La grève de la SNCF a-t-elle déjà dépassé les frontières ? En tout cas, si le bras de fer entre syndicats et gouvernement occupe la une des médias en France, il ne passe pas inaperçu. La presse internationale a cherché de comprendre ce qui se passe en France et certains se demandent si ce bras de fer ne risque pas de faire tomber Macron.
C’est ainsi que ce 3 avril, le journaliste de CNN publié sur le site du très puissant média américain un édito intitulé : « les syndicats feront-t-il tomber le leader le plus puissant de l’Europe ? ». L’analyse a été intégralement traduite de l’anglais au français par Lecourrier-du-soir.com
Edito
Les banlieusards français qui ont repris le travail ce matin après un week-end de Pâques ont dû faire face à plus de 400 km d’embouteillage, rien qu’en région parisienne. Seul un TGV sur huit était en service et les RER, circulant en région parisienne, ont été très affectés.
La France est entre les mains, avec cette grève du chemin de fer, d’une de ces fréquentes grèves de masse organisées par des mouvements syndicaux qui ont été parmi les plus importants et qui ont fait reculer tous les présidents qui ont dirigé le pays dans le passé.
En effet, les efforts de réforme menés par Emmanuel Macron, président âgé de 40 ans et qui se rapproche de sa première année à la tête du pays risquent de devenir l’un des talons d’Achilles du président français. Les syndicats ont promis que leurs actions se poursuivront et ce jusqu’à la fin du mois de juin et que les services seront paralysées dans deux grèves sur cinq.
« Les cheminots et le gouvernement engagent la bataille de l’opinion », a titré le journal français Le Monde qui a largement soutenu Macron jusqu’à ce jour. « Ce rendez-vous social est d’une importance capitale pour l’Exécutif, à fortiori pour le président de la République. La suite du quinquennat d’Emmanuel Macron se jouera tout au long de ce mouvement », écrit Le Monde.
En effet, Emmanuel Macron a été élu sur un programme dont la clef de voûte a été de mettre fin à ce qu’il a appelé « les blocages », des règles anciennes mises en place ces dernières années par une série de présidents soucieux d’empêcher les syndicats de bloquer les rues du pays.
Il espérait aussi réformer le chemin de fer français, allant jusqu’à proposer que ce réseau ne soit plus géré par le gouvernement et qu’il soit vendu à des investisseurs privés. Les cheminots français ne veulent ni l’un ni l’autre.
Jusqu’ici, Macron a réussi à se rapprocher avec précaution de son objectif qui est d’éloigner le commerce et à l’industrie française d’un marché de l’emploi avec toutes ses garanties. L’année dernière, Macron avait d’ailleurs réussi à faire passer à l’Assemblée Nationale (qu’il contrôle avec une majorité absolue) une loi permettant aux entreprises privées de licencier et de recruter plus facilement.
Mais, jusqu’à présent, il n’a toujours pas mis la main sur les monopoles publics, se contentant simplement de dire aux cheminots qu’ils devaient accepter les réalités du nouveau monde qui n’est plus ce qu’il était avant.
Pour de nombreux français, il y a eu une réforme populaire. Mais, ce n’est pas le cas pour les syndicats qui ont encore quelques pouvoirs d’action, même s’ils ont perdu une bonne partie du pouvoir qu’ils avaient dans le passé lorsque des grèves générales pouvaient paralyser tout le pays.
Pour le moment, Macron se soucie de gérer son immense popularité en France et Gabriel Attal, porte-parole de la République En Marche, avait déclaré qu’ « il faut sortir ce pays de la gréviculture ».
Les sondages sont ce qu’ils sont. D’après l’institut Ifop, la majorité des électeurs français croient que les grèves sont injustifiées. Rappelons que la détermination de Macron et son succès sont cruciaux pour lui, non seulement en France mais dans sa volonté de redorer l’image de la France dans son rôle de nouvel homme fort de l’Europe.
Au moment où en Allemagne, Angela Merkel se bat pour sa survie avec un gouvernement de coalition, où l’Italie se retrouve avec un tout petit gouvernement, où l’Espagne est fortement divisé face à la volonté de la Catalogne de prendre son indépendance, où la Grande-Bretagne est sur le point de quitter le continent et au moment où Trump fait peur sur la question du commerce, de la défense et de l’Iran et au moment où Vladimir Poutine joue le retour d’une guerre froide décisive, Macron a besoin de garder sa présidence.
Macron fait pression pour trouver un accord sur le nucléaire iranien que Trump veut à tout prix torpiller. L’année dernière, à Bruxelles, Macron avait pris le dessus en défendant l’Europe contre les menaces des Etats-Unis (sur les droits de douane) proférées par Trump. « Nous ne discuterons rien, par principe, avec une arme pointée sur notre trempe », avait déclaré le président français d’un ton menaçant.
De telles menaces marchent bien lorsque le leader qui les profèrent a le soutien de ses électeurs et est clairement en charge de son pays. Avec la visite d’Etat que Macron devra effectuer aux Etats-Unis dans trois semaines, il est essentiel pour le président français d’avoir le contrôle sur son économie et sur son pays.
Sans aucun doute, les syndicalistes français qui auraient pu mener ces actions à tout moment l’année dernière comprennent l’enjeu de cette grève. Macron doit trouver une voie de sortie pour mettre fin à ces mouvements. L’Europe a besoin d’un leader et d’une nation ayant la volonté et surtout la capacité de jouer ce rôle que très peu de dirigeants occidentaux semblent pouvoir jouer.
Edito traduit par Cheikh DIENG, rédacteur en chef du site d’information www.lecourrier-du-soir.com basé à Paris. L’édito signé David A. Andelman a été intégralement traduit de l’anglais au français.
Pour la version originale, cliquez ici : CNN