(Un édito signé Cheikh DIENG, journaliste en France)
A quelques heures d’un discours crucial, une pression de dingue est mise sur Emmanuel Macron et son gouvernement. Alors que le Grand Débat vient d’être clôturé et que le président de la République doit annoncer des mesures significatives et restaurer la confiance entre le gouvernement et une grande partie du peuple, les interrogations vont bon train.
« Grand débat : quelles mesures Emmanuel Macron devrait-il annoncer ce soir ? », « Allocution d’Emmanuel Macron : à quoi faut-il s’attendre ?, « Baisse d’impôts, réindexation des retraites : que va annoncer Emmanuel Macron à la télé ?, « Jusqu’où Emmanuel Macron peut-il aller dans ses annonces sans prendre le risque de perdre ses électeurs ? », s’interrogent respectivement LCI, BFMTV, L’Express et Atlantico.
Je tiens à rappeler que le discours de ce 15 avril intervient plus de quatre mois après celui du 10 décembre, prononcé en pleine crise des Gilets Jaunes. Un discours qui n’avait pas convaincu de nombreux Français. En effet, le 10 décembre 2018, le président de la République s’était adressé à un peuple gagné par une immense colère.
C’est cette même colère qui avait déclenché la Révolution française de 1789, à la suite de la « Guerre des Farines » et d’une série de mesures fiscales très impopulaires prises par les ministres de Louis XVI (Turgot, Necker, Calonne et Loménie de Brienne). Certes, il serait exagéré d’annoncer une future révolution en France ou de comparer la situation de la France actuelle à celle de 1789, mais il y a tout de même un point commun entre les deux époques : une colère populaire.
Depuis le discours du 10 décembre, les Français-e-s n’ont pas noté un grand changement de politique. Des impôts ont certes été gelés pour calmer la tension, mais concrètement, il n’y a rien eu. Pire, la confiance entre gouvernants et gouvernés a été totalement brisée par une violence policière sans précédent qui a poussé certains à dénoncer un régime totalitaire.
Cette violence policière, accompagnée d’une série de mesures impopulaires extrêmement sévères (loi anticasseurs, déploiement de Sentinelle pour l’Acte 19) a malheureusement jeté de l’huile sur le feu, donnant le sentiment que le gouvernement en place, loin de chercher une issue à ce conflit social, cherche plutôt à envenimer la situation.
Pour faire face à la crise, Emmanuel Macron qui avait presque joué toutes ses cartes a alors mis en place le Grand Débat, une série de déplacements sur le territoire afin d’entrer en contact avec des élus locaux et recueillir les avis des Français-e-s sur les vrais problèmes auxquels ils font face quotidiennement.
Là également, l’échec est presque palpable. Après plusieurs semaines de « Grand Débat », les Français-e-s ont eu le sentiment que le président de la République ne s’est jamais adressé à eux. Certains parlent même d’une opération purement marketing mise en place afin de redorer l’image d’un gouvernement qui a déjà perdu le contrôle total de la situation.
Face à la gravité de cette situation, d’autant plus grave que les élections européennes arrivent dans moins de deux mois, Macron a décidé de s’offrir une seconde chance. Une seconde chance presque perdue d’avance à en croire Gérard Larcher, président du Sénat. En effet, dans une interview accordée au Figaro, Larcher n’a mâché pas ses mots. « Emmanuel Macron n’aura pas de seconde chance », alerte-t-il.
Alors, que reste-t-il à Macron ? Un état des lieux d’un « Grand Débat » qui n’a pas trop intéressé les Français-e-s qui depuis le début de la crise s’attendent à des décisions concrètes de la part de l’Exécutif. Son discours de ce soir sera sûrement très suivi par les Français-e-s. Toutefois, je ne serai pas surpris s’il n’arrive pas à convaincre.
Car, au-delà du matraquage fiscal ou des pensions, il faut oser reconnaître qu’une haine profonde envers le président Macron a gagné une bonne partie de la France. Une haine du président exacerbée par un certain mépris des classes moyennes de la part de ce même président.
L’enjeu est donc de taille et Macron a pleinement conscience qu’il joue gros ce soir. Heureusement qu’il a fini par voir la réalité en face : la colère du peuple. En effet, dans un twitter publié ce dimanche 14 avril, voici ce qu’il écrivait : « nous avons décidé de transformer les colères en solutions. »
Si Macron échoue à convaincre ce soir (et il est fort probable que ce soit le cas), je pense sérieusement qu’il peut présenter sa démission et éviter de prolonger une crise politique qui a assez duré et qui n’est pas prête de s’arrêter. Si son discours ne convainc pas ce soir, ce sera à coup sûr sa mort politique.