposants qui estiment, et à juste titre, qu’une ligne rouge a été franchie.
Ce qui est intéressant à noter dans cette affaire est que le régime, en s’obstinant à vouloir à tout prix éliminer le chef de file du mouvement Pastef, s’est tiré une balle dans le pied. Car, depuis les accusations de viol qui visent Sonko, le capital-sympathie de l’opposant a subitement connu une hausse spectaculaire et toute l’opposition est désormais convaincue qu’une véritable chasse aux sorcières est déclenchée pour « réduire l’opposition à sa plus simple expression ».
Macky Sall a le pouvoir. Il n’y a aucun doute là-dessus et les événements d’hier, la déportation de Karim Wade et l’emprisonnement de Khalifa Sall sont autant de faits qui le confirment. Le pouvoir, il s’en sert à sa guise pour intimider, harceler, bâillonner et humilier tout responsable politique qui se refuse à jouer son jeu.
Cependant, ce que Macky Sall n’a pas compris est que l’opposant Ousmane Sonko, à travers une série d’injustices qu’il subit presque quotidiennement et dont les Sénégalais sont tous témoins, est en train, à grands pas, de conquérir le peuple et finira éventuellement par conquérir le pouvoir.
Comme ce fut le cas le 23 juin dernier, ce 3 mars, le peuple sénégalais a adressé un message très fort au régime en place qui doit en tirer les leçons. Diaboliser Sonko et chercher à l’éliminer politiquement est un jeu aussi pervers que périlleux dont seul Sonko sortira victorieux.