Emmanuel Macron est-il en train de précipiter la chute de l’empire français en Afrique? Difficile pour l’heure de répondre à cette question. Mais, ce qui est certain, c’est qu’au Mali, la France semble avoir perdu le contrôle de la situation et c’est une très mauvaise nouvelle pour Paris.
En effet, nul n’ignore les relations conflictuelles entre Paris et Bamako depuis le 24 mai dernier, date à laquelle un coup d’Etat militaire fomenté, dans la plus grande discrétion, a permis à la junte militaire de se débarrasser de Bah N’daw, président de la Transition ainsi que de son premier ministre, Moctar Ouane, deux alliés de la France.
Désormais, dans ce pays qui a connu 3 coups d’Etat en moins de 10 ans, c’est un militaire qui s’est auto-proclamé président du pays. Il règne en maître en dépit des sanctions imposées par la CEDEAO. Cet homme n’est autre qu’Assimi Goita formé par les Etats-Unis mais aussi par la Russie
Il faut dire qu’à Paris, l’irruption brusque (voire brutale) des militaires putschistes qui se sont emparés du pouvoir ne plaît guère. Emmanuel Macron n’apprécie pas et tente de leur porter le dernier coup de grâce en menaçant de retirer ses soldats du Mali. La menace avait été brandie il y a trois jours et ce 3 juin, elle semble avoir été mise en exécution, car ce jeudi, la France a annoncé avoir suspendu sa coopération militaire avec Bamako.
La décision est officielle et a été confirmée par plusieurs sources aussi bien en France qu’au Mali. Paris ne ferme toutefois pas la porte. Elle pose ses conditions pour une reprise éventuelle de cette coopération et parmi celles-ci (les conditions fixées), figure le retour d’un pouvoir civil dans ce pays.
La décision de Paris est téméraire, mais surtout lourde de conséquences car suspendre ses manœuvres militaires avec Bamako mettrait ce pays dans une situation où il sera obligé (sans avoir trop de choix) de nouer des partenariats avec d’autres puissances dont la Russie qui a signé avec le Mali des accords militaires.
La décision de Paris est une erreur gravissime voire mortelle géopolitiquement car elle donne le sentiment d’un chantage exercé par une ex puissance coloniale sur un Etat souverain qui n’a d’ailleurs plus confiance aux autorités françaises dans la guerre contre le terrorisme au Sahel. D’ailleurs, peu après le putsch du 24 mai dernier, des centaines de Maliens ont été aperçus dans les rues du pays jubilant avec le drapeau russe et cela veut dire quelque chose.
Ceci dit, il n’y a aucun doute qu’au Mali, la France reste la seule puissance étrangère à être aux manettes. Mais, pour combien de temps? Et à quel prix? Telles sont les questions qui se posent au moment où le Mali a complètement changé de visage depuis la chute d’Amadou Toumani Touré (ATT) en 2012. Depuis, plusieurs gouvernements se sont succédé, les partenaires internationaux se succèdent et ne se ressemblent pas et le mythe d’ « une France puissance salvatrice » est sérieusement en train de mourir.
Et pis, c’est dans ce contexte que la Russie de Poutine est entrée en lice. En effet, la Russie et le Mali sont liés par des partenariats militaires et le 21 août 2021, trois jours après la chute d’IBK, l’ambassadeur de la Russie au Mali a rencontré les responsables du Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP). Et ce n’est pas tout. Rappelons que peu avant le coup d’Etat d’août 2020, plusieurs responsables de l’armée malienne dont Assimi Goita revenaient d’un voyage en Russie où ils ont aussi reçu une formation militaire.
Ce n’est donc plus un scoop. La Russie est en train de frapper aux portes du Mali. Et si la France commet l’erreur fatale de s’en aller, elle perd définitivement une guerre cruciale pour le contrôle du Sahel, zone extrêmement riche en ressources naturelles que les puissances étrangères se disputent depuis quelques années.
Ensuite, il convient de souligner que la décision de Paris de suspendre sa coopération militaire avec le Mali est totalement insensée. En effet, la France exige le retour d’un gouvernement civil à Bamako. Mais, pourtant, c’est cette même France qui a applaudi la transition militaire au Tchad lorsque la junte militaire tchadienne a désigné, de manière arbitraire, le fils du maréchal Déby pour succéder à son père. Il y a clairement là un deux poids deux mesures qui exaspère plus d’un et qui décrédibilise Paris sur le sol africain.
Les relations entre l’Hexagone et le Mali ne tiennent plus sur rien car, les deux ex partenaires sont totalement divisés sur des questions fondamentales dont l’efficacité de la présence française sur le sol malien depuis bientôt dix ans. Et Paris a intérêt à faire profil bas pour ne pas s’attirer le courroux des Maliens qui n’en peuvent plus de cette crise qui n’a que trop durer.
Les agissements de Paris peuvent se comprendre car au bout du compte, la France a besoin de donner des gages de stabilité qui ne peuvent passer que par l’instauration d’un pouvoir civil démocratiquement élu par le peuple (ce qui n’est point le cas au Mali, convenons-en).
Cependant, dans ce bras de fer entre Macron et Goïta, la France risque de s’en mordre les doigts car ne plus s’entendre avec l’armée suppose que sa présence sur ce sol n’a plus aucune pertinence et si jamais, elle venait à quitter le Mali, ce serait à coup sûr le début de l’effondrement de son empire en Afrique.