(Par Mohammad Amin)
Le dimanche 4 juin, après les attaques vicieuses des extrémistes islamiques à Londres, le guide suprême iranien Ali Khamenei a accusé les pays occidentaux pour les attaques. « Aujourd’hui, ISIS est conduit depuis son lieu de naissance en Irak et en Syrie dans d’autres pays, allant en Afghanistan et au Pakistan, et même aux Philippines, aux pays européens et ailleurs. Ils ont allumé ce feu et maintenant il les a mis en flammes « , a-t-il déclaré.
Téhéran a officiellement condamné le terrible attentat du 22 mai à Manchester. Pourtant, les réactions de plusieurs hauts fonctionnaires iraniens ont révélé un sentiment de satisfaction. Suite à le terrible attentat de Manchester, survenu lundi soir, les gouvernements à travers le monde ont réagi en exprimant leur effroi, leur consternation et la condamnation sans appel de cet acte barbare, à une exception : le régime iranien qu’en dehors d’une condamnation officielle, certains de ses responsables de haut rang ont à peine caché leur satisfaction.
Dans un tweet, le général de division Mohsen Rezaï, le Secrétaire du conseil de discernement des intérêts du régime et ancien chef commandant en chef du Corps des gardiens de la révolution islamique (Pasdaran), écrit ceci dans un tweet : « l’attentat terroriste à Manchester est la conséquence de la « danse de sabre » de Trump avec le chef des terroristes ».
Le texte et la photo de ce tweet a été immédiatement publié et diffusé par l’agence de presse officielle iranienne, IRNA, offrant à cette prise de position une dimension politique bien sérieuse : http://www.irna.ir/fa/News/82542164/
Or, il ne s’agit pas là de la seule réaction de ce type des hautes autorités iraniennes sur l’attentat de Manchester. Le général Salami, commandant-en-chef adjoint des Pasdaran a également déclaré : « Ceux qui se considéraient un havre de sécurité, devront aujourd’hui faire face aux problèmes de sécurité, comme le type d’incident survenu à Manchester ».
Un peu plus loin, Salami a ajouté des propos qui méritent réflexion :
« Une cinquantaine de chefs d’Etats se sont rassemblés en Arabie Saoudite pour dire une seule chose : « l’Iran est une puissance incontrôlable », et pour nous c’est une source de fierté ».
http://www.farsnews.com/newstext.php?nn=13960303001326
Simultanément, dans le titre de son édito d’un ton insultant envers la Grande Bretagne, le quotidien « Javan », le porte-voix principal des Pasdaran et de la milice Bassidj, écrivait : « Le vieux renard dans le piège des loups solitaires ». Ce quotidien des Pasdaran estime que « l’Angleterre qui a toujours fait partie des soutiens des groupes terroristes ‘Takfiri’, est aujourd’hui la cible d’un autre attentat terroriste ».
Le quotidien explique que « l’attentat terroriste à Manchester doit être interprété comme le retour inévitable de bâton en raison des conséquences des politiques de deux poids, deux mesures de l’Occident, dont de l’Angleterre, face au phénomène terroriste ».
Ces propos, sont-ils une réaction spontanée après les déclarations du président américain, Donald Trump, et le roi Salman d’Arabie saoudite au cours de la conférence de Riyad sur le rôle central du pouvoir iranien dans la déstabilisation, la destruction et le terrorisme dans la région ? Peut-être bien.
Mais, auparavant, le pouvoir iranien a toujours eu des réactions cyniques semblables à l’égard des attentats terroristes ayant fait de nombreuses victimes en Occident. Notons par exemple que suite au massacre terroriste à Paris le 13 novembre 2015, Abou Talebi, conseiller politique du président du régime, Hassan Rohani, et ancien ambassadeur d’Iran en France, l’a décrit comme « inévitable » et « la conséquence des mesures constantes aveugles de l’Occident en soutenant le terrorisme…ignorant les mises en garde de l’Iran depuis quelques années ».
Selon le général Massoud Djazayeri, le chef d’état-major adjoint des forces armées à la même époque, « Les Français ont payé le prix du soutien des leur gouvernement à l’EI et au terrorisme en général ». Il avait même menacé : « s’ils continuent à soutenir les terroristes, les Occidentaux devront s’attendre à la déclaration de l’état d’urgence dans d’autre partie de l’Europe » (l’agence de presse officielle Fars, le 14 novembre 2015 http://fna.ir/D57FA)
Au même moment, l’agence de presse Tasnim, proche de la Force Qods, décrivait la tragédie de Paris comme « un terrorisme autoproduit » par la France et l’Europe publiant une caricature qui montrait la France et le président français tirant les ficelles de Daech http://tn.ai/915774
Les autorités iraniennes sont sans aucun doute conscientes des répercussions extrêmement négatives de ce genre de prises de position à travers le monde. D’autant plus que le pouvoir iranien est face aux nombreuses accusations concernant des actes terroristes qu’il a commis dans des pays différents. Des accusations dont certaines ont aboutis à des condamnations devant les tribunaux européens, américains ou turcs.
Toutefois, la question se pose : pourquoi après chaque attentat ou drame de nature terroriste, surtout en Europe et aux Etats-Unis, les autorités iraniennes tiennent à exprimer leur satisfaction ou les interprètent comme étant des réactions aux préjudices qu’ils ont subies?
Ainsi, l’utilitarisme ne saurait expliquer les positions du pouvoir iranien, car ce genre de prises de position n’a d’autres conséquences que provoquer l’indignation générale dans le monde. La théocratie au pouvoir en Iran, ne voit pas les méfaits d’une telle position. Mais considère ces moments comme une occasion de démonstration de force. C’est pourquoi au lieu de prendre ses distances avec de tels attentats terroristes, il tente de les lier à ses propres intérêts.
Le pouvoir iranien organise son action autour d’une théorie qui en langue arabe s’appelle « Al-nasroberoab », c’est-à-dire « victoire sur les autres par la terreur ». C’est la poursuite de cette doctrine aide les dignitaires du régime iranien à présenter leurs faiblesses, bien réelles, sous forme d’une manifestation de force.
Le régime va continuer à faire usage de cette vision et tenter d’en profiter. Mais jusqu’à quand ? Jusqu’au moment où la communauté internationale et plus particulièrement les gouvernements occidentaux mettront de côté leurs illusions à l’égard de la puissance fictive des dirigeants de l’Iran.
Mohammad Amin est chercheur à la Fondation d’Études pour le Moyen-Orient (FEMO), basée à Paris. Il a écrit plusieurs ouvrages et essais sur la théocratie iranienne, les mutations de l’économie politique de l’Iran sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad et l’essor de l’intégrisme islamique au Moyen-Orient. Co-auteur de « Où va l’Iran », Éditions Autrement, paru en mai 2017.
NB : cette analyse n’engage que son auteur et ne reflète en aucun cas la ligne éditoriale du média, Lecourrier-du-soir.com