Agnès Callamard, la Française qui dirige l’enquête sur l’assassinat de journaliste saoudien Jamal Khashoggi, a été menacée de mort par le régime saoudien dirigé par Mohamed Ben Salman qu’elle accuse d’avoir ouvertement commandé le crime
L’enquêtrice de l’ONU sur l’assassinat de Jamal Khashoggi risque-t-elle de subir le même sort que le défunt journaliste tué en 2018 à l’intérieur du Consulat saoudien d’Istanbul? Pour le moment, difficile de prédire le sort réservé à la française Agnès Callamard, mais apparemment le dossier Khashoggi qui lui est confié suscite l’immense colère du régime saoudien qui menacerait de la tuer.
C’est en tout cas la révélation faite par plusieurs médias internationaux dont The Guardian. D’après ce média qui a accordé une interview exclusive à Agnès Callamard, cette dernière a révélé avoir été alertée par un collège de l’ONU en 2020 qui lui a fait savoir qu’une haute autorité saoudienne a menacé, à deux reprises, de s' »occuper d’elle » lors d’une réunion tenue à Genève.
« Ils l’ont pris pour des menaces de mort »
A la question de savoir comment ses collègues de Genève ont pris les commentaires du diplomate saoudien, Agnès Callamard rétorque : « une menace de mort. C’est comme cela qu’ils l’ont pris ». L’affaire, à peine révélée, a suscité une vive indignation sur les réseaux sociaux où les réactions ont été nombreuses.
« La guerre contre le journalisme se propage désormais vers ceux qui défendent le journalisme et exigent que des comptes soient rendus dans des crimes contre des journalistes », déplore Rasmus Keis Nielsen, journaliste et directeur de l’Institut politique de l’agence Reuters.
War on journalism spreading to those who stand up for journalism & demand accountability for crimes against journalists.
« Senior [Saudi] official twice threatened to have Agnès Callamard ‘taken care of’ in meeting with UN colleagues in Geneva » in Jan 2020 https://t.co/TSPfBQvpOR
— Rasmus Kleis Nielsen (@rasmus_kleis) March 23, 2021
Et il n’a pas été le seul à s’offusquer de ces menaces de mort qui visent la diplomate française. D’autres intellectuels et fervents défenseurs de la liberté de la presse ont aussi fait entendre leurs voix. « Cette histoire est vraiment choquante mais je suppose qu’elle ne devrait pas surprendre qu’un régime qui tue des journalistes menace de tuer une enquêtrice des Nations-Unies », commente Jameel Jaffer, juriste américain.
This is a pretty shocking story but I suppose it shouldn’t be surprising that a regime that murders journalists would threaten to murder a UN human rights investigator as well. Grateful to @AgnesCallamard for her determination and courage. https://t.co/7rQFNBFVZb
— Jameel Jaffer (@JameelJaffer) March 23, 2021
Pour rappel, Agnès Callamard a publié un rapport en 2019 mettant directement en cause le prince saoudien, Mohamed Ben Salman et un groupe d’autorités saoudiennes d’avoir commandité l’assassinat de Jamal Khashoggi. Callamard doit d’ailleurs quitter son poste d’enquêtrice de l’ONU pour prendre la direction de l’organisation internationale, Amnesty International, dans les jours qui viennent.
Il convient de rappeler que Jamal Khashoggi, ex journaliste saoudien en exil aux Etats-Unis, a été tué dans des circonstances extrêmement troublantes en 2018 alors qu’il se rendait au consulat saoudien pour des démarches administratives. Depuis sa mort, de nombreuses pistes mènent tout droit vers le royaume saoudien. Mais, les Etats-Unis sous Trump et les pays occidentaux alliés de Riyad ont préféré étouffer l’affaire afin de ne pas mettre en danger leurs intérêts géopolitiques.