(Article de Hamid Enayat, journaliste iranien vivant en France)
Pour la première fois en 29 ans, l’ONU vient de publier un rapport concernant le massacre de 1988 en Iran, au cours duquel 30 000 prisonniers ont été exécutés suite à une fatwa émise par le Guide Suprême. Asma Jahangir, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Iran, a adressé un rapport de 26 pages à l’Assemblée générale des Nations-Unies, exigeant une enquête indépendante et urgente concernant ce sombre épisode de l’histoire iranienne.
Le rapport de l’ONU
Dans son rapport, Mme Jahangir souligne le rôle clé des hautes autorités du régime dans cette tragique affaire. Cette étape marque un tournant dans la longue campagne pour la justice menée par les familles des victimes et les défenseurs des droits de l’homme du monde entier. Depuis un an, cette campagne s’est accélérée suite à la diffusion d’un enregistrement audio révélant les noms des responsables ayant ordonné les exécutions. Ces responsables comprennent notamment l’actuel Ministre de la Justice, un juge de la Haute Cour de Justice toujours en fonction ainsi que le directeur de l’une des principales institutions religieuses du pays, également candidat aux dernières élections présidentielles.
Le rapport de l’ONU confirme que des milliers de personnes ont été tuées et que certaines personnes des plus hautes sphères de l’État ont reconnu l’existence de ces exécutions. En outre, il met en lumière la tentative de déni et de dissimulation du régime iranien, notamment en recouvrant les fosses communes de terre. Le rapport termine sur une demande de vérité pour les familles de victimes et le droit à une enquête et des actions en justice sans crainte de représailles.
En effet, la Rapporteuse affirme avoir reçu des informations sur l’intimidation, le harcèlement et les poursuites subies par les défenseurs des droits de l’homme et les familles qui réclament la justice et la vérité au nom des personnes exécutées ou disparues. C’est par exemple le cas de Mme Maryam Akbari Monfared, une prisonnière privée de soins médicaux et menacée de perdre son droit de visite après avoir publié une lettre réclamant l’ouverture d’une enquête sur les exécutions de 1988.
La campagne d’Amnesty International
De son côté, Amnesty International a lancé une campagne pour stopper la destruction de la fosse commune d’Ahvaz, dans le sud du pays, où sont enterrés des dizaines de prisonniers exécutés lors du massacre de 1988. Invitant les familles de victimes et les défenseurs des droits de l’homme à se mobiliser, Amnesty International a demandé aux autorités iraniennes de mettre un terme à la destruction de cette fosse commune.
En effet, un chantier de construction a démarré cette année à proximité du site. Des images récentes obtenues par Amnesty International montrent la fosse progressivement enfouie sous des montagnes de déchets de chantier. Pour l’organisme, c’est un devoir pour les autorités de préserver ce site, non seulement pour les familles mais également pour les enquêtes entourant ce terrible massacre.
« Raser au bulldozer la fosse commune à Ahvaz va détruire des preuves médicolégales de première importance qui pourraient servir à traduire en justice les responsables des exécutions extrajudiciaires massives de 1988. Cela priverait également les familles de victimes de leurs droits à la vérité, à la justice et à des réparations, notamment le droit d’enterrer leurs proches dans la dignité », a déclaré Philip Luther, directeur des recherches et des actions de plaidoyer pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International. L’organisme invite les défenseurs des droits de l’homme du monde entier ainsi que les citoyens iraniens à adresser des appels au conseil municipal d’Ahvaz et au Haut conseil aux droits de l’homme, et à diffuser le hashtag #MassGraves88 sur les réseaux sociaux.