Au Sénégal, nous assistons hélas à une clochardisation de la vie politique. Et il y a de quoi s’inquiéter.
En effet, les récentes images qui ont circulé sur les réseaux sociaux ces derniers jours montrant des partisans de l’opposant Ousmane Sonko violemment agressés glacent le sang. Les faits se sont produits à Ziguinchor, dans le Sud du pays où le leader de Pastef devait haranguer ses troupes en vue des élections locales prévues en janvier 2022.
Nul besoin d’entrer dans les détails. En tout cas, depuis les tristes événements, l’opinion publique est partagée. Sonko et ses partisans accusent Doudou Kâ, membre de l’Alliance Pour la République d’être l’instigateur de cette agression. Kâ, quant à lui, se défend et accuse le chef de l’opposition sénégalaise de mensonge sur les circonstances de cet incident qui a eu un écho international.
Libre à chacun de se faire une opinion en attendant que la vraie version soit présentée au peuple. Mais, d’ici là, personne ne peut nier le fait que l’arène politique sénégalaise est tristement devenue, ces dernières années, un véritable champ de bataille où seule la violence fait la loi.
Cette situation est d’autant plus périlleuse qu’elle est cautionnée par des responsables politiques de haut niveau, parfois même très proches du pouvoir. Ainsi, dois-je rappeler le recrutement des « marrons du feu » en 2019 pour assurer la sécurité du président Macky Sall.
Qui sont-ils? Composés pour la plupart de jeunes lutteurs dotés d’un physique hors-norme et prêts à corriger violemment tout citoyen osant porter un jugement de valeur défavorable à Macky Sall, ces voyous à la solde du pouvoir ont semé la terreur tout au long de la campagne présidentielle.
Ces nervis qui, dans une démocratie digne de ce nom n’auraient jamais mis les pieds dans l’espace politique, s’en prennent désormais sévèrement aux activistes qui, depuis plus de 10 ans, ont fait le choix, par pur patriotisme, d’hypothéquer leur vie pour la protection des ressources naturelles bradées par l’entourage du chef de l’Etat.
Nous nous accordons sur le fait que le recours à ces criminels par des hommes politiques véreux et ivres de pouvoir ne date pas d’hier. Durant le mandat d’Abdoulaye Wade, des faits similaires avaient déjà été dénoncés par des membres de l’opposition. D’ailleurs, l’agression barbare dont avait été victime Talla Sylla en 2003 est encore dans tous les esprits.
Mais, au bout de vingt ans d’ensauvagement de l’arène politique sénégalaise, quelle solution préconisée? Telle est la question à laquelle il serait extrêmement difficile de trouver une réponse compte tenu du fait que ce sont des éléments très haut placés au sein du pouvoir qui ont souvent recours au service de ces tueurs à gages pour intimider, voire neutraliser de redoutables adversaires politiques.
Si pour l’heure, aucune solution n’est encore sur la table, nul ne saurait remettre en cause l’idée que la responsabilité de l’Etat est totalement engagée. Et c’est d’une gravité extrême, car ces violentes agressions contre des opposants politiques ainsi que les récentes arrestations arbitraires contre des activistes dont Guy Marius Sagna sont la preuve probante que le pouvoir a totalement perdu la guerre des idées et des arguments et n’a plus que la violence pour assurer le peu de légitimité qui lui reste (s’il lui en reste encore d’ailleurs!).
Ousmane Sonko et ses partisans ont été violemment agressés à Ziguinchor et les commanditaires de cet acte ignoble ne risquent rien. Guy Marius Sagna, victime d’une machine judiciaire impitoyable, impartiale et politisée, croupit en taule pour avoir sillonné les coins et recoins du pays dénonçant la corruption, les magouilles foncières et l’abandon des populations par un pouvoir qui ne se soucie que de sa réélection. Pourtant, pendant ce temps et ironiquement, un faussaire arrêté en flagrant délit de détention de faux billet est libre de ses mouvements.
Ce constat pitoyable nous mène à la conclusion qu’au Sénégal, l’espace politique s’est considérablement détérioré au fil des années et des personnalités tapies dans l’ombre usent de toute leur force pour détruire, sans état d’âme, tout adversaire politique qui nuirait à leurs intérêts.
Si un Etat n’a plus assez d’arguments pour assurer sa défense et se contente de judiciariser la politique pour réduire l’opposition à sa plus simple expression, n’ayons plus peur des mots : nous sommes carrément en dictature.