Eric Woerth, actuel président de la commission des finances de l’Assemblée Nationale et ancien ministre du Travail a accordé une interview exclusive au JDD, taclant sévèrement Emmanuel Macron et Edouard Philippe
Eric Woerth en colère contre Emmanuel Macron. Dans une interview exclusive accordée au JDD et publiée ce dimanche, l’ancien ministre du Travail de Nicolas Sarkozy tire un bilan plutôt négatif des premiers choix de politique économique de Macron, estimant qu’il y a beaucoup de contradictions de l’exécutif qui, selon lui, « n’assume pas ses décisions ».
« J’y vois beaucoup de contradictions, parce que l’Exécutif n’assume pas ses décisions. Par exemple, on nous a expliqué que les coups de rabot, c’était la vieille politique. Et en réalité, on constate que le gouvernement rabote les dépenses publiques. De même, Emmanuel Macron a été extrêmement proche de l’ancien président, mais il n’assume rien de ces réformes-là », s’agace-t-il.
« Avec Emmanuel Macron, c’est mardi gras tous les jours »
Pour le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, le discours sur la moralisation de la vie publique ne tient pas. « Par ailleurs, quand on dépense 350 000 euros pour une soirée d’autopromotion à Las Vegas, on est loin des discours sur la moralisation de la vie publique. On nous explique aussi que ce sont les territoires qui font la France, mais on taxe les plus collectivités locales à hauteur de 10 milliards d’euros en 2018, on passe un coup de rabot de plus de 300 millions d’euros sur les crédits de 2017 et on supprime la taxe d’habitation sans dire comment on la compense », regrette-t-il.
Et d’ajouter : « avec Emmanuel Macron, c’est mardi gras tous les jours : il s’habille en aviateur, mais il demande aux militaires de prendre en charge le surcoût des opérations extérieures. Le message envoyé à nos armées n’est pas très ‘bienveillant’ (…). Sur les APL, le gouvernement s’aperçoit que les gens vont perdre beaucoup plus que 5 euros et il bricole une solution au dernier moment. Tout cela, c’est la politique de toujours… quand elle est mauvaise ».
Sur la question des dépenses de l’Etat, du respect des traités de Maastricht, de la réforme du droit du travail, il estime que ce sont des intentions dans lesquelles il se trouve. Au JDD, Éric Woerth persiste et signe : l’opposition n’hésitera pas à faire part de son désaccord aux politiques du gouvernement quand c’est nécessaire.
« Nous n’hésitons pas non plus à dire quand nous sommes d’accord »
« Si nous n’hésitons pas à monter au créneau quand c’est nécessaire, nous n’hésitons pas non plus à dire quand nous sommes d’accord. La majorité du groupe LR s’est abstenue lors du vote sur la déclaration de politique générale du Premier ministre. Nous avons voté la loi d’habilitation pour les ordonnances parce que nous voulons que les réformes nécessaires soient faites et on dépasse les clivages politiques. Mais, cela nous donne une grande latitude pour montrer les contradictions », prévient-il.
L’ancien ministre du Travail de Nicolas Sarkozy s’est aussi prononcé sur les trois premiers mois de mandat de Macron à la tête du pays. Là également, il tire un bilan pas très positif. Il déplore en effet qu’il n’y ait rien dans les tuyaux sur les réformes. Et pas que ! « Aucun débat n’a été lancé sur la réforme du logement, de l’assurance chômage, de notre modèle social ou des retraites, qui sont pourtant des enjeux majeurs pour la maîtrise des dépenses publiques », déplore-t-il.
« Edouard Philippe est un metteur en forme des décisions du président »
Éric Woerth se dit surpris. « J’en suis surpris pour un président qui paraissait organisé et qui a une vision extrêmement hiérarchique et autocentrée de la République. Sur les réformes de structure, j’entends des discours assez flous en général, mais je ne vois pas le début d’un processus de réforme en profondeur ».
Sur la question de savoir si Edouard Philippe est un bon Premier ministre, il estime que l’actuel Premier ministre est « bien intentionné », mais dit que son poids lui paraît « assez faible ». « Ce n’est même pas un metteur en scène de l’action gouvernementale. C’est un metteur en forme des décisions du président, de son cabinet et de la technostructure qui entoure Emmanuel Macron. Mais, il n’a pas été nommé là pour mettre en œuvre la politique du gouvernement. La priorité du gouvernement, c’était de casser la droite », dit Woerth.
« La vérité, c’est que l’exécutif n’est pas encore entré dans le dur »
Sur la question de savoir comment va la droite aujourd’hui, il répond : « la réorganisation des Républicains est devant nous. C’est une tâche pleine d’embûches et de dangers. Mais, je crois qu’on ne peut rien construire à l’extérieur du parti, en le divisant. C’est toujours tellement plus simple de construire des mini-chapelles autour de soi…Un édifice plus large, c’est compliqué à construire et à entretenir, mais il faut éviter le morcellement de la droite. Il faut approfondir notre réflexion sur comment on vit ensemble quand on est au centre droit et quand on est plus à droite ».
Éric Woerth a aussi réagi par rapport à la récente chute de Macron dans les sondages. Il interprète cette chute comme une conséquence des contradictions « entre ce que souhaite représenter Emmanuel Macron et la réalité des faits ». « (…) Il ne suffit pas d’aller taper dans un ballon et d’enfler les rangers pour obtenir les grâces des Français. Heureusement, d’ailleurs. La vérité, c’est que l’exécutif n’est pas encore entré dans le dur. Rien de difficile n’a encore été fait », préconise-t-il.
Pour lire l’intégralité de cette interview, cliquez ici : JDD