Le terrible article 49.3 a finalement été appliqué par le gouvernement ce 29 février. L’annonce a été faite par Edouard Philippe, premier ministre qui, ainsi, endosse la lourde responsabilité d’un passage en force qui a immédiatement suscité de vives protestations non seulement à l’Assemblée nationale mais aussi devant le Parlement où des centaines d’opposants à la réforme des retraites ont défié le gouvernement.
Aussi brutale soit-elle, la décision n’a surpris personne. Le gouvernement avait en effet mené une véritable préparation psychologique durant au moins une semaine. La date restait certes un mystère, mais l’application du 49.3 était attendue par de nombreux Français depuis sept jours.
Quelle leçon tirer de ce passage en force qui avait été prédit par notre média Lecourrier-du-soir.com depuis lundi ? Cette décision extrêmement dangereuse qui intervient dans un contexte politico-social très tendu n’est que la suite logique de la gouvernance d’Emmanuel Macron. Il faut surtout souligner que cette réforme a été rejetée dès décembre par une moitié des Français. Et le rejet se poursuit. Dans un sondage publié ce 5 février par YouGov, 51% des Français se sont prononcés pour un retrait pur et simple de la réforme.
Alors, pourquoi le gouvernement s’entête-t-il à vouloir l’imposer aux Français à tout prix ? Cette question est d’autant plus pertinente à ce jour qu’elle nous permet de comprendre ce qu’est la France sous Macron. Rappelons que l’actuel président a eux deux prédécesseurs : Nicolas Sarkozy et François Hollande. Le premier s’était attiré les foudres du peuple dans sa volonté d’augmenter l’âge de retraite et le second (pourtant socialiste) avait, durant son mandat, entamé la casse du marché de travail français. Chacun d’eux avait accompli en son temps sa mission qui est celle de mettre fin à l’état-providence français. Et Macron n’est que l’aboutissement de ce processus.
Emmanuel Macron n’est pas le président du peuple français, mais plutôt de son oligarchie et dans les médias anglophones, beaucoup plus orientés vers le monde des finances, le personnage n’avait trompé personne. « Macron en est à sa dernière tentative de détruire le filet de protection des Français », alertait le journaliste Cole Stangler dans un édito publié dans le Guardian le 4 décembre, la veille de la Grève Générale qui avait paralysé le pays pendant au moins 4 semaines.
Et Cole Stangler n’est pas le seul. Le 7 septembre 2017, Chris Bickerton, journaliste au New York Times, avait vertement critiqué les politiques du président français en ces termes : « les politiques économiques de Macron favorisent les employeurs au détriment des employés et taillent sur le peu qui reste à l’état-providence français. (…) Pour le moment, M. Macron est encore le chouchou de l’élite libérale mondiale, mais son impopularité grandissante nous donne une meilleure image de ce qu’il a à offrir », analysait-il.
Macron n’a aucun intérêt à engager un bras de fer avec le peuple. Il en sortira vaincu et il le sait. Toutefois, son entêtement à vouloir à tout prix imposer une réforme rejetée par une partie du peuple (à moins de deux semaines des Municipales) est la preuve que ses décisions politiques lui sont imposées par une élite libérale mondiale qui, comme l’a si bien souligné Chris Bickerton, l’a placé au pouvoir. En entrant à l’Elysée, il avait une mission à accomplir : mettre fin à l’état-providence français.
Il est exactement en train d’accomplir cette mission et le passage en force de ce vendredi 29 février doit être compris ainsi. Les Français n’ont encore rien vu car pour les deux ans qui lui restent, il y aura encore d’autres passages en force. L’élite libérale mondiale qui a jeté son dévolu sur la France a trouvé en Macron une occasion tant rêvée de mettre ce pays à genoux, comme ce fut le cas de la Grande-Bretagne sous Thatcher.
Emmanuel Macron n’a plus rien à perdre. Il suit sa feuille de route qui lui est imposée et est prêt à assumer toutes les conséquences de ses décisions politiques, quel que soit leur niveau d’impopularité (statut des cheminots, réformes des retraites, loi travail, privatisation de la SNCF privatisation de la Française des Jeux…).
Désormais, tout se joue dans la réponse qui sera apportée par le peuple aux politiques de Macron. En novembre 2018, quand il a voulu faire un passage en force avec la taxe carbone, il avait très vite achoppé sur une immense colère du peuple (Gilets Jaunes) qui l’avait poussé à faire marche arrière pour ne perdre le pouvoir.
Quelle réponse va apporter le peuple après le 49.3 ? Telle est la question qu’on se pose aujourd’hui. Si les Français ne savent pas encore ce qu’ils veulent, à l’Elysée, la feuille de route est claire et chaque projet mis sur la table par l’élite libérale mondiale sera réalisé par Macron avec ou sans l’aval du peuple.
Le temps presse, Macron ne peut plus attendre et l’élite libérale qui l’a installé à l’Elysée sait que ses chances de rester au pouvoir en 2022 sont très minces. L’ultime stratégie de Macron consiste désormais à défier le peuple, à ses risques et périls.