(Une analyse de Sidy Moukhtar Touré)
« Réduire l’opposition à sa plus simple expression », voilà une effroyable ambition du Président de la République du Sénégal. L’objectif définit le caractère de la personnalité auteur de cette déclaration qui sonne comme un coup de massue sur la démocratie.
Ce vœu aurait un sens s’il venait d’un pays tel la Corée du Nord qui consacre un monarque à vie à qui son peuple doit obéissance, respect et vénération. Seuls les monarques et dictateurs n’ont ni opposants ni adversaires politiques. Ils marquent leur autorité qu’ils ne comptent point partager ou céder volontairement. Mais le Sénégal est bien connu dans le registre des nations à la tradition démocratique, non pas parfaite, mais quand même bien solide jusqu’à être considéré telle une vitrine en Afrique.
Depuis l’inauguration de la deuxième alternance démocratique en 2012, l’image de la démocratie sénégalaise ne cesse d’être écornée au jour le jour par des feuilletons politico-judiciaires les plus crapuleux pour mettre hors-jeux des personnalités bénéficiant d’une certaine aura au sein de l’opinion. Karim Meïsa Wade, fils de l’ancien Président Abdoulaye, a vu sa carrière politique et son ambition présidentielle mises entre parenthèse par le régime en place suite à un long procès qui l’a dépouillé de sa liberté de mouvement d’abord, puis de ses droits civiques et politiques.
Le fils de Wade pouvait beaucoup peser sur le landernau politique sénégalais vu le véritable appareil de guerre que constituait le Parti Démocratique Sénégalais et la grande considération du peuple à l’endroit de son père. Par stratagèmes purement machiavéliques, Karim M. Wade a été emprisonné avant d’être expulsé du pays pour les Émirats Arabes Unies, il n’est plus revenu depuis. Il a été tout simplement réduit à un exilé politique, une pratique bien connue de certains pays où la liberté individuelle se limite presque aux besoins physiologiques pour paraphraser Abraham Maslow : travailler, manger, boire, vêtir…
Poursuivant cet objectif funeste d’éliminer totalement l’opposition sénégalaise, le pouvoir en place n’hésitera plus à utiliser le même procédé pour anéantir à jamais le tout puissant Maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, réfractaire à la non candidature du Parti Socialiste à l’élection présidentielle à venir. Il sera accusé de mauvaise gestion pour être remis à une justice qui fera fi de tous ses droits malgré les mises en garde de la Cedeao pour l’incarcérer comme Karim Wade et l’éliminer définitivement de la course vers le Palais. L’ancien Maire de Dakar, très expérimenté en politique pour l’avoir pratiquée depuis le jeune âge, avait commis l’erreur d’être trop élégant en se laissant mis en guillotine sans résistance. Avant de bénéficier plus tard d’une grâce présidentielle, il sera enlevé de son poste de Maire de la capitale, emprisonné et démis de ses droits politiques et civiques.
Voilà comment la dernière élection présidentielle s’est faite au Sénégal en 2019 pour consacrer au Chef de l’État un autre mandat de cinq (5) ans dont le classement pose une véritable équation. Est-il le premier ou le dernier mandat? La spéculation a fait rage jusqu’à ce que le Président de la république interdise à ses partisans d’en parler en tout cas dans les médias. Au moment venu, le principal concerné en édifiera le peuple selon ses promesses, le temps est au travail. Mais le projet d’éliminer totalement toute forme d’opposition politique se poursuit. L’affaire Ousmane Sonko et une jeune fille de 20 ans en est le mobile et la parfaite illustration.
Ancien inspecteur des impôts et domaines radié de la fonction publique par le pouvoir pour violation de secrets d’état, Sonko est le dernier né l’opposition sénégalaise. Il porte un ambitieux projet politique de renouveau auquel beaucoup de citoyens ont adhéré. Après avoir intégré l’Assemblée Nationale, le leader de Pastef, se présentera pour la première fois à une élection présidentielle et en sortira troisième ce qui l’impose définitivement dans le champs politique.
Ousmane Sonko incarne non seulement le renouveau de la politique sénégalaise mais aussi et surtout l’espoir de cette génération décomplexée qui en a trop marre de la mal gouvernance et du néocolonialisme français qui mise sur ses valets noirs pour la poursuite de la domination coloniale.
Seul opposant, Ousmane est devenu le dernier rempart de la démocratie sénégalaise et le pouvoir se cache derrière « une affaire de viol » aux allures d’une énième machination politique très difficile à prouver aux yeux de la loi et de l’opinion. Ce dossier de « viol » donne des tournis à toute personne douée de bon sens. Une simple consultation gynécologique devait pouvoir faire jaillir la vérité sur un viol récemment perpétré sur une fille de 20 ans seulement. Au cas contraire, il resterait à manipuler encore une justice pieds et poings liés pour faire le sale boulot.
Sur cette affaire, et la carrière politique de Président de Pastef et l’avenir de ce qui reste de la démocratie sénégalaise sont en jeu. Le régime en place rêve de le détruire pour de bon son seul et irréductible opposant par un des moyens les plus abjects en vue de s’assurer de demeurer au pouvoir non pas pour 5 ans encore mais aussi longtemps que possible.
Le peuple a le choix de vivre soit dans une démocratie avec au moins le minimum requis, c’est-à-dire une opposition qui s’oppose dans le respect des lois, soit de s’embarquer dans une monarchie avec un roi pour assombrir, dans la durée, sa rayonnante histoire. Malheureusement ce régime s’est déjà donné tous les moyens ( Loi sur le parrainage, Loi sur l’état d’urgence, future loi sur les réseaux sociaux et les médias… ) pour le contrôle des libertés de toute nature. Il ne reste plus qu’à réussir l’ultime coup pour assommer la démocratie : abattre l’opposant Ousmane Sonko.
Sidy Touré
Washington D.C. USA