Je fais partie des nombreux Sénégalais ayant salué l’inauguration de l’Aéroport International Blaise Diagne (AIBD) ce 7 décembre 2017. Je ne regrette pas de l’avoir fait, étant convaincu que le développement de notre pays, le Sénégal, passe inéluctablement par l’innovation, la création et la réalisation des projets phares. Et l’ouverture de ce nouvel aéroport tout comme la prolifération des nombreuses universités régionales sont des gestes à saluer et à magnifier.
Toutefois, je reconnais avoir été très vite déçu suite aux nombreux couacs notés quelques jours seulement après l’inauguration de cet aéroport. La cérémonie avait été célébrée en grande pompe, retransmise en direct sur plusieurs médias du pays. L’événement, il faut le dire, avait suscité l’immense joie du peuple sénégalais qui assistait à l’une des plus grandes réalisations (si ce n’est la seule) du président Macky Sall. Pour marquer les esprits, un hôte de taille avait fait le déplacement : Ali Bongo Ondimba, actuel président du Gabon.
Le gouvernement actuel qui a essuyé les critiques les plus acerbes de ses détracteurs venait ainsi de marquer un grand coup. Aux quatre coins du monde, les réactions des Sénégalais ont été légion. Et beaucoup avaient salué l’ouverture du deuxième plus important aéroport international du pays.
Néanmoins, la joie n’a été que de courte durée. Car quelques heures plus tard, les couacs ont fait leur apparition au grand jour. Le 15 décembre, un puissant mouvement de grève décrété par les aiguilleurs du ciel perturbre tout le trafic. A part le service minimum, aucun vol n’a pas pu décoller du tarmac. Une catastrophe et une humilliation cuisantes infligées à l’Etat.
Le plus déplorable est le fait que les Sénégalais n’ont toujours pas obtenu des explications claires sur les raisons ayant motivé cette grève. Invité sur le plateau de RFM, Xavier Marie, gérant du nouvel aéroport et directeur du consortium LIMAK-AIBD-SUMMA (LAS), dégage toutes ses responsabilités.
A la question du journaliste qui lui demande comment il explique cette situation qui intervient une semaine seulement après le démarrage des activités, il rétorque: « ça n’a rien à voir avec les activités de l’aéroport. Il s’agit d’un mouvement de grève d’une catégorie professionnelle qui sont les aiguilleurs du ciel qui ont des revendications (…) ». En d’autres termes, le nouveau patron de l’aéroport refuse catégoriquement d’endosser la responsabilité de ces nouveaux couacs.
Pendant ce temps, les aiguilleurs ne décolèrent pas. Interrogé par la presse sénégalaise, François Paul Gomis, secrétaire général du syndicat des aiguilleurs, pointe du doigt des négligences de l’Etat. « Nous travaillons dans des conditions extrêmement difficiles. Nous n’avons pas suffisamment de temps de repos. Avec le déplacement de l’aéroport à Diass à une cinquantaine de kilomètres, il y a un problème de transport qui se pose. Ceux qui ont leurs voitures les prennent avec tout ce que cela implique comme frais supplémentaires de carburant et de péage. Les autres prennent le transport en commun », dénonce-t-il.
Dans une interview accordée à L’Observateur, François Paul Gomis déplore une situation qui pourrait « mener à la catastrophe ». L’affaire est d’autant plus grave qu’un préavis de grève a été lancé depuis le 22 novembre. Mais, le gouvernement sénégalais a voulu faire la sourde oreille, en continuant à tort de vendre des rêves à la population sans jamais mentionner le coût de cette réalisation.
Il y a un autre détail très important sur lequel on n’a pas trop peu insisté : le nombre restreint de contrôleurs aériens que compte le Sénégal. Le pays qui souhaite devenir la vitrine de l’Afrique a beau être si ambitieux, il ne compte que moins de 70 contrôleurs aériens. 20 autres sont formés, nous apprend-t-on, mais ne sont pas encore opérationnels pour officier à la tour de Diass.
Alors, pourquoi l’Etat n’a pas mis la main dans la poche pour assurer une formation de qualité à ces agents dont le travail est plus que crucial? Pourquoi s’être précipité pour ouvrir un aéroport sachant que les conditions de travail ne sont pas encore réunies? Nous devons nous rappeler que ces mêmes négligences avaient causé le naufrage du bateau « Le Djola » qui avait fait d’innombrables victimes. Malheureusement, le Sénégalais a la mémoire trop courte.
Ce qui me gêne dans tout cela est que pendant ce temps, les autorités politiques veulent à tout prix défendre un projet qui est certes ambitieux, mais inachevé. Le ministre du tourisme, Mame Mbaye Niang, va jusqu’à exhorter les Sénégalais d’arrêter « de dénigrer ce bijou que nous avons en commun ». « Ce bijou que beaucoup de pays nous envient », dit-il.
Monsieur Le Ministre, permettez-moi de vous dire ceci: les Sénégalais ne dénigrent pas, c’est juste qu’ils n’en peuvent plus de cet amateurisme.
Edito signé: Cheikh Tidiane DIENG
Rédacteur en chef et fondateur du site d’information www.lecourrier-du-soir.com
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