Alain Finkielkraut, philosophe membre de l’Académie française et Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les hommes et les femmes, se sont lancés dans une véritable guerre des mots depuis bientôt deux semaines sur la question de l’antisémitisme dans les banlieues françaises et du port du voile. Découvrez ce qui s’est réellement passé
Entre Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat et le philosophe Alain Finkielkraut, le torchon brûle. Et la guerre est loin de connaître sa fin. En effet, tout a commencé la semaine dernière, quelques jours seulement après la formation du premier gouvernement d’Edouard Philippe, Premier ministre d’Emmanuel Macron.
Le philosophe, de passage sur LCI puis RCJ, avait vivement critiqué Marlène Schiappa sur un billet qu’elle avait écrit en 2014 adressé à Manuel Valls, à l’époque Premier ministre et intitulé : « Non, cher Manuel Valls, les quartiers populaires ne sont pas antisémites ». Dans le billet, l’actuelle secrétaire d’Etat rejetait en bloc les affirmations de Valls selon qui l’antisémitisme se nourrit dans les quartiers populaires.
« Interdire le voile, c’est reconnaître le voile comme signe religieux »
« Vous avez déclaré constater ‘la montée de l’antisémitisme, qui se nourrit dans les quartiers populaires’ dont vous affirmez qu’ils seraient ‘antisémites’. Comme vous, j’ai grandi dans les quartiers que l’on qualifie pudiquement de ‘sensibles’ et qui ont l’horreur de passer régulièrement dans des émissions du style ‘dans l’enfer des cités parisiennes où la police ne va plus’ », écrivait Marlène Schiappa en 2014.
Dans son billet, l’actuelle secrétaire d’Etat s’était également attaquée à l’interdiction du voile. Elle dira : « l’article 1 de la loi de 1905 prévoit que la République ‘ne reconnaît, ne salarie, ne subventionne aucun culte’. Ni plus ni moins, interdire le voile, c’est reconnaître le voile comme signe religieux, donc reconnaître une religion, interdire le voile à l’école est donc contraire à la loi 1905 ».
Trois ans plus tard, Marlène Schiappa est nommée secrétaire d’Etat. Une nomination qui, certainement, n’a pas été du goût du philosophe. Le 19 mai, sur le plateau de LCI, Alain Finkielkraut, se référant aux propos de l’actuelle secrétaire d’Etat, n’avait pas hésité à dénoncer une « aberration totale », estimant en effet que les propos tenus par Marlène Schiappa étaient « absolument scandaleux ».
« J’ai toujours pensé que vous étiez un chroniqueur de télévision »
Vexée par les commentaires du philosophe, Marlène Schiappa ne compte pas du tout calmer le jeu. Elle décide de répondre à Alain Finkielkraut. Dans une lettre ouverte datée du 23 mai et publiée par Libération le 26 mai, la secrétaire d’Etat ne mâche pas ses mots. Elle affronte Finkielkraut, à ses risques et périls.
« L’honnêteté m’oblige à dire que j’ai toujours pensé que vous étiez un chroniqueur de télévision (je le dis sans malice, j’ai beaucoup de respect pour les chroniqueurs de télévision). Mais, certains de mes amis pensent que vous êtes un grand philosophe, un Académicien, un homme de valeurs (le pluriel est d’eux). Je les crois », écrit-elle.
« Je découvre que vous vous adonnez à la curée »
Et d’ajouter : « (…) Voyez-vous, même si je combats l’immense majorité de vos idées, je tenais en respect l’opinion de mes amis et donc, votre fonction de grand philosophe, d’Académicien. Je pensais que vous fondiez vos réflexions sur des éléments tangibles, des sources contradictoires, des mises en perspectives, et une analyse longue. Au lieu de cela, je découvre que vous vous adonnez à la curée ».
Marlène Schiappa ajoute : « si le philosophe, le grand homme, l’Académicien, est réellement outré par les propos qu’il me prête et qui n’ont jamais été les miens, il les corrigera publiquement par honnêteté intellectuelle. Si le chroniqueur veut ajouter du commentaire au commentaire, il trouvera j’en suis certaine une parade médiatique pour continuer à surfer sur l’écume créée ».
« Alain Finkielkraut contrattaque »
Samedi 27 mai, Alain Finkielkraut contrattaque. Le philosophe, ayant lu la réponse de Marlène Schiappa, décide de ne pas enterrer la hache de guerre. « J’ai regretté publiquement que La République en marche ait jugé bon de présenter dans l’Essonne un candidat contre Malek Boutih qui sollicitait pourtant l’investiture du parti du président et qu’ ‘en même temps’ soit nommé au gouvernement Marlène Schiappa, une militante connue pour son opposition à la loi sur les signes religieux à l’école », écrit l’Académicien.
Il ajoute : « au lieu de poursuivre de sa vindicte ceux qui ont le malheur de lui rappeler ses propres prises de position, Marlène Schiappa devrait, toutes affaires cessantes, lire le dernier état des lieux publié par Bensoussan La France Soumise (avec une préface lumineuse d’Elisabeth Badinter) et le rapport de Malek Boutih intitulé Génération radicale. Ainsi, débarrassée de ses œillères idéologiques, pourra-t-elle commencer à faire du bon travail ».
Schiappa répondra-t-elle à l’Académicien ou décidera-t-elle d’enterrer, une bonne fois pour toute, la hache de guerre ? L’avenir nous le dira.
Pour lire les lettres ouvertes des deux personnalités cliquez ici : Libération, Marlène Schiappa, Huffington Post