Dans une tribune publiée par Le Parisien ce 18 septembre, des médecins demandent de l’aide à l’Etat contre les menaces de mort dont ils font l’objet. D’ailleurs, Lecourrier-du-soir.com a appris ce 19 septembre que l’un des signataires, Jérôme Marty, médecin généraliste, a été contrait d’engager un garde du corps.
Lecourrier-du-soir.com vous propose de lire la tribune dans sa version originale.
Excellente lecture
« Depuis dix-huit mois, les scientifiques et les soignants sont soumis à un double défi par la pandémie : d’un côté, celui de la recherche pour mieux comprendre ce virus et trouver des traitements, de l’autre, celui d’un combat épuisant et au long cours pour prendre en charge les patients atteints de Covid.
Une autre épidémie, opportuniste, sévit également : celle de la désinformation scientifique et médicale et du complotisme, dite infodémie, qui entraîne la défiance envers la science et ses porteurs, et qui s’accompagne d’un déversement de haine incessant.
Cette épidémie-là ne progresse pas par vagues : après une phase inaugurale aiguë, elle est immédiatement devenue endémique et monte en puissance. En France, elle s’est abattue brutalement en mars 2020 sur ceux qui ont osé lancer l’alerte concernant des travaux questionnables sur l’hydroxychloroquine à Marseille et la promotion directement auprès du public de cette molécule dans le Covid au mépris de la réglementation, signant l’avènement du populisme scientifique.
Les flots d’insultes, les tentatives d’intimidation, les menaces souvent extrêmes et explicites, les violations de vie privée se sont déversés sur nous, sans discontinuer, et se poursuivent à un rythme de plus en plus soutenu. Des photos de domicile, de boîtes aux lettres avec géolocalisation ont été publiées. Des listes nominatives ont vu le jour : certains d’entre nous ont ainsi été cités sur les réseaux sociaux comme faisant partie de « charrettes », destinés à être traînés en justice, nommés comme des nuisibles à éliminer dans des vidéos YouTube hebdomadaires à très forte audience.
Récemment, nous avons fait l’objet d’une liste nominative de personnes appelées à être jugées et condamnées à la décapitation. Des agressions physiques ont déjà eu lieu. Dans la même veine, une expédition punitive s’est déroulée à Marseille contre le directeur de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille, suite à ce qui ressemble fort à des menaces de représailles sur un plateau TV.
Ainsi, nous sommes des cibles désignées, avec ce que cela implique de préjudice moral et de mise en danger au quotidien. Nous faisons appel à l’État pour mettre en place tous dispositifs nécessaires pour assurer notre protection : mise à disposition d’un garde du corps ou d’une protection policière pour ceux qui le demandent parmi les soignants et scientifiques les plus menacés.
Car il s’avère que nous sommes démunis, en l’absence d’une quelconque action des autorités maintes fois interpellées. De fait, certains d’entre nous font appel à des agents de sécurité rapprochée, à leurs frais, ou sollicitent une protection fonctionnelle auprès de leur employeur avec plus ou moins de succès. En être réduit à de telles extrémités est un terrible constat d’échec et d’abandon de la part des pouvoirs publics.
Nous ne cessons de répéter que nous redoutons un passage à l’acte d’une personne radicalisée et/ou déséquilibrée. Puisqu’il est hors de question de rester sans réagir, plusieurs nouvelles plaintes individuelles ont été déposées au sein de notre collectif #StopMenaces constitué des personnes énumérées dans la liste des condamnés promis à la guillotine dans un article paru dans France Soir le 22 août.
Les avocats concernés se sont rapprochés en vue d’une action collective. Quatre ministères : ministère des Solidarités et de la Santé, ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et récemment ministère de la Justice et ministère de l’Intérieur ainsi que l’Ordre des médecins ont été directement exhortés à agir par l’association Citizen4Science dès le 5 mai dans le cadre de sa mission de lutte contre le harcèlement des porteurs de la parole scientifique. Cette action, portée par le sénateur Bernard Jomier via une question écrite, obligeait légalement le gouvernement à y répondre en août ; elle est restée lettre morte alors qu’elle demandait des actions concrètes pour nous protéger.
Notre collectif #StopMenaces a tenu une conférence de presse à Paris le 7 septembre, qui a eu un fort retentissement médiatique en France, mais aussi en Europe et aux États-Unis. Quelle a été la seule réponse du gouvernement ? Un Vous ne passerez pas, lancé à l’Assemblée nationale par Olivier Véran, ministre de la Santé, à ceux « qui veulent faire peur », suivi de l’assurance d’une « fermeté absolue » par Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement.
Sans action, il s’agit de paroles vaines. Cette situation est intolérable et grave. Si l’on constate un début de prise de conscience puisque le problème a été débattu au Parlement, cela n’a pas été suivi d’actions ni même d’engagements. Rappelons qu’outre les condamnations publiques et les menaces, des agressions physiques ont eu lieu sur des acteurs du soin dans l’exercice de leurs fonctions (pharmaciens, infirmiers, techniciens de laboratoire…) avec détérioration de matériel, ainsi que des agressions verbales de soignants sur la voie publique.
Dans une telle situation, tout le monde est concerné et doit se mobiliser. Nous appelons les parlementaires à agir à leur niveau auprès des autorités, et les citoyens à joindre leur voix à notre appel aux ministères à prendre des mesures pour protéger les personnes harcelées et menacées et s’autosaisir du problème avec des actions concrètes.
Enfin, nous demandons que la proposition de loi nº 4 398 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte soumise à l’Assemblée nationale le 21/7/2021 dans le cadre de la transposition de la directive (UE) 2019/1937 du 25/2019, soit soumise au débat parlementaire de toute urgence.
Véritable enjeu démocratique, la protection des lanceurs d’alerte est une problématique majeure, tant au titre des signalements effectués que des conséquences auxquelles ils s’exposent. Chacun peut constater l’incapacité actuelle des pouvoirs publics à faire leur travail face à la mise en danger permanente que nous subissons et relatons. Les lanceurs d’alerte prennent des risques personnels, professionnels, et en tant que citoyens engagés. Un État de droit digne de ce nom ne peut rimer avec leur abandon. »
LES SIGNATAIRES
Association Citizen4Science – Dr Fabienne Blum, présidente ; Collectif Fakemed-Dr Cyril Vidal, président ; Patrick Detlefsen, technicien en électronique et informatique industrielle ; Dr Thomas C Durand, directeur de l’Association pour la Science et la Transmission de l’Esprit Critique ; Pr Karine Lacombe, professeure de médecine, Sorbonne Université ; Dr Hervé Maisonneuve, médecin de Santé Publique, Rédacteur scientifique, Paris ; Dr Jérôme Marty, médecin généraliste, Président UFMLS ; Dr François Morel chirurgien, vulgarisateur, ancien secrétaire général du Collectif Fakemed ; Dr Alexander Samuel, professeur de mathématiques/science.