Affaire Fillon : si les révélations de l’ex procureure sont vraies, l’élection de Macron en 2017 perd toute sa légitimité

Une révélation explosive qui risque de remettre en cause la légitimité même de l’élection d’Emmanuel Macron en tant que président de la France en 2017. En effet, Eliane Houlette, ex procureure du Parquet National Financier (PNF), a expliqué les dessous de l’enquête sur l’affaire Fillon dont elle avait la charge. Face à la commission d’enquête ce 10 juin, son témoignage a été explosif sur les pressions qui pesaient sur elle.

Parlant de la pression dont elle faisait victime, elle dira : « je l’ai personnellement vécue, avec des demandes parfois, deux ou trois demandes dans la même journée. Les demandes de transmission rapide des éléments sur les dernières investigations, les premiers éléments sur les actes de la veille avant 11 heures, les demandes de précision, les demandes de chronologie générale…Et tout ça, à deux jours d’intervalle ou à trois jours. Donc, quand je dis que c’est un contrôle étroit, c’est un contrôle extrêmement étroit », a-t-elle révélé aux députés ce 10 juin.

Dans cette affaire Fillon qui avait défrayé la chronique en 2017 en pleine campagne présidentielle, le nom de Catherine Champrenault, procureure générale de Paris, a été cité. Cette dernière est directement rattachée au ministère de la Justice dirigé à l’époque par le socialiste Jean-Jacques Urvoas qui, depuis les révélations, s’est muré dans un silence absolu.

Rappelons qu’Eliane Houlette avait ouvert une enquête préliminaire, mais a pourtant été contrainte par sa hiérarchie à abandonner cette procédure pour ouvrir une information judiciaire. « J’ai été convoquée (…) parce que le choix que j’avais adopté ne convenait pas. On m’engageait à changer de voie procédurale, c’est-à-dire à ouvrir une information judiciaire. J’ai reçu une dépêche du procureur général en ce sens », confie-t-elle.

Nul besoin de rentrer dans les détails car l’affaire, au-delà d’être gravissime, est extrêmement complexe et sensible. D’ailleurs, juste après la révélation de ses propos, Eliane Houlette s’est rétractée. En tout cas, ce 19 juin, son avocat a publié un communiqué dans lequel on pouvait lire : « Mme Houlette tient à ce qu’il soit bien compris que M. Fillon n’a pas été mis en examen à la demande ou sous la pression du pouvoir exécutif ».

Ce qui pose un sérieux problème dans cette affaire et qui fait planer le doute d’une éventuelle opération politique menée par l’Exécutif (gouvernement de Hollande, à l’époque) pour faire tomber Fillon est la célérité avec laquelle la justice a agi. Je dois signaler que la demande de la procureure générale d’ouvrir une information judiciaire s’est faite le 24 janvier, date à laquelle la révélation a été faite par le Canard Enchaîné et surtout en pleine campagne présidentielle. Donc, une stratégie Fast-Track a bien été adoptée pour plonger Fillon dans la tourmente

A-t-on voulu liquider Fillon, le seul candidat gênant dont la candidature dans la course à la présidentielle représentait une sérieuse menace pour Emmanuel Macron, candidat du système? Telle est la question que l’on se pose désormais et qui avait poussé François Fillon à parler ouvertement d’assassinat politique dans un discours tenu en mars face à ses militants.

« Nombre de mes amis politiques, et de ceux qui m’ont soutenu à la primaire et ses 4 millions de voix, parlent d’un assassinat politique. C’est un assassinat en effet, mais par ce déchaînement disproportionné, sans précédent connu, par le choix de ce calendrier, ce n’est pas moi seulement qu’on assassine. C’est l’élection présidentielle. C’est le vote des électeurs de la droite et du centre qui est fauché. C’est la voix des millions de Français qui désirent une vraie alternance qui est muselée. C’est le projet du redressement national que je porte qui est expulsé du débat. C’est la liberté du suffrage et c’est la démocratie politique elle-même qui sont violemment percutées », disait Fillon.

L’autre détail troublant dans cette affaire est qu’au même moment où l’enquête judiciaire est ouverte contre Fillon, une décision de justice a été prise interdisant que la justice financière puisse enquêter sur des faits remontant à plus de douze ans. Autrement dit, il y avait bien une volonté d’écarter Eliane Houlette du dossier afin de précipiter la mort politique de Fillon, devenu gênant pour le système.

A l’Elysée, Macron se sent très gêné par cette révélation de taille qui sort de la bouche de celle qui était il y a deux ans et demi procureure du parquet national financier (PNF). Car, au fond, une telle révélation donne le sentiment que le plus jeune président de la Vème République a bénéficié du soutien de la justice pour remporter la présidentielle. Si tel est bien le cas, c’est alors la légitimité de l’élection de Macron à la présidentielle de 2017 qui est sérieusement remise en question.

C’est ainsi qu’il faut comprendre la réaction du président de la République qui, ce 19 juin, a personnellement saisi le Conseil Supérieur de la Magistrature. « Le président de la République a décidé de ce jour de saisir, en application de l’Article 65 de la Constitution, le Conseil Supérieur de la Magistrature en sa forme plénière, sur le fonctionnement de la justice dans l’affaire M. François Fillon suite aux propos tenus le 10 juin dernier par la l’ex-procureure nationale financier devant une commission d’enquête parlementaire », précise le communiqué lu intégralement par Lecourrier-du-soir.com.

Il faut dire que les soupçons de pressions évoquées par Elianne Houlette mettent le gouvernement dans l’embarras depuis quelques jours. Et la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a été obligée de briser le silence dans une affaire dans laquelle elle n’est pas encore citée. « Il est essentiel de lever ce doute délétère pour l’institution judiciaire », a-t-elle déclaré au JDD.
Le Conseil Supérieur de la Magistrature permettra de lever le doute sur cette affaire, mais ce qui est sûr est que cette révélation est d’autant plus dangereuse qu’elle donne le sentiment qu’en France, la justice est politique et sert d’instrument pour éliminer des hommes politiques qui dérangent.
Et ce n’est pas tout. Elle donne aussi le sentiment que l’affaire Fillon, qui a étrangement été tenue secrète pendant des années et programmée à exploser en 2017 en un moment où l’ex premier ministre de Sarkozy aspirait à diriger le pays, n’a servi qu’à faciliter l’élection de Macron.
La réalité est que ni Mélenchon, ni Le Pen ne représentaient un danger pour Macron en 2017. Ils le seront probablement en 2022. Cependant, la vraie menace pour le système était d’avoir Macron au second tour face à un Fillon, très apprécié à droite (y compris au RN), extrêmement fin en politique et doté d’une expérience de plusieurs années.
Fillon a-t-il été politiquement assassiné pour favoriser Emmanuel Macron ? Pour l’heure, impossible de le confirmer, mais une chose est sûre : les récents propos d’Eliane Houlette donnent désormais à cette hypothèse une certaine crédibilité.