« Chaos ». Ce vocable résume parfaitement la situation actuelle du Sénégal, pays qui, depuis quelques heures, est secoué par de violentes manifestations déclenchées par la condamnation arbitraire de l’homme politique Ousmane Sonko (principal opposant du régime de Macky Sall) à qui une peine de deux ans de prison ferme a été infligée pour « corruption de la jeunesse » dans une affaire de viol qui fait trembler le pays depuis bientôt deux ans.
Le verdict prononcé ce 01 juin a été la goûte d’eau qui a fait déborder le vase à la suite d’une parodie de procès qui s’est déroulé fin mai dans des conditions décriées par l’immense majorité des Sénégalais. Le verdict de la justice aux ordres du pouvoir était connu d’avance et, comme l’on pouvait s’y attendre, lorsqu’il a été annoncé ce jeudi, le chaos s’est subitement emparé des grandes villes du pays.
Dakar, Ziguinchor, Touba, Mbour, Daara Djolof…. ont été, ce jeudi soir, le théâtre de violents affrontements entre manifestants en colère et forces de l’ordre lourdement armées pour réprimer dans le sang et faire régner l’ordre dans un contexte politique extrêmement abrasif marqué par une élection présidentielle qui devrait se tenir en 2024.
Le bilan des hostilités est déjà très lourd comme le confirme le ministre sénégalais de l’Intérieur qui fait état de 9 morts. « Nous avons constaté avec regret des violences ayant entraîné des destructions de biens publics et privés et malheureusement 9 décès à Dakar et à Ziguinchor », a fait savoir Félix Antoine Diome, le premier flic du pays. Si à ce macabre bilan, s’ajoute celui de mars 2021 où 14 sympathisants de Sonko avaient été tués lors des manifestations concernant la même affaire, l’équation se complique pour le régime en place qui, il faut bien le dire, a désormais du sang sur les mains.
Mais, comment le Sénégal en est-il arrivé là? La réponse à cette question est toute simple : depuis son accession à la tête de ce pays en 2012, Macky Sall, président du Sénégal et fidèle allié de Macron, suit au pied de la lettre une menace qu’il avait publiquement proférée : « réduire l’opposition à sa plus simple expression ».
Pour y arriver, il ne lésine pas sur les moyens pour bafouer la Constitution et imposer aux Sénégalais un troisième mandat, neutraliser toute dissidence, embastiller tout opposant qui tenterait de lui barrer la voie à une réélection en 2024. Et le parti Pastef, dirigé par l’opposant Ousmane Sonko, est devenu la cible privilégiée que le régime veut abattre à tout prix.
Et les raisons de cet acharnement contre Sonko sont connus de tous : l’ex fonctionnaire radié en 2016 bénéficie d’un capital-sympathie qui fait de lui incontestablement le chouchou de toute une jeunesse qui en a ras-le-bol d’être dirigé par des politicards qui ont bouffé à tous les râteliers.
En effet, né en 1974, l’opposant Ousmane Sonko a réussi, en un laps de temps record, à décrocher une ascension politique inimaginable. D’ailleurs, pour se rendre compte de sa capacité de nuisance, il suffit de se référer aux dernières élections présidentielles de 2019 où il a fini 3ème en terrassant d’anciennes formations politiques (PDS et PS) qui ont déjà gouverné le pays.
Pour Macky Sall, neutraliser Ousmane Sonko est donc un impératif d’autant plus qu’il est le seul capable de lui barrer la route en 2024. Et cette obsession à vouloir l’éliminer du champ politique peut se comprendre après l’effondrement du PDS dont les ténors ont presque tous rejoint l’APR (parti au pouvoir) et la disparition du Parti Socialiste qui, après 40 ans au pouvoir, ne se gène plus de faire le tapin pour assurer sa survie politique.
Pour éliminer Sonko, il fallait donc faire recours à toute sorte de subterfuges et de stratagèmes vu qu’il ne traîne aucune casserole et qu’il a les mains propres. Ainsi, après avoir épuisé toutes ses cartouches, l’Etat n’a rien trouvé d’autre que de fomenter un sordide complot de viol sur une jeune fille de mœurs légères du nom d’Adji Sarr qui n’a ironiquement jamais apporté la moindre preuve pouvant étayer ses propos.
L’objectif final du régime en place est clair et net et le scénario semble avoir été écrit d’avance : infliger une peine de prison à Sonko pour l’éliminer de la course à la présidentielle et, d’ici à 2024, déclencher une véritable opération d’intimidation destinée à dépeindre son parti politique (Pastef) comme une force anti-républicaine et dangereuse infestée de délinquants qui souhaitent mettre le pays à feu et à sang. Cette narrative risque toutefois de ne pas convaincre et elle a déjà échoué.
Une chose est sûre : en voulant tuer Sonko politiquement, Macky Sall vient d’ouvrir la boîte de pandore qui pourrait signer son arrêt de mort. Son régime totalitaire basé sur l’intimidation, la violence, le chantage et le rapport de force est finissant et ce nouvel épisode semble le confirmer.