Le New York Times flingue le président français. En effet, dans un édito publié ce 7 septembre intitulé : « Emmanuel Macron sera un autre président raté », le très influent média américain n’a pas été tendre envers le successeur de François Hollande. Vu le succès qu’a connu l’édito repris par de nombreux médias, Lecourrier-du-soir.com a pris le soin de tout traduire en français pour ses lectrices et lecteurs.
Voici le texte intégral
Le président Emmanuel Macron est la jeune tête d’affiche du libéralisme. Considéré comme une réponse à la vague populiste, il a refait parler de la diplomatie française en tenant tête au Président Trump et à Vladimir Poutine de la Russie. « La méthode Macron », comme l’a appelé un Think Tank européen, est la Troisième Voie entre la technocratie et le populisme.
Chez lui en France, c’est une histoire différente. Un récent sondage a révélé que M. Macron a perdu 14 points en août, après une chute de 10 points en juillet. Seules 40% des personnes interrogées se disent satisfaites des performances du président. Pour être franc, Macron n’a jamais obtenu un soutien populaire pour débuter son mandat.
Lors du premier tour de la présidentielle d’avril, lorsque le vote se jouait entre quatre principaux concurrents, son score était en-dessous de 24%, alors que François Hollande avait obtenu 28% au premier tour de 2012 et Nicolas Sarkozy avait obtenu 31% en 2007. M. Macron a facilement remporté le second tour, mais seulement parce qu’il était le moins diabolique des candidats, sa concurrente était Marine Le Pen, chef de file du Front National.
L’arithmétique électoral est très clair là-dessus. La popularité de Macron souffre de quelque chose de plus fondamental : le Macronisme. Tout son projet politique a été très orienté vers sa personnalité. Tout son charme vient de sa jeunesse, de son dynamisme, de son look stylé et de ses compétences.
Cette approche hyper-personnalisée a toujours fait courir le risque que son charme disparaisse un jour et alors ses sympathisants n’auraient plus rien à apprécier chez lui. C’est exactement ce qui est en train de se produire. Depuis son investiture, M. Macron a découragé beaucoup de personnes en essayant de recentrer la grandeur de la présidence.
Dans une phrase qui pourrait le poursuivre pour le reste de sa vie, il avait déclaré qu’il voulait rendre la présidence « Jupitérienne », en se comparant avec le puissant dieu Romain, Jupiter, Seigneur des cieux. Lorsqu’il a rassemblé les Sénateurs et les Parlementaires au Palais de Versailles et leur a parlé de ses ambitions, en France, beaucoup avaient dénoncé un ton monarchique.
Cette attitude arrogante par rapport au pouvoir a détruit l’anti-establishment, cette image de parvenu que Macron avait cultivée durant sa campagne. La plateforme post-idéologique sur laquelle il a fait campagne commence à montrer son vrai visage : un vide au cœur d’un projet politique.
Les deux plus importants objectifs de M. Macron sont : redresser l’économie et redresser l’Europe. Il est allé jusqu’à décrire ses politiques économiques comme une « révolution copernicienne ». Mais, il est simplement en train de diriger la France vers la dérégulation du marché du travail et l’austérité fiscale, une voie empruntée par d’autres pays.
Le nouveau président dit qu’il est déterminé à faire de la France « une nation start-up », en empruntant le langage insipide de la Silicon Valley. Ceci lui a donné le soutien des entrepreneurs capitalistes et des milliardaires qui investissent dans la technologie, mais il est loin de convaincre le grand public français.
Le contrat social libertaire de la Silicon Valley, avec son attitude cavalière envers l’inégalité (injustice, ndlr), ne passe pas chez une population française élevée dans les traditions socio-démocrates d’après-guerre. Son objectif principal est de réduire le chômage en France qui reste élevé, autour de 10%. Il espère faire cela en réformant le code du travail.
Une de ses nouvelles mesures est de limiter le recours, devant la justice, des employés licenciés. Une décision qui a pour but de donner aux employeurs plus de confiance pour embaucher. Une autre de ses mesures est de permettre aux entreprises ayant moins de 50 employés de négocier les contrats sans passer par les syndicats. L’extrême gauche française appelle cela « un coup d’Etat », mais le président a été prudent en ne cédant pas face au lobby financier (Medef, ndlr).
Ce qui compte vraiment est la fin (de cette affaire, ndlr). Toute baisse du chômage en France serait la bienvenue, mais l’expérience vécue par d’autres pays laissent penser que cela se fera au prix d’une injustice. En Allemagne, les réformes du marché de l’emploi ont donné naissance à la prolifération de « petits boulots », un travail à temps partiel qui est très peu régulé et qui a pris la place du travail à temps plein dans certains secteurs.
Dans le marché de l’emploi très régulé de la Grande-Bretagne, les niveaux d’emplois vont de pair avec une baisse de la productivité, de la stagnation des salaires et de la prolifération des contrats à court terme. Est-ce cela l’avenir que la France veut ? Le boom économique des années 50 et 60 n’a pas été assez dynamique pour combiner les hauts niveaux d’emploi avec des gains à long-terme pour les masses.
Aujourd’hui, les choix impliquent des « compromis » douloureux. Les politiques économiques de M. Macron favorisent les employeurs au détriment des employés et taillent sur le peu qui reste à l’Etat-providence français. Mais, craignant donner à son programme un quelconque contenu politique, le président emballe les réformes dans le drapeau européen.
Il dit aux électeurs français que le reste de l’Union Européenne ne prendra ses mesures au sérieux et n’accordera à la France un accord que si les Français acceptent de faire ses sacrifices chez eux. Les projets de M. Macron pour l’Union Européenne comprennent un budget commun et un ministre des finances pour la zone euro.
Ses idées ont été chaleureusement reçues par Berlin et il y a des signes que cet accord soit possible après les élections fédérales allemandes qui se tiendront ce 24 septembre. Mais si la Chancelière allemande Angela Merkel gagne, son mandat ne portera pas sur l’harmonisation fiscale européenne où les impôts allemands sont placés dans un pot commun européen.
Elle a seulement donné son soutien à une version très modeste de ce que propose M. Macron. Les profits des sacrifices de la France au niveau national seront maigres et le président ne sera sûrement plus plus populaire qu’il ne l’est en ce moment.
Le succès de M. Macron lors des élections présidentielles de juin dernier a agité le paysage politique moribond d’une manière profonde et durable. Pour cela, il mérite des remerciements. Mais, en tant que projet politique, le Macronisme n’est pas plus qu’une rhétorique et un orgueil démesuré, soutenus par des politiques néolibérales conventionnelles.
Pour le moment, M. Macron est encore le chouchou de l’élite libérale mondiale, mais son impopularité grandissante nous donne une meilleure image de ce qu’il a à offrir.
Edito signé : Chris Bickerton, journaliste au New York Times
L’édito a été intégralement traduit de l’anglais au français par Cheikh DIENG, rédacteur en chef et fondateur du site d’information www.lecourrier-du-soir.com
Pour lire l’édito dans sa version originale, cliquez ici : New York Times