La France veut mener sa réforme du Franc CFA contre vents et marées. Mais, la question est celle de savoir si les Africains francophones qui utilisent encore cette monnaie sont intéressés par les réformes de Paris. En effet, cette question se pose deux ans après la rencontre très symbolique à Abidjan, en décembre 2019, entre Emmanuel Macron, président de la France et Alassane Ouattara, président de la Côte d’Ivoire.
A l’époque, Emmanuel Macron, très préoccupé par les voix des nombreux jeunes Africains qui réclamaient la fin de la FrançAfrique et de ce qu’ils appellent le « néocolonialisme français en Afrique », voulait calmer les nerfs. Pour ce faire, il devait donner des gages de bonne foi et la mort du FCFA, monnaie entièrement gérée par la France, devait être assumée.
Dans cette rencontre, le président Ouattara avait annoncé des réformes en profondeur dans les relations économiques entre l’Afrique francophone et la France : le changement du nom du CFA qui s’appellera en 2020, ECO ; l’arrêt de la centralisation de 50% des réserves de change des pays de la zone CFA au trésor français, la fermeture du compte d’opération et enfin le retrait des représentants de la France de tous les organes de décisions et de gestion de l’UEMOA.
Le président ivoirien justifiait ces réformes par la nécessité de « construire le futur de l’Afrique de manière responsable afin d’attirer les investissements privés, de créer des emplois et de poursuivre le développement économique de nos pays ». Mais, plus loin, Ouattara se tire une balle dans le pays en annonçant que les présidents des pays de l’UEMOA ont accepté de maintenir la parité fixe de la nouvelle monnaie, ECO, avec l’euro.
Depuis cette rencontre, aucune évolution n’a été notée. Le sujet est resté au point mort et les peuples africains qui attendent avec impatience l’arrivée de la nouvelle monnaie (qui devrait être entièrement gérée par eux) commencent à perdre patience. Une situation extrêmement grave pour la France qui ne veut surtout pas voir ses intérêts menacés en Afrique.
Paris a donc décidé de prendre les devants. En effet, ce 4 mai, il a été révélé aussi bien dans la presse africaine que française que la Banque de France va transférer 5 milliards d’euros de réserve à la BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) composés de pays qui utilisent le FCFA.
« Cinq milliards d’euros de réserves de change des Etats ouest-africains utilisant le franc CFA sont en cours de transfert de la France vers la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), conformément à la réforme de cette monnaie, a indiqué à l’AFP, mardi 4 mai, une source proche du dossier », note le journal français Le Monde.
La décision est à saluer. Car, elle répond à l’un des points cruciaux soulignés par Ouattara lors de son discours de 2019 à Abidjan à savoir l’arrêt de la centralisation de 50% des réserves de change des pays de la zone CFA au trésor français et la fermeture du compte d’opération.
Pour le moment, très peu d’informations ont été mises à la disposition du public sur cette opération qui suscite moult interrogations en Afrique. S’agit d’un coup de bluff pour calmer la tension? Est-ce un effet d’annonce? Ou assiste-t-on à un stratagème ourdi entre Macron et Ouattara pour rouler les Africains dans la farine?
A ces questions, nous aurons des réponses dans les mois voire les années à venir. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que cette annonce de la Banque de France de transférer 5 milliards d’euros de réserve à la BCEAO risque de ne pas susciter une vive joie des Africains qui, depuis la rencontre de Macron et de Ouattara, ont conclu que le projet est mort.
La réalité actuelle est que les jeunes africains francophones ont un message certes radical mais clair et net pour qui veut l’entendre. Ils exigent de vive voix que la France cesse définitivement de s’immiscer dans les affaires internes de leurs pays et qu’elle se retire du fonctionnement de leur monnaie nationale comme cela se passe dans les pays anglophones.
Ces dernières années, des voix ont résonné en Afrique, notamment au Mali et au Sénégal où une jeunesse en colère en appelle à la fin pure et simple de la FrançAfrique qui dure depuis plus d’un demi siècle. La France aura beau mener des réformes pour calmer les ardeurs et a intérêt à le faire mais la réalité que les Africains semblent s’en foutre royalement.