Marguerite est une nourrice qui fait le voyage de la Normandie à Paris pour récupérer des nourrissons à allaiter, et les ramener ensuite à leurs parents lorsqu’ils sont sevrés. Un roman historique passionnant !
Nous sommes en 1743. Marguerite est nourrice. Alors qu’auparavant, c’étaient les propriétaires terriens qui amenaient leurs nourrissons aux nourrices dans les fermes qui leur étaient attachées, les habitudes évoluent. Désormais, ce sont les nourrices qui doivent se rendre à eux. Et comme la natalité est en plein essor à Paris, les nourrices sont très demandées. De plus, l’hôpital des Enfants trouvés, qui recueille les petits des familles qui n’ont pas les moyens de l’élever, et les enfants illégitimes, voit ses admissions augmenter. C’est une vraie course aux nourrices qui est lancée. Il en vient désormais de partout autour de Paris. Les nourrices sont conduites dans des carrioles (une dizaine par véhicule) par des meneurs mandatés. Mais le trajet est éprouvant, aussi bien pour les nourrices qui doivent faire une grande partie du trajet à pied pour soulager les chevaux, que pour les nourrissons, tout juste nés et si fragiles…
Christian De la Hubaudière est un instituteur du Perche à la retraite. Tout au long de sa carrière d’enseignant, il s’est intéressé à l’histoire des enfants et leur mode d’éducation. C’est en découvrant dans des registres paroissiaux que de nombreux nourrissons parisiens étaient morts loin de chez eux au XVIIIe siècle qu’il s’est interrogé et s’est penché sur la question des nourrices. C’est ainsi que dans « Au Sein de Paris », nous suivons Marguerite et sa famille, établis en Normandie, à Rânes. On découvre le métier à ses côtés, de 1743 à 1791. Ce métier, qui est devenu une véritable industrie du nourrisson, a beaucoup évolué et a touché une grande partie de la population. Les curés sont devenus les véritables garants du système car c’est eux qui surveillaient qu’il n’y ait pas d’abus, et c’est aussi eux qui sélectionnaient les nourrices pour les bourgeois. Les meneurs étaient chargés de mener à bon port les nourrices et les nourrissons en carrioles. Le bureau des nourrices quant à lui faisait le relai entre les nourrices et les bourgeois désireux de confier leurs nouveau-nés… sans parler de l’hôpital des Enfants Trouvés qui était également en recherche de nourrices…
Et « Au Sein de Paris », c’est bien plus que ça ! En effet, ce n’est pas uniquement Marguerite que nous suivons, c’est toute sa famille. Nous découvrons ainsi le métier de faïencier au travers de son fils, le métier de dentellière en suivant l’histoire de sa fille… Ce roman est une véritable histoire dans l’Histoire ! Le texte est très documenté, avec des références historiques précises. Et pourtant, le tout est très fluide, très prenant. On s’attache à cette famille et surtout à Marguerite qui voit son métier évoluer à grande vitesse alors que Paris est en ébullition. On voit les femmes s’émanciper en commençant à gagner de l’argent. Et on voit l’influence de l’Église perdre petit à petit du poids dans le quotidien des français, alors que quelques années plus tôt, c’est elle qui régissait tout.
Christian De la Hubaudière nous propose un roman historique passionnant. Je n’ai pas vu le temps passer tellement j’étais prise dans ma lecture. L’auteur de la saga « La Vierge de faïence » fait encore merveille !
ISBN 2-951233-4-0
Prix 19€
287 pages